Le CHU de Constantine n’est que la partie visible de l’iceberg: le ministère dans l’urgence

Le CHU de Constantine n’est que la partie visible de l’iceberg: le ministère dans l’urgence

Mohamed Boudiaf, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, avait indiqué que les carences constatées au CHU de Constantine étaient « des cas isolés », qui « ne doivent en aucun cas être généralisés à toutes les structures de santé du pays ». Pourtant, le service de maternité de cette structure n’est que l’infime partie émergée de l’iceberg.

Les carence observées à Constantine ne se limitent pas à cette wilaya. Etats défectueux des lieux, accueil et services médiocres, des conditions de soin impraticables … le secteur de la Santé souffre de la situation désastreuse de ses structures à travers plusieurs régions du pays, au grand dam des Algériens, qui n’ont pas fini de se plaindre.

Dans la wilaya de Saïda, le service de maternité du CHU Hamdane Bakhta est abandonné à des carences qui rappellent celles, « scandaleuses » et « honteuses » de l’hôpital de Constantine, dont la maternité a été fermée.

Abandon des patients, détérioration des lieux ou absence de médecins, les admis ne sont pas au bout de leurs peines.

Dans la même structure, des femmes enceintes sont allongées, « entassées » à même le sol, devant tenir elles-mêmes leurs poches de sérum, rapporte le quotidien arabophone El Khabar. L’établissement, qui ne répond pas aux normes de propreté et d’hygiène, ne présente aucune condition de confort pour ces femmes enceintes. Les lieux sont salis et submergés par des eaux usées par-ci, des insectes et de la crasse par-là, dégageant des odeurs nauséabondes.

Une situation que la direction régionale de la Santé a justifié par le manque d’encadrement des sages-femmes, mais également la pression que celles-ci subissent avec l’importante affluence régionale à ce service de maternité.

Les « hôpitaux qui tuent », selon les termes de Mohamed Bekkat Berkani, président du conseil national de l’Ordre des médecins, font désormais craindre le pire aux patients à travers plusieurs wilayas.

Effet boomerang

Dans un entretien accordé, par ailleurs, au quotidien Liberté, le Pr. Kamel Bouzid, chef du service oncologie médicale du CPMC (Alger), s’attelle à énumérer les problèmes, mais également les mesures qui ravagent le secteur hospitalier de l’Algérie.

Évoquant entre autres la décision sur l’activité complémentaire, qui permet aux médecins de la fonction publique, pour des considérations salariales, de profiter d’une seconde activité dans les cliniques privées, le Pr. Bouzid estime que c’est « un désastre pour la santé publique ».

« Aujourd’hui, elle est insensée dès lors que les salaires des praticiens du secteur public sont devenus relativement conséquents. Objectivement, l’activité complémentaire aurait dû disparaître depuis que nos salaires ont été augmentés », a-t-il déclaré au quotidien.

Une décision qui, finalement, « n’aura réglé aucun problème de santé dans le pays », puisque certains médecins, « qui se sont enrichis » grâce à cette activité complémentaire, se retrouvent dans un conflit d’intérêt. « On fauche des malades à l’hôpital pour les amener à la clinique, on prend du matériel, on prend du personnel, etc », se justifie-t-il.

Une manière comme une autre de démonter « l’effet boomerang » des décisions du ministère, et de souligner également la responsabilité du personnel hospitalier, notamment les médecins qui devront choisir entre le « libéral ou le public ».

Des coups de « matraques »

Face à de tels constats, Mohamed Boudiaf, maintes fois interpellés par les patients et les personnels des structures hospitalières, serait décidé de monter d’un cran pour changer la situation du système hospitalier.

Après avoir mis fin aux fonctions du directeur de la santé et de la population de la wilaya de Constantine et du chef de service de maternité, pour « position passive » et « manquement aux obligations professionnelles », le ministre de la Santé a émis la décision de fermeture à l’encontre de 20 établissements privés.

Des sanctions à travers lesquelles la tutelle entend montrer sa détermination à faire face aux problèmes désastreux des structures sanitaires. Mais la tâche est loin d’être accomplie pour la tutelle, qui a décidé de lutter contre les « saboteurs de matériel », « les voleurs de médicaments », menaçant de licenciement les gestionnaires défaillants.

Outre les directives lancées contre « la corruption, le népotisme et la médiocrité », Mohamed Boudiaf affirme l’engagement de son secteur à faire preuve de fermeté pour améliorer les états des établissements sanitaires, où des milliards de dollars ont été dépensés.

Réitérant une nouvelles fois, dans un entretien accordé à TSA Algérie, que le CHU de Constantine était un cas isolé, « qui ne reflète pas la réalité du secteur hospitalier du pays, » Mohamed Boudiaf connaît-il réellement l’état des hôpitaux ?