Cinq jours après sa mort dans des circonstances pas encore élucidées, l’ancien chef de l’État libyen a été inhumé dans la nuit de lundi à mardi dans un lieu tenu secret par le CNT, qui semble déterminé à tout faire pour que sa tombe ne devienne un lieu de pèlerinage pour les pro-Kadhafi.
Les nouvelles autorités libyennes ont confirmé qu’elles redoutent sérieusement que même après sa mort, Mouammar Kadhafi peut constituer un obstacle à leur politique en l’inhumant en pleine nuit dans un endroit qu’elles gardent secret.
En effet, après avoir fait savoir dès le lendemain de la mort de l’ancien dirigeant, que sa dépouille serait enterrée dans un lieu secret pour éviter tout pèlerinage sur sa tombe, le CNT est passé à l’acte en l’enterrant avec son fils Mouatassim Kadhafi, et l’ex-ministre de la Défense Abou Bakr Younès Jaber, tués également à Syrte en même temps que lui. Selon des gardes postés à l’entrée du marché des faubourgs de Misrata, un convoi de quatre ou cinq véhicules militaires a emporté les corps tard lundi soir vers un lieu inconnu. Selon une source au sein du conseil militaire de cette ville, trois dignitaires religieux, partisans de Mouammar Kadhafi, ont ensuite prié et procédé à une cérémonie religieuse avant l’inhumation des trois corps. Cette même source a déclaré à l’AFP : “J’ai vu le permis d’inhumer. Il indiquait que Kadhafi avait deux blessures par balles, une dans la tête, une dans la poitrine, et qu’il portait les cicatrices d’opérations chirurgicales anciennes, une à la nuque, deux à l’estomac et une à la jambe gauche”. Deux fils de l’ex-ministre de la Défense, emprisonnés mais amenés là pour l’occasion, ainsi que son père étaient présents à la levée des corps. L’inhumation de Mouammar Kadhafi intervient alors que la polémique sur sa mort est toujours vive, même après les résultats de l’autopsie pratiquée sur son cadavre après la pression exercée par la communauté internationale sur le CNT, qui avait refusé dans un premier temps de le faire. Le médecin l’ayant effectuée a indiqué attendre le feu vert des autorités de Tripoli pour communiquer. Jusqu’à maintenant, les nouvelles autorités libyennes affirment que l’ancien dirigeant a été tué d’une balle dans la tête lors d’un échange de tirs, alors que les témoignages et les vidéos tournées au moment de son arrestation laissent penser qu’il a pu être victime d’une exécution sommaire. “Pour répondre aux requêtes internationales, nous avons commencé à mettre en place une commission chargée d’enquêter sur les circonstances de la mort de Mouammar Kadhafi dans l’accrochage avec son entourage au moment de sa capture”, a déclaré lundi le président du Conseil national de transition (CNT) Moustapha Abdeljalil. Il a ajouté que les Libyens auraient voulu que l’ancien dirigeant soit jugé pour qu’il “se sente aussi humilié que possible”, estimant que “ceux qui avaient intérêt à cette mort rapide étaient ceux qui le soutenaient”. Avec une telle exécution sommaire, se pose la question des droits de l’homme chez ces révolutionnaires de Bengazi. La veuve de Kadhafi et plusieurs organisations, dont l’ONU, appuyée par les États-Unis, ont réclamé une enquête. Le chef du CNT, ancien ministre de la Justice du “dictateur” a même justifié les macabres défilés devant les dépouilles de Kadhafi et de son fils Mouatassim, exposées à même le sol sur des couvertures maculées de sang, dans une chambre froide d’un marché à Misrata en déclarant : “Le peuple a été trop humilié” ! Ceci étant, même sous terre Kadhafi fait peur aux nouveaux dirigeants libyens. Pour rappel, dans son testament, rédigé trois jours avant son assassinat, Kadhafi avait demandé à reposer dans sa terre natale à Syrte.
Merzak Tigrine
