Participera, ne participera pas ? Le voile est levé et la décision a été prise par le commissaire du Sila himself : le pays des Pharaons est persona non grata à la manifestation livresque en octobre prochain.
Neuf mois après les évènements tragiques qu’a vécus la sélection algérienne de football au Caire, dans le cadre du match de qualification pour le Mondial 2010 en Afrique du Sud, les faits sont là et la mémoire collective s’en souvient. Les relations algéro-égyptiennes ne sont pas encore rétablies.
Résultat des courses : les éditeurs égyptiens ne sont pas invités à participer à la 15e édition du Salon du livre d’Alger. “C’est par respect au peuple algérien et par respect aux personnes qui ont été massacrées et caillassées dans le car. On ne peut pas oublier. Ma conscience ne me permet pas de provoquer ! ”C’est ce qu’a déclaré le commissaire du Sila, hier, au salon de la Bibliothèque nationale d’Algérie.
Ainsi, ce qui était considéré comme une rumeur a été confirmé par le commissaire du Sila. Pour étayer cette décision, il a affirmé que “je ne peux pas inviter des gens qui se sont permis le luxe de dénigrer l’Algérie, son histoire et ses martyrs, surtout venant de la part d’intellectuels !”
Affirmant avoir interrompu ses vacances pour venir s’expliquer, Smaïn Ameziane a tenu à préciser que cette décision lui est propre. “Je suis le commissaire du Salon du livre et je n’ai reçu aucune instruction dans ce sens ! Je parle d’abord en tant que citoyen ensuite en tant que commissaire. En tant que citoyen, ma conscience ne me permet pas d’inviter les Égyptiens aujourd’hui, bien que parmi eux il y ait des amis (…), par respect aux jeunes qui se sont fait massacrer au Caire.” Allant encore plus loin dans ses déclarations, il a affirmé mordicus.
“Je n’investirai pas un centime pour leur sécurité et la sécurité de leurs biens !” En fait, cette rencontre ou plutôt cette “clarification” a été déclenchée suite à un article publié la semaine dernière par un confrère. Plus qu’une mise au point, cette sortie est une réponse du commissaire du Salon international du livre d’Alger à l’Union des éditeurs égyptiens.
Pour rappel, cette même union avait saisi, il y a un mois, le commissariat du Sila pour exprimer son souhait de participer à la prochaine édition. “Je n’ai pas répondu à leur courrier et je n’ai pas à leur répondre.
Si vous lisez attentivement le règlement intérieur du Sila, le commissaire est souverain d’inviter qui il veut !” Une déclaration, on ne peut plus claire, révélatrice d’une position politique qui ne dit pas son nom. Après les tentatives diplomatiques “infructueuses” de la partie égyptienne pour “normaliser” les rapports entre les deux pays, la culture, appelée à la rescousse, ne semble pas réussir là où le politique a failli. Pour autant, Smaïn Ameziane a longuement insisté sur l’autonomie de sa décision et que celle-ci ne fait pas suite à une instruction.
Le souci de ne pas “provoquer le peuple algérien” constitue-t-il l’unique raison qui a poussé le commissariat du Sila à faire obstruction à la participation égyptienne au Salon du livre d’Alger ? M. Ameziane admet, certes, que “Mme la ministre a donné instruction pour toiletter le salon, afin qu’il soit plus clean et qu’il y ait des ouvrages qui répondent aux besoins de la population estudiantine”.
Un “toilettage” qui, apparemment, ne vise pas seulement les ouvrages subversifs. “Les livres égyptiens ne seront pas présents. C’est un salon du livre et non un bazar (…) Un éditeur doit exposer les produits de sa maison d’éditions. Ce n’est pas une instruction, c’est le règlement et j’ai pour mission de faire respecter !”, a-t-il encore clamé.
La décision est-elle irrévocable ? Serait-elle maintenue même si les éditeurs égyptiens venaient à présenter leurs excuses ? “C’est trop tard, j’aurais aimé que ces éditeurs qu’on appelle intellectuels aient réagi avant, car ce sont eux qui nous ont traités de tous les noms à travers leurs médias”, répond Smaïn Ameziane.