Le chaos en Libye : cette grande menace régionale

Le chaos en Libye : cette grande menace régionale
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Des terminaux pétroliers bombardés et en proie aux flammes, un gouvernement presque en exil, une population jetée en pâture à la merci des milices.

Le nord de la Libye est plongé dans la guerre civile et son corollaire l’anarchie. Les milices surarmées y font régner une loi d’airain au grand désespoir du gouvernement qui a perdu le contrôle de régions entières. Depuis six mois, Fajr Libya, une puissante brigade islamiste, a pris le contrôle de la capitale Tripoli, chassant de fait le gouvernement libyen. Depuis quelques jours les milices islamistes se permettent même de bombarder les terminaux pétroliers dont le contrôle leur échappe. Plus au sud, le Fezzan, et les oasis à cheval sur le Sahel sont devenues le repaire des différents groupes terroristes : AQMI, El Moulathamoun de Mokhtar Belmokhtar, Anasar Dine, etc. Une situation qui inquiète sérieusement les pays riverains. L’Algérie qui a fermé ses frontières a en même temps renforcé la surveillance de son millier de km de frontière avec ce pays. A l’Est, l’Egypte veille au grain, certaines sources avancent même un rapprochement entre Khalifa Belqasim Haftar et le maréchal Al Sissi pour combattre les islamistes ; plus au sud, les pays du Sahel sont les plus vulnérables à la déstabilisation des puissants groupes djihadistes. Leur puissance de frappe, les armes récupérées des stocks kadhafistes et l’argent engrangé par les libérations d’otages font de ces brigades une sérieuse menace.

La Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) constate chaque jour son impuissance à impulser un canal de dialogue. Il y a quelques jours, elle a réagi aux attentats visant le parlement et appelé à un cessez-le-feu. « La MANUL appelle toutes les parties à œuvrer en faveur d’une désescalade du conflit et les invite à prendre des mesures courageuses afin d’enrayer ce cycle de la violence qui, s’il se poursuivait, conduirait le pays au chaos et à une guerre généralisée », menace la mission de l’ONU.

L’Algérie s’emploie à trouver une solution diplomatique à la crise libyenne. Isolée notamment avec la prise de position des pays du Sahel pour une intervention militaire, Alger active ses réseaux et multiplie les contacts. Elle estime que la solution est globale, on ne peut parler du sud sans avoir mis fin à la guerre civile au nord. Cependant son idée de dialogue inclusif peine à trouver une oreille attentive. Il est du traitement de la question libyenne comme du dialogue Bamako-Touareg, qui s’encalmine dans des rounds de négociations interminables depuis des mois à Alger.

La France à la manœuvre

Après avoir été à l’origine de l’effondrement du règne de Mouammar Kadhafi et donc de la situation chaotique actuelle, la France travaille à mobiliser la communauté internationale en vue de lancer une opération militaire dans le sud libyen.

Même si aucune déclaration dans ce sens ne vient le confirmer, il est manifeste que la France cherche un consensus pour intervenir dans le sud libyen. C’est dans ce contexte que le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a effectué une visite surprise, jeudi, dans l’extrême nord du Niger, tout près de la base des djihadistes libyens. Et ses messages alarmistes sur la situation dans la sous-zone en disent long sur les objectifs à moyen ou long termes.

« Aujourd’hui, chacun en convient, ce qui se passe en Libye ce n’est ni plus ni moins, sur fond de chaos politique et sécuritaire, que la résurgence d’un sanctuaire terroriste dans l’environnement immédiat du continent européen », a-t-il déclaré mercredi soir aux soldats du camp français de Kosseï, siège de l’état-major de l’opération antiterroriste française, à N’Djamena.

« Ce serait donc une erreur profonde pour la communauté internationale que de rester passive face au développement d’un tel foyer de terrorisme au cœur de la Méditerranée, il ne faut pas l’accepter; l’ensemble des acteurs doit se mobiliser », a-t-il ajouté. Entendez, il faut y aller au plus vite pour démanteler les repaires terroristes installés dans cet axe.

Fin décembre, le président tchadien était en visite officielle en Algérie. Même si peu d’information a filtré des discussions entre les autorités algériennes et Idriss Deby, il est fort probable que la situation sécuritaire dans le sud libyen a été évoquée. Cette visite d’Idriss Deby intervient quelques jours après la déclaration commune avec les présidents malien et sénégalais dans laquelle ils ont appelé l’Otan à une intervention militaire en Libye. Cet appel fait écho aux manœuvres françaises dans la sous-région. Elle tombe à point nommé –même si la France ne le reconnaît pas – pour justifier la multiplication des déclarations du ministre français pour une intervention en Libye. Signalons à ce propos l’absence d’Alger à cette rencontre de Dakar auquelle elle avait donné son accord. Ramtane Lamamra a à la dernière minute, annoncé aux organisateurs qu’il n’allait pas être là.

La France donc remet de plus bel ses pieds en Afrique. Elle vient de renforcer sa présence en installant une nouvelle base militaire à Madama, dans le nord-est du Niger, proche de la frontière libyenne. Ce poste avancé pourrait servir de rampe de lancement d’une éventuelle intervention dans le sud libyen. Tout dépendra cependant de la position de l’Algérie. Car comme pour le Mali, sans l’aval de Bouteflika qui a d’ailleurs permis aux bombardiers français de survoler le ciel algérien, il aurait été problématique pour la France de mener son opération Serval.

Sofiane Ayache