Le conflit libyen risque de durer, et aucune solution de règlement de la crise ne peut-être trouvée pour le moment.
Pis, depuis le début de l’intervention militaire de la coalition internationale en Libye, les choses se compliquent davantage, estime le ministre français de la Défense Gerard Longuet. Une reconnaissance de fait de l’impuissance des coalisés à faire partir Mouammar Kadhafi et de l’inexorable enlisement du conflit, avec une menace potentielle qu’il ne se transforme en une longue et désastreuse guerre civile.
Arrivé dimanche en Afghanistan pour une visite des troupes françaises, Longuet estime dans un entretien au journal Le Parisien qu’il «y a un certain risque » que le conflit en Libye «puisse durer». «Je dirais plutôt qu’il y a un certain risque que cette guerre puisse durer car Kadhafi et la Libye ne sont pas totalement prévisibles», estime-t-il, interrogé sur la possibilité d’un enlisement du conflit.
«Oui, c’est long et compliqué. Et parce que c’est compliqué, c’est long», ajoute le ministre français. «L’aviation de la coalition (qui a entamé ses frappes le 19 mars sur mandat de l’ONU, ndlr) est en mesure de casser tous les approvisionnements logistiques des troupes de Kadhafi lorsqu’elles vont vers l’est à découvert», estime M. Longuet.
«Mais, en combat urbain, je dois reconnaître que si l’aviation évite la tragédie, elle ne règle pas pour autant le problème», a-t-il reconnu. «Hors aviation américaine, nous sommes actuellement à environ 150 sorties aériennes par jour et la France en assure 20 à 25%», indique encore Gérard Longuet. «Le problème c’est que nous manquons d’informations concrètes et vérifiées sur des objectifs identifiés au sol.
PRESSION SUR KADHAFI
De son côté, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a déclaré qu’il fallait «maintenir la pression militaire» en Libye et affirmé que le départ de Mouammar Kadhafi était «le but principal» de la coalition, dans un entretien à des médias diffusé dimanche. «Kadhafi est toujours là, mais il est très affaibli (…)
Je crois qu’on doit maintenir la pression militaire – ce qui n’est plus une action de l’Union européenne mais une action de l’Otan – et on doit agir de telle sorte qu’il quitte (le pouvoir)», a-til déclaré lors d’une émission commune de la chaîne TV5Monde, la radio RFI et du journal Le Monde. «C’est le but principal », a-t-il répété en parlant du départ du dirigeant libyen. «M. Cameron, M. Obama et M. Sarkozy l’ont dit dans une tribune publique et ils ont raison.»
Le Premier ministre britannique David Cameron a répété dimanche quant à lui qu’il n’était «pas question» de déployer en Libye des troupes d’occupation. «Ce que nous avons dit, c’est qu’il n’est pas question d’une invasion ou d’une occupation, il ne s’agit pas d’envoyer des soldats sur le terrain. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit», a asséné le chef du gouvernement sur la chaîne d’information Sky News, précisant que cette restriction rendait les choses «plus difficiles ».
«C’est parce que nous avons dit que nous n’allons pas envahir (la Libye), que nous n’allons pas l’occuper, que c’est plus difficile, à bien des égards, car nous ne pouvons pas totalement déterminer l’issue avec ce que nous avons à notre disposition», a-t-il reconnu, rejoignant les estimations du ministre français de la Défense quant à la possibilité d’un enlisement du conflit en Libye.
COMBATS À L’ARME LOURDE À AJDABIYA ET MISRATA
Par ailleurs, en Libye, les forces pro- Kadhafi tiraient à l’artillerie lourde dimanche sur la porte ouest d’Ajdabiya, dans l’Est libyen, poussant des centaines d’habitants restés dans la ville à fuir.
Longtemps bloqués autour d’Ajdabiya, grand carrefour routier à 160 km au sud de leur fief de Benghazi, les insurgés avaient progressé samedi d’une quarantaine de kilomètres en direction du port pétrolier de Brega, à 80 km plus à l’ouest, à la faveur de raids aériens de l’Otan ces derniers jours. Mais les tirs, particulièrement intenses, et des échanges nourris à l’arme automatique, indiquaient que les forces pro-Kadhafi étaient revenues à quelques kilomètres d’Ajdabiya.
Des dizaines de camions d’insurgés lourdement armés revenaient par la route de Benghazi et entraient dans Ajdabiya, et plaçaient des mines antichars à la sortie nord-est de la ville, dans le sable sur les bords de la route menant à Benghazi. «Les forces de Kadhafi se rapprochent de la ville, ils bombardent la porte ouest depuis ce matin. Ecoute le son des canons, ils se rapprochent », ont soutenu des témoins cités par l’AFP.
A Misrata en revanche, le pilonnage nocturne par les pro-Kadhafi a été nettement moins intense dans la nuit de samedi à dimanche que les nuits précédentes, selon des journalistes présents sur les lieux. Les insurgés ont affirmé avoir attaqué avec succès des positions des pro-Kadhafi dans la nuit et cerné ou repoussé des tireurs embusqués autour de la rue de Tripoli, l’artère principale de la ville.
Dans le centre, de la fumée noire s’élevait, provenant selon un insurgé d’un char détruit pendant la nuit. Les insurgés de Misrata, nettement plus organisés que dans la plupart des autres villes tenues par l’opposition, avaient déjà détruit samedi quatre chars -dissimulés dans des maisons pour éviter les tirs de l’Otan – dans la prise d’un camp de l’armée régulière. Dimanche en fin d’après-midi, le principal hôpital de la ville a évoqué un bilan de six morts et 31 blessés.
OBAMA VEUT OFFRIR UNE PORTE DE SORTIE À KADHAFI
Par ailleurs, le gouvernement américain a lancé une intense recherche pour trouver un pays qui pourrait accueillir le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, a indiqué samedi le New York Times.
Cependant, le colonel Kadhafi risquant d’être poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, les responsables américains n’ont qu’une courte liste de pays potentiels.
Trois responsables de l’administration Obama ont indiqué au New York Times qu’ils tentaient de trouver un pays qui n’ait pas signé ou ratifié le Traité de Rome qui oblige les pays à livrer quiconque est inculpé par la CPI. Kadhafi pourrait ainsi trouver refuge dans un pays d’Afrique, dont la moitié des Etats n’a pas signé le traité.
«Nous avons tiré quelques enseignements de l’Irak, et un des plus importants est que les Libyens doivent prendre la responsabilité du changement de régime, pas nous», a indiqué au quotidien un haut responsable de l’administration Obama. «Ce que nous essayons simplement de faire c’est de trouver le moyen d’organiser une issue pacifique», a-t-il ajouté.
Yazid Alilat