Faisant l’objet d’un commerce à outrance à M’dina J’dida
Du côté de M’dina J’dida, particulièrement au niveau du boulevard Zabana, juste en face du Musée qui porte le même nom de ce martyr de la Révolution, un marché spécialisé dans le commerce d’animaux de compagnie a pris naissance depuis quelques années déjà où, tous les jours, il y a foule.
Cependant, ce qui attire le plus l’attention des gens, c’est la prédominance de la vente d’oiseaux, plus particulièrement d’une espèce qui se fait de plus en plus rare et par conséquent de plus en plus chère, celle du chardonneret. En Algérie, cette espèce est menacée d’extinction.
Il suffit de faire un tour à travers les rues d’Oran pour s’apercevoir qu’au niveau de beaucoup de balcons ou fenêtres d’immeubles ou de maisons, des cages de différentes dimensions, dans lesquels on retrouve des oiseaux et spécialement des chardonnerets, y sont suspendues. Les chants agréables de cet oiseau-là cassent un peu l’ambiance de la rue dominée par le bruit des voitures.
Il y a même de jeunes promeneurs qui se baladent, cage en main, pour offrir à leur volatile, un petit bain de soleil. Victime de sa réputation aux quatre coins du pays et même à l’étranger, le chardonneret fait l’objet d’une forte convoitise de la part des trafiquants. Combien de fois des cas de contrebande touchant cet oiseau ont-ils été rapportés par la presse nationale, plusieurs saisies de quantités importantes ayant souvent été effectuées par les douaniers et autres services du Darak El-Watani, principalement près des frontières Est et Ouest du pays ?
D’ailleurs, il y a quelques années de cela, un important lâcher de plusieurs espèces d’oiseaux provenant du braconnage a été effectué par les services de la Conservation des forêts, soit plusieurs milliers au niveau des localités de Tlemcen, Aïn Témouchent et El Amria. Il y a, certes, ceux qui aiment cet oiseau, généralement pour son beau plumage et surtout pour son chant riche et mélodieux, et qui se contentent d’en élever quelques uns pour un usage strictement personnel. Généralement, la chasse s’effectue au moyen de glue lorsqu’ils ne s’approvisionnent pas chez un éleveur.
La menace des braconniers
Malheureusement, il y a les braconniers qui, par leur comportement stupide, mu par une cupidité extrême, menacent sérieusement l’espèce en elle-même, car utilisant très souvent des filets pour la capture de plusieurs oiseaux. Dans ce cas-là, leur traque peut durer plusieurs jours. Il faut savoir aussi que le chardonneret, même s’il niche à peu près quatre fois par an, donnant une moyenne de quatre petits par nichée, est sérieusement menacé en raison d’une chasse accrue et sans limite. M. Mohammed, 59 ans, employé au CHUO, est un amateur d’oiseaux, surtout du chardonneret, depuis sa plus tendre enfance. Dans la cour du haouch où il habite, à Eckmühl, plusieurs cages remplies d’oiseaux de toutes espèces, mais avec toutefois un nombre nettement plus élevé de chardonnerets, sont accrochées un peu partout. D’ailleurs, ça gazouille fort dans ce lieu dès que nous y pénétrons. Il nous dira à ce propos: «Depuis mon enfance, j’ai eu la passion pour les oiseaux et, depuis, je ne peux m’en passer. A mon âge encore, je me déplace à la campagne, dans des endroits parfois très reculés de la région Ouest, pour tenter d’en capturer quelques uns. Je n’en fais pas du tout un commerce, comme certains; c’est tout simplement mon hobby à moi. Tous ces oiseaux que vous voyez là sont spécialement destinés à l’élevage. Je croise des chardonnerets avec des canaris, pour en faire sortir des «mistous» (mulets) dont le chant est exceptionnel.
Le mistou, plus qu’un oiseau, un objet de convoitise
J’en offre souvent à des amis. Pour M. Nasreddine, 26 ans, jeune chômeur, il voit la chose autrement: «Avec une licence en main, je n’ai pu trouver un boulot en dépit des nombreuses démarches que j’ai effectuées un peu partout, aussi bien dans le secteur étatique qu’auprès du privé. Grâce à un ami d’enfance, je me suis lancé dans le commerce d’oiseaux, il y a de cela presque une année, alors que je n’avais aucune connaissance de ce monde. Je commençais à l’accompagner dans les parties de chasse, puis au marché d’oiseaux pour écouler le fruit de la capture. J’y ai pris goût et, surtout, cela m’a permis de me faire un petit pécule, sans toutefois en faire un métier, car j’espère toujours qu’un jour, j’aurais un boulot stable. Le chardonneret est de loin l’oiseau de compagnie le plus prisé par les Algériens. J’arrive à me faire entre 10.000 et 12.000 DA par mois; parfois, c’est beaucoup moins. Les prix varient entre 500 et 10.000 DA d’une espèce à l’autre, comme par exemple le «mistou» qui est très demandé. Vous savez, il y a même des acheteurs, sur l’autre rive de la Méditerranée, qui sont prêts à débourser des sommes importantes pour acquérir, par exemple, un chardonneret dit Blanc».
Au moment où certains, par pure passion pour cet oiseau, en prennent soin comme la prunelle de leurs yeux, par un élevage sain et passionné, d’autres personnes sans scrupule, mues uniquement par l’appât du gain, n’hésitent pas à décimer une espèce chère aux Algériens, tel que le chardonneret, par une chasse abusive qui menace l’équilibre écologique. Fort heureusement, les services de Sécurité (Darak, Police, Douanes) demeurent vigilants et veillent à neutraliser ce phénomène en débusquant quotidiennement ces bandes d’éradicateurs d’un nouveau genre.
B.B. Ahmed