N’attendant plus grand-chose d’une Ligue arabe qui fait la sourde oreille, pas même une symbolique résolution, l’opposition syrienne a alors appelé, lundi, à une “protection internationale” des civils pilonnés et assiégés par les forces sécuritaires et l’armée.
Si la Ligue arabe ne le reconnaît pas comme légitime représentant du peuple syrien, le CNS menace de recourir à l’Occident. Les responsables de ce conseil, qui regroupe la majorité des courants de l’opposition, se référant à l’antécédent libyen. Les insurgés de Benghazi ne voyant pas venir la protection de la Ligue arabe avaient, on se rappelle, confié leur destinée aux mains des Occidentaux. Et la suite est connue : la Ligue arabe n’avait plus qu’à exécuter les ordres de Paris, Londres et Washington via les principautés du Golfe, principalement le Qatar et les Émirats arabes unis qui ont mis leurs Rafales et F16 au service de l’Otan pour bombarder la Libye. Ensuite, les chefs d’État arabe, pourtant “pointilleux” comme personne en matière de nationalisme, devaient avaler toutes les couleuvres de l’Otan, jusqu’à l’assassinat de leur pair libyen, dictateur certes mais qui avait le droit sacré à une sépulture humaine et surtout pas à l’exhibition de son cadavre dans la chambre froide d’une boucherie ! Pas un mot de la Ligue arabe sur ces processions de familles libyennes d’un autre temps, immortalisant le corps mutilé de Kadhafi à coup de Canon, Fuji, Sony et Samsung… Ce que les religions et les civilisations réprouvent. La Ligue arabe veut-elle voir ce scénario bestial se renouveler chez un autre de ses membres en ne prenant pas tout de suite les initiatives nécessaires ? L’organisation — qualifiée de moribonde depuis le Printemps arabe — se prépare, comme si l’urgence de la situation n’était pas exceptionnelle, à… une nouvelle réunion au sujet de la Syrie, samedi prochain, au Caire. Une convocation, la énième dans le fond, présentée comme alternative à l’échec de son plan de sortie de crise auquel Damas avait souscrit le 2 novembre et que Bachar al-Assad avait accepté pour le fouler le lendemain, sans retenue aucune.
Les compromis de la ligue arabe
Le plan arabe, un montage de compromis pour offrir aux bourreaux syriens une voie de sortie, prévoyait la fin de la répression. Mais, depuis, plus d’une centaine de personnes au moins ont été tuées par les forces de sécurité. C’est certain, après une semaine de consultations et de conciliabules, la Ligue arabe fera appel à l’ONU.

Sans toutefois demander une intervention armée, sinon — tout au moins — de nouvelles sanctions, celles-là mieux ciblées et pouvant vraiment arrêter la terrible machine répressive du régime de Damas. Heureusement que la Turquie envisage de créer une zone de protection sur sa frontière où affluent des milliers de réfugiés syriens malgré les mines plantées par l’armée de Bachar le long des lignes de démarcation avec son voisin turc. Le CNS refuse d’être mangé à la sauce de la Ligue arabe. Son comité exécutif a averti que l’opposition syrienne n’accepterait la décision de la ligue que si cette décision prévoit la suspension de la Syrie de cette organisation panarabe, l’expulsion de l’ambassadeur syrien du siège de la ligue et la reconnaissance du CNS comme représentant légitime du peuple et de la révolution syriens. Et d’ajouter que la Ligue arabe devait soutenir la Syrie comme elle l’avait fait auparavant pour le peuple libyen, en suspendant la Jamahiriya de la ligue et en reconnaissant le CNT libyen. Une délégation du CNS doit se rendre au siège de la Ligue arabe au Caire où des réunions ministérielles sont prévues sur la Syrie les 11 et 12 novembre. L’opposition syrienne a déjà rejeté l’initiative arabe dans le fond et dans la forme. Cette initiative n’arrête pas l’effusion de sang dans le pays, n’aide en rien le peuple syrien et ne soutient l’opposition ni à l’intérieur du pays ni à l’étranger, a jugé le CNS, exhortant la Ligue arabe de retirer son plan qui n’est qu’une nouvelle perche tendue à Bachar al-Assad en prévoyant outre un arrêt total des violences, la libération des personnes arrêtées lors de la répression, le retrait de l’armée des villes et la libre circulation des observateurs et des médias, avant d’entamer le dialogue entre le régime et l’opposition.
L’opposition veut être reconnue comme représentante légitime des Syriens
N’attendant plus grand-chose d’une Ligue arabe qui fait la sourde oreille, pas même une symbolique résolution, l’opposition syrienne a alors appelé le 7 novembre, à une “protection internationale” des civils pilonnés et assiégés par les forces sécuritaires et l’armée.
Le CNS, qui jusqu’ici a refusé d’internationaliser son combat, réclame aujourd’hui ouvertement l’envoi “immédiat” d’observateurs internationaux à Homs notamment théâtre d’épouvantables répressions. L’armée de Bachar al-Assad, qui tente de mater dans le sang la révolte populaire, lancée il y a huit mois, a recours à l’artillerie lourde, aux roquettes et à l’aviation pour bombarder les quartiers résidentiels. Et pour expliquer cette paranoïa, Bachar al-Assad accuse les États-Unis d’être impliqués dans la crise de son pays et exige de la Ligue arabe de condamner cette implication et de faire le nécessaire pour y mettre fin ! La goutte qui a fait déborder le vase : la Ligue arabe a, de son côté, accusé le pouvoir syrien d’avoir failli à ses engagements. Et tout porte à penser que Bachar sera lâché par les siens. L’étau se resserre autour du président syrien. Un haut responsable du Trésor américain est attendu aujourd’hui ou demain en Jordanie et au Liban pour s’y entretenir de l’impact des sanctions économiques adoptées contre la Syrie. Le secrétaire adjoint, Daniel Glaser, qui enquête sur le financement du terrorisme, devrait mettre en garde les autorités de Beyrouth et d’Amman contre d’éventuelles tentatives de Damas pour échapper aux sanctions américaines et européennes.
Dans le même temps est né à Paris un Comité national de soutien à la révolution syrienne (CNSRS) avec 65 membres fondateurs dont Khaddam, qui a servi Bachar al-Assad et son père, Hafez, pendant près de trente ans. Le comité, qui doit prendre contact avec le CNS, a dit réagir contre l’incapacité des différents courants d’opposition à s’unir, en expliquant cet état de fait par l’absence d’une figure emblématique à même de galvaniser les Syriens.
Course au pouvoir en prévision de la chute de Bachar ?
Khaddam, qui s’est exilé à Paris en 2005, a-t-il fait des offres à Paris, comme l’avait fait le CNT Libyen ? Pour autant, Nicolas Sarkozy verrait bien la nouvelle Syrie dans son escarcelle pour sa réélection. Comme cela, il effacera l’image de l’accueil chaleureux dont il avait fait bénéficier Bachar al-Assad à l’Élysée. Et à l’histoire de se répéter : il avait déroulé le tapis rouge pour Kadhafi pour ensuite le descendre en flammes. Le président français doit rêver d’un scénario identique pour le président syrien. Son ministre des AE, Juppé, n’a pas cessé de remuer le tisonnier. Il l’a déjà fait avec “succès” contre Kadhafi.
D. Bouatta