Le conflit des syndicalistes du port d’Alger entre dans sa phase médiatique. Le faire-part des protestataires renseigne sur un vice de forme concernant la suspension de certains membres du conseil syndical. Au moment où les responsables parlent de non-respect du statut constitutif et de la non-tenue de l’assemblée générale, seule instance habilitée à trancher par voie de vote, les concernés évoquent une suspension arbitraire. Banale mésentente autour du cadre juridique ? Conflit d’intérêts ? Non-respect du règlement en vigueur ? La plainte est-elle recevable par la justice ?
C’est au niveau du port d’Alger que s’est tenue hier une énième opération de vote, sans la tenue d’une assemblée générale du conseil syndical, pour décider du retrait de confiance au bureau du comité de participation, et ce malgré l’introduction d’un dossier en justice pour traiter une affaire qui n’est pas près de connaître son épilogue.
La genèse de cette affaire remonte à six mois lorsqu’il a été décidé la suspension de toute activité syndicale du secrétaire général du syndicat d’entreprise du port d’Alger ainsi que de six membres du conseil syndical, affilié à l’UGTA.
A l’origine de cette mesure, un différend organique qui oppose cette structure à l’Union locale d’Alger-Centre. D’après notre source, «cette mesure de suspension a été prise dans un premier temps à l’encontre de six membres du conseil syndical, qui portaient la double casquette de syndicalistes de membres du comité de participation.
Ce qui a incité certains membres à vouloir évincer du conseil syndical ces six membres et ce, en passant par un vote sans se référer à une assemblée générale, seule habilitée à décider d’un vote».
Notre interlocuteur va plus loin en affirmant qu’«un vote a eu lieu durant 4 jours, c’est-à-dire les 18, 19, 20 et 21 novembre, avec la présence d’un huissier de justice et sans que le quorum soit atteint, puisque la règle des 50% +1 n’a pas été appliquée. Pis, on a induit en erreur plusieurs travailleurs en leur faisant signer un document sous prétexte que c’était pour leur offrir un costume ».
Selon notre source, le prétexte de l’éviction des six syndicalistes a été justifié par le fait qu’«ils n’auraient pas respecté le règlement intérieur de l’organisation à travers, notamment, la mise en vente des cartes d’adhésion». Un argument que réfutent les syndicalistes suspendus, arguant qu’«à l’origine de cette mesure, il y a un différend interne qui nous oppose aux responsables de l’Union locale d’Alger- Centre», une structure hiérarchique dépendant de l’Union de wilaya UGTA d’Alger.
Face à cette situation, le secrétaire général du syndicat d’entreprise du port d’Alger a exprimé son soutien aux six cadres syndicaux, en considérant qu’«ils ont été abusivement suspendus».
Dès lors, une autre mesure de suspension a été prise à son encontre par la même structure. « Nous avons déposé plainte au niveau du tribunal d’Alger, sous le n° CH 45907/12 en daté du 8 novembre 2012, au motif qu’il y a eu faux et usage de faux dans cette opération de vote.
De plus, le nombre de votants était largement inférieur à celui du nombre d’inscrits dans le conseil syndical. En effet, lors de la réception de la correspondance concernant la dissolution de la composante du comité de participation par anticipation, il a été remarqué des anomalies graves relevant de la justice puisque les signatures suscitent des interrogations quant à leur authenticité.
Donc, en attendant que le tribunal se prononce, il était évident que l’AG relative au renouvellement du comité de participation ne puisse pas se tenir durant toute la période où ce dossier est entre les mains de la justice. 11 jours après, une autre opération de vote a été effectuée au niveau du port d’Alger.
Nous avons alors saisi en référé la juge qui nous a déclaré que cette affaire a été introduite en pénal et que sa cour est incompétente pour traiter ce dossier». Pour notre interlocuteur, il est évident qu’«on veut délibérément dissoudre le comité de participation pour éjecter deux syndicalistes qui font partie du conseil d’administration ».
«Nous avons saisi par correspondance le directeur général de l’Entreprise portuaire d’Alger (EPAL), mais ce dernier s’est contenté de nous répondre qu’il n’est concerné ni de près ni de loin par cette affaire.»
«Aujourd’hui (dimanche 2 décembre, ndlr), une autre opération de vote a été enclenchée dont l’objet est le retrait de confiance au bureau du Comité de participation. Une autre manière de procéder à la dissolution de ce bureau, alors que la loi 90-11, article 101, stipule que le retrait de confiance au comité de participation doit avoir l’approbation de la majorité des membres de l’assemblée générale.
Une entorse à cette loi qui est pourtant très claire. Il y a une procédure à suivre, qu’ils l’a respectent. Je me demande pour quels intérêts on essaie d’éjecter les membres du conseil de participation puisque le renouvellement de ce bureau doit se faire dans six mois alors que le renouvellement du conseil syndical est dans deux mois », nous ont signalé certains membres.
Rappelons que l’EPAL regroupe 2 850 travailleurs et que le comité de participation dispose de 30 membres. Il n’en demeure pas moins que face à ces rebondissements, le secrétaire général de l’Union de wilaya d’Alger a été saisi ainsi que le secrétaire général de la Fédération des travailleurs des ports «pour qu’une solution soit trouvée à cette problématique qui risque de porter atteinte à l’unité syndicale».
Sfindja Hamdane