Le conflit syrien au cœur des manifestations à Antakya en Turquie

Le conflit syrien au cœur des manifestations à Antakya en Turquie
La ville d’Antakya, non loin de la frontière syrienne, connaît depuis le 9 septembre un regain de violences entre manifestants et policiers. Un mouvement qui poursuit celui de la place Taksim à Istanbul, mais qui a une spécificité : les protestataires sont pour la plupart des alaouites, la branche du chiisme à laquelle appartient le président syrien Bachar al-Assad. Et leurs revendications dépassent le simple cadre national.
Depuis le mois de juin, les opposants au gouvernement de Recep Tayyip Erdogan et à son parti islamiste, l’AKP, n’ont cessé de défiler à Antakya, à l’instar des manifestants de la place Taksim à Istanbul. Mais les habitants de cette ville ne s’en tiennent pas aux mêmes revendications que les protestataires de la capitale, qui s’opposaient à la destruction du parc Gezi. Leur ville, anciennement appelée Antioche, faisait partie de la Syrie jusqu’en 1939, année où elle a été rattachée à la Turquie. De nombreux habitants de la ville sont donc d’origine syrienne et par conséquent arabophones. C’est aussi dans la région d’Hatay que se concentre la majorité de la communauté alaouite de Turquie. Celle-ci est évaluée à 500 000 personnes, dans un pays majoritairement sunnite.
La population d’Hatay accepte en outre mal l’afflux de réfugiés syriens, principalement sunnites, d’autant plus qu’ils perçoivent cette population comme un risque pour leur sécurité. Ces réfugiés ont d’ailleurs été visés par un attentat à la bombe en mai dernier.

« Le gouvernement nous accuse de soutenir le régime dictatorial de Damas »

Khasibi, 26 ans, est ingénieur à Antakya.
Le mouvement de protestation ici ne s’est jamais arrêté, même s’il a perdu en intensité. À  Antakya, nous continuons à sortir dans la rue toutes les semaines à la mémoire d’Abdullah Cömert, un manifestant tué par la police. Nous demandons à ce que les responsables de sa mort soient punis.
Un graffiti sur un mur à Antakya, à la mémoire d’Abdullah Cömert.
Mais à chaque manifestation, les policiers nous répriment à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Le 9 septembre ils ont tiré les bombes lacrymogènes de trop près et ils ont tué un autre manifestant, Ahmet Ataka. Ce nouvel incident a encore ravivé la colère de la foule.

Mais nous avons bien d’autres raisons de défiler contre le gouvernement, notamment ce qui se passe en Syrie. Ahmet lui-même dénonçait régulièrement les attaques contre les Alaouites en Syrie sur sa page Facebook. Nous sommes contre le soutien inconditionnel du gouvernement turc aux rebelles syriens. Ces gens-là tuent nos familles à Lattaquié et Tartous [villes alaouites syriennes qui sont des fiefs de Bachar al-Assad]. Moi-même j’ai des grands-parents d’origine syrienne. Le gouvernement nous accuse de soutenir le régime dictatorial de Damas et nous qualifie d’ »agents de Bachar ». Mais est-ce démocratique de réprimer des manifestants pacifiques ? Ce n’est qu’une excuse pour réprimer une minorité.