En dépit des facilités accordées par les pouvoirs publics aux professionnels de la promotion immobilière, pour les inciter davantage à s’impliquer pour résoudre la crise du logement qui affecte notre pays depuis des décennies, la situation ne semble pas changer d’un iota, dans la mesure où le citoyen à revenu moyen n’arrive plus à assurer un toit à ses enfants.
Le citoyen otage de la « gourmandise » des promoteurs à Oran
A Oran, les tours de la promotion immobilière poussent un peu partout, mais à qui profitent-elles ? Sûrement pas à cette catégorie sociale, mais à une minorité qui n’a jamais été dans le besoin. Les seuls gagnants dans cette histoire, sont les promoteurs immobiliers qui ont profité des avantages accordés par l’Etat, à commencer par le rabattement des prix des assiettes de terrain. Une quarantaine de promoteurs proposent des logements neufs «haut standing» dont les prix restent malheureusement inaccessibles pour la couche moyenne.
Le prix de vente au mètre carré varie entre 100.000 et 150.000 dinars. Il faut ainsi débourser au minimum 12 millions de dinars TTC pour acquérir un logement F3 avec vue panoramique sur rue fréquentée. Un jeune promoteur que nous avons abordé nous a confié que le logement promotionnel se vend très bien à Oran. «Sur une vingtaine de logements, nous avons réussi à vendre quelques unités la semaine dernière. Parmi notre clientèle, il y a des fonctionnaires et des gens aisés qui achètent souvent des appartements pour leurs enfants», révèle notre interlocuteur. Un autre promoteur nous dira que si les prix vous effraient, vous n’êtes pas au bout de votre peine. Il s’agit en effet des prix les plus «doux» proposés par les promoteurs. Chez d’autres promoteurs, un F4 ou un F5 est négocié à partir de deux milliards de cts. Les promoteurs tentent de justifier ces prix hors de portée pour le grand public par la cherté du foncier, l’utilisation de matières nobles (marbre, granit, dalle de sol, céramique) et l’aménagement de cuisines intégrées et de salles d’eau avec équipements électroménagers (plaque chauffante, hotte, four…) de dernière génération.
Pour ce connaisseur du marché, les tarifs des logements promotionnels restent surévalués par ces derniers qui profitent de la libéralisation des prix pour faire un maximum de profits sur le dos d’une clientèle argentée et peu regardante sur les prix. Certains pourraient être tentés de dire que c’est une affaire de riches. «Des affairistes convertis en promoteurs ont tout le droit de fixer leurs prix à une clientèle aisée qui a amassé de grosses fortunes ces deux dernières décennies». Cependant, là où le bât blesse est que ces promoteurs ont bénéficié de plusieurs avantages octroyés à titre gracieux par les pouvoirs publics, notamment l’accès au foncier dans des endroits stratégiques de la ville, des crédits bancaires et autres largesses pour construire ces logements destinés étrangement à la nomenklatura. Des grands commis de l’Etat n’hésitent pas à qualifier certains investisseurs d’affairistes ! Un promoteur que nous avons rencontré récemment ne cache pas son amertume. Il avoue que plusieurs de ses collègues, qui capitalisent une dizaine d’années d’expérience dans la promotion immobilière, ont été exclus des nouveaux projets au profit d’arrivistes et affairistes qui ne connaissent presque rien dans le bâtiment. La libéralisation des prix dans le secteur promotionnel a attisé toutes les convoitises. Les marges bénéficiaires sont jugées scandaleusement trop élevées pour les connaisseurs. «Un mètre carré bâti coûte en moyenne 50.000 dinars toutes taxes comprises. Il faut ajouter entre 100 et 200 millions de cts pour les matières dites nobles et les équipements (cuisines intégrées, électroménagers, robinetterie de luxe…). Un appartement F3 de 100 mètres carrés revient ainsi entre 600 et 800 millions de cts. Ce même appartement est mis en vente entre 1 milliard et 1,3 milliard de cts, c’est-à-dire des marges bénéficiaires entre 300 et 500 millions de cts par appartement !». Le comble de l’ironie est que certains promoteurs poussent le bouchon un peu plus loin en exigeant d’autres sommes pour céder une place dans le parking pour 80 millions de cts. Les prix pratiqués chez nous sont trop élevés, pas seulement par rapport au niveau de vie des algériens, mais surtout par rapport aux pays de la rive nord de la Méditerranée à l’exemple de l’Espagne. Un F3 coûte à Alicante ou Barcelone l’équivalent de 600 millions de cts. Pourquoi alors les gens continuent d’acheter à des prix exorbitants ? La réponse est simple. A part l’immobilier, il n’existe pas d’autres créneaux où investir son argent dans le pays.
Medjadji H.