Clap de fin. Le cirque d’El Mouradia s’achève comme il a commencé, dans une grande indifférence. Les consultations ordonnées par le chef d’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika pour tenter des réformes politiques ont pris fin mardi 21 juin comme prévu après un mois d’audiences au siège de la Présidence. Sur les 250 personnalités invitées par la commission Bensalah, la majorité de ceux et celles qui ont répondu sont connues pour leur proximité avec le pouvoir.
« Les rencontres programmées avec les partis politiques et personnalités sont terminées mais l’instance de consultations sur les réformes poursuivra son travail pour élaborer son rapport qu’elle remettra au président », a déclaré à l’AFP une source proche de cette instance.
Le président du Sénat Abdelkader Bensalah ainsi que ses deux conseillers présidentiels, le général Mohamed Touati et le conseiller du chef de l’Etat Mohamed Boughazi ont sondé toute une kyrielle de partis, de responsables, de personnalités et d’associations pour écouter leurs suggestions ou revendications.
Toutefois, ces consultations ont été largement boycotté tant par l’opposition que par les personnalités d’envergure.
Dans un discours prononcé le 15 avril dernier, le président Bouteflika avait annoncé des réformes en réponse à la vague de protestations sociales et politiques qui secouent l’Algérie dans la foulée des révoltes arabes.
Contesté par la rue, affaiblit par sa maladie, Bouteflika a ainsi trouvé la solution idoine pour gagner du temps en attendant des jours meilleurs pour lui et pour son clan : engager des consultations pour amorcer une démocratisation du régime qu’il n’a eu de cesse de refuser aux Algériens depuis son accession au pouvoir en avril 1999.
« L’instance a tenu en moyenne trois rencontres par jour. Elle a reçu tous les partis politiques agrées hormis le Rassemblement pour la culture et la Démocratie (RCD), le Front des forces socialistes (FFS) et Parti socialiste des travailleurs (PST) », a précisé la même source à l’AFP.
Le RCD de Said Sadi a ignoré l’initiative, la qualifiant de « monologue contre le changement » et le FFS a fait de même.
Dans un message adressé samedi 11 juin aux militants de son parti, Hocine Ait Ahmed estimait que la démarche de Bouteflika constitue une diversion et que les réformes politiques engagées par le chef d’Etat algérien « sont peu crédibles ».
De tous les anciens chefs du gouvernement invités par la commission Bensalah, seuls Smail Hamdani et Sid Ahmed Ghozai ont accepté de s’y rendre. Mouloud Hamrouche et Ali Benflis eux ont ignoré l’invite.
Mokdad Sifi, chef de l’exécutif entre avril 1994 et décembre 1995, s’est fendu d’une longue déclaration dans laquelle il récuse cette initiative. « La crise que nous vivons est due au viol de la constitution », avait-il écrit mercredi 1er juin.
Alors que le pouvoir espérait la venue d’anciens présidents de la république, Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedi et Liamine Zeroual pour donner une caution aux consultations et ainsi légitimer les réformes promises par Bouteflika, aucun n’a honoré l’invitation.
L’ancien chef de l’Etat Ali Kafi (1992-1994) a refusé de s’y rendre en arguant que « le régime en place ne veut pas d’un véritable changement ».
De toutes les personnalités nationales, seules l’ancien SG du FLN, Abdelhamid Mehri et l’ex-ministre de la Défense, Khaled Nezzar, ont accepté d’être reçus par la commission Bensalah.
En revanche, les partis de l’alliance présidentielle ont répondu à l’appel en présentant leurs suggestions. Le Rassemblement national démocratique (RND) du premier ministre Ahmed Ouyahia s’est montré favorable à une limitation des mandats présidentiels alors qu’il militait pour le contraire en 2008.
M. Bouteflika avait fait supprimer, lors d’une révision partielle de la constitution en novembre 2008, la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels successifs ce qui lui avait permis d’avoir un troisième quinquennat en avril 2009.
Si ces consultations ont bénéficié d’une large couverture des médias publics et parapublics, il ne reste pas moins qu’elles constituent un échec politique pour le président Bouteflika.
Maintenant que le grand cirque est fini, la commission Bensalah va devoir rendre sa copie pour permettre au président d’initier ses réformes politiques.
Il était temps que le cirque s’achève.