L’ancien sélectionneur national a bien accepté de nous parler du match décisif du
14 octobre face à la Libye, mais, pour ne pas gêneHallhozic, il n’a pas souhaité aborder le côté technique et tactique de la rencontre. Rabah Saâdane a préféré parler d’un autre aspect et il a insisté là-dessus. C’est le fair-play qui doit caractériser le public de Mustapha-Tchaker en cette occasion. Saâdane dit que si nous nous sommes plaints de ce qui nous est arrivé en Egypte, on ne doit pas refaire la même chose avec nos frères libyens parce que cela risque de nous coûter très cher. Ecoutons-le.
Quelles sont vos nouvelles ?
Je vais bien, et tout va bien, Dieu merci.

Commençons, si le vous voulez bien, par ce prochain match contre la Libye. Comment le voyez-vous ?
Je veux parler d’autres aspects de ce match qui me semblent très importants. Il faut savoir qu’avant tout, le football est un spectacle, et il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, le monde de la presse joue un rôle important dans le sport en ce sens qu’un quelconque évènement ou autre incident qui se produit çà et là est su immédiatement dans le monde entier l’espace de quelques minutes. La terre est devenue un petit village où rien ne se cache, en effet. Nous devons apprendre des Européens qui nous donnent à chaque fois des leçons de fair-play où le football reste à la base un spectacle, et on l’a vu lors du Clasico entre le Barça et le Real qui a été suivi par des centaines de millions de téléspectateurs et/où rien ne s’est passé, en dépit de l’enjeu et de la grande rivalité entre les deux clubs. J’ajouterais, si vous le permettez, un autre exemple.
Allez-y…
Lors du match retour que nous avons joué au Caire contre l’Egypte le 14 novembre 2009, les Egyptiens nous ont agressés et ont eu recours à la violence pour nous intimider. Ils étaient loin de savoir qu’en quelques minutes seulement, le monde entier allait être au courant de ce qui s’était passé. Personne d’entre eux ne pensait que les conséquences allaient être graves et qu’ils allaient ternir leur image aux yeux du monde entier. Ils n’ont pas mesuré le degré de nuisance de leur image. Vingt minutes seulement après le caillassage de notre bus, grâce aux médias et à Internet, le monde entier a eu connaissance de cette lâche agression. Du coup, c’est toute l’image du football égyptien qui a été ternie. En citant cet exemple, je veux mettre en garde notre public contre tout dépassement qui risque de nous nuire et de porter atteinte à notre réputation. D’autant qu’aujourd’hui, le monde montre tout de suite sa solidarité et son soutien à la victime. Le public algérien doit supporter son équipe et laisser les joueurs s’expliquer seuls sur le terrain. On doit retenir la leçon d’Egypte pour ne pas tomber dans le même piège que les Egyptiens. Si nous avons condamné et dénoncé leurs actes hier, nous ne devons pas faire la même chose qu’eux aujourd’hui.
Il faut également respecter l’hymne national de l’adversaire. Un appel au public algérien à ce sujet ?
Je vous dis que tout ce qui concerne la Libye doit être respecté. Il faut respecter l’hymne de l’adversaire comme il ne faut pas jeter les fumigènes sur le terrain. Tout acte antisportif peut nous coûter cher, il ne faut pas oublier que la CAF peut, sur une sanction disciplinaire, nous disqualifier quel que soit le résultat de la rencontre. Après le match aller, nous avons fait un grand pas vers la qualification et, ma foi, il ne faut pas tout gâcher à cause d’un comportement antisportif stupide.
Vous insistez donc sur le respect de l’adversaire…
Le public algérien doit respecter les règles du jeu et l’adversaire. Quand on dit l’adversaire, cela sous-entend ses joueurs, ses responsables, ses supporters et son hymne national. Il faut élever le niveau. Par quoi les Européens nous-ils ont dépassés ? Par leur comportement et leur conduite exemplaire dans les tribunes. Et j’ouvre une parenthèse ici pour dire que j’ai été très triste lorsque j’ai appris ce qui s’était passé entre l’USM Annaba et le NAHD. C’est inadmissible au moment où des équipes européennes perdent des matchs importants sur leur terrain et sortent sous les applaudissements. C’est cela la différence.
Vous connaissez très bien le public de Blida, comment, selon vous, va-t-il se comporter lors de ce match retour contre la Libye ?
En effet, je connais très bien le public blidéen et je me rappelle qu’à un moment, nous lui avons demandé de respecter certaines consignes et il a répondu présent. Je reconnais que ce public a été pour beaucoup dans notre qualification à la CAN et à la Coupe du monde 2010. Les supporters de Tchaker ne jettent plus les fumigènes sur le terrain. Mieux, ils réprimandent tout supporter qui jette le moindre projectile et cela, c’est une preuve que ce public est devenu responsable et conscient, à la hauteur du rang qu’a atteint aujourd’hui la sélection nationale au niveau mondial. Si l’Algérie se pointe aujourd’hui à la
24e place au classement FIFA, le public algérien doit suivre pour se montrer digne de ce niveau.
Peut-on comparer ce match à celui de l’Egypte, dont vous parliez tout à l’heure ?
Non, il n’y a pas lieu de faire une quelconque comparaison. Ce match se jouera chez nous, sur notre terrain. Tout ce qu’il y a à faire, c’est de ne pas commettre les mêmes erreurs que les Egyptiens. Il faut réserver un grand accueil à l’adversaire, se comporter avec lui comme il se doit et veiller à ce qu’il ne manque de rien. Pour le résultat, c’est le terrain qui va trancher, et là, je suis sûr qu’on va gagner et qu’on va se qualifier, car nous en avons largement les moyens. Nous avons une meilleure équipe que les Libyens d’après ce que j’ai vu au match aller et nous n’avons vraiment pas besoin de recourir à des moyens extra-sportifs pour les battre.
Nous avons vu des Libyens très agressifs, très nerveux, qui contestaient la moindre décision de l’arbitre. Vous ne pensez pas que la Libye a perdu le match aller parce que ses joueurs ne se maîtrisaient plus ?
Ils ont subi une grande pression de la part de leurs responsables. S’ils ont joué comme ils avaient l’habitude de jouer, comme ils ont pu le faire durant les 20 premières minutes où ils étaient bons, ils auraient pu constituer un grand danger pour l’Algérie. Mais ils ont perdu leur self-control, justement à cause de cette pression et ils sont sortis du match.
Et si on parlait de ce qui s’est passé au match aller…
(Il nous coupe) Je ne veux pas parler de qui s’est passé dans ce match. Tout compte fait et malgré tout, les Libyens restent nos frères. Ils vivent des moments difficiles aujourd’hui, comme nous dans les années 90, il faut les respecter, ils sont nos voisins, et le voisin, on peut avoir besoin de lui comme il peut avoir besoin de nous. Il ne faut pas créer une crise à cause d’un match de football qui ne va durer que 90 minutes. Il faut être au-dessus de toutes considérations qui risquent de nuire à notre image. Il faut montrer au monde entier que nous sommes un peuple civilisé, qui respecte l’adversaire et le football en général. Je le répète, il faut se comporter comme un public d’une équipe mondialiste.
A un moment, il était question justement que vous preniez en main la sélection libyenne. Vous en souvenez ?
Cela n’a pas d’importance. Moi, je veux parler du match et de ce qu’il peut engendrer. Cette rencontre doit nous unir et non nous séparer. Je le dis encore une fois, il faut qu’on retienne la leçon de l’Egypte qui a payé le prix fort de sa lâche agression sur notre sélection, et continue à le faire jusqu’à aujourd’hui après tant d’années. Il faut se mettre dans la tête que des centaines de millions d’étrangers, le monde entier même, vont nous regarder. Alors, comportons-nous comme des gens sportifs et civilisés !
A part ça, comment voyez-vous le match ?
Avec une bonne préparation, nous allons facilement le gagner. Mais j’insiste sur un point très important, la concentration. Il faut rester concentré tout au long de la rencontre, c’est peut-être la clé du match.
Que pouvez-vous ajouter ?
Je rappelle que ce n’est qu’un match de football, qu’on peut gagner facilement sans recourir à des moyens antisportifs. Je lance une nouvelle fois un appel à nos supporters afin qu’ils puissent être dignes du rang mondial de leur équipe et pour qu’ils montrent au monde entier que l’Algérien n’est pas violent et qu’il ne répond pas à la violence par la violence. Personnellement, je n’ai pas peur du public de Tchaker, je sais qu’il sera à la hauteur.