Lorsque les manifestations, en Afrique du Nord, ont emporté plusieurs régimes, le pouvoir algérien s’est montré flexible et disponible à œuvrer pour qu’il y ait un changement non violent en Algérie. Toutefois, bien que sa nature, par essence, violente soit une réalité, certains acteurs politiques, à l’instar du chantre de la démocratie, Hocine Ait Ahmed, ont vu une opportunité dans la reprise du processus démocratique interrompu, pour rappel, injustement par le régime en 1992.
Ainsi, dans le for intérieur des Algériens, on commence à songer à la fin d’un cycle où le pouvoir s’organisait exclusivement en dehors de la volonté populaire. A ce titre, l’entrée du FFS dans la compétition augurait –et c’est le moins que l’on puisse dire –d’une nouvelle reconfiguration de la carte politique en Algérie. Mais si tous les acteurs s’accordaient sur la vitalité d’un changement, il faudrait aussi que les comportements évoluent proportionnellement. Tout compte fait, c’est ce qui a manqué au scrutin du 10 mai. Pour le premier secrétaire du FFS, dans une déclaration du 18 mai, ces forces « se devraient de faire de la réhabilitation du politique la priorité ». Or, si on analyse, sans langue de bois, les résultats des élections du 10 mai, on constate qu’ils ne correspondent pas aux engagements, soi-disant sincères du chef de l’État, pour que le peuple soit associé à la construction démocratique dans notre pays. Par ailleurs, regrettant la procédure mise en place par le régime pour garantir la victoire du FLN, Arezki Derguini, élu député du FFS sur la liste de Bejaia, constate qu’ « un dispositif comprenant une multiplicité de partis et listes, un niveau de participation donné d’avance faible et un vote des corps constitués en faveur du FLN, ont produit un tel résultat. » Cependant, bien que le propos n’ait pas pour but d’incriminer ces fils de l’Algérie pour avoir fait un vote refuge ou peut être contraint, en revanche, il est un devoir pour chaque démocrate d’accabler les décideurs qui ont recouru à de telles méthodes. Partant, « la production d’une majorité FLN non représentative [1,32 million de voix sur les 21,64 millions d’inscrits] ne favorisera pas la transition vers la démocratie et ne modifiera pas de façon significative les donnes politiques dans le pays », peut-on lire dans la déclaration du FFS du 18 mai 2012. D’une façon générale, bien que l’objectif du FFS consiste à bousculer le statu quo infligé au peuple algérien et mettre, par ricochet, du mouvement dans la société désemparée, il n’en reste pas moins que les résultats électoraux sont antipodes de ce qu’attendaient les Algériens depuis des années. En effet, « comment la même composante partisane, qui a été incapable pendant plus de 10 années de faire des réformes, étant mue par l’unique dépense monétaire grâce à la rente des hydrocarbures, peut-elle les mener maintenant qu’elle a une majorité encore plus importante ? », s’interroge l’expert international, Abderrahmane Mebtoul. De toute évidence, un encadrement inamovible, aux commandes depuis 50 ans, ne peut pas trouver, d’un seul coup, les ressources nécessaires en vue de mettre l’Algérie sur les rails du développement. En effet, certaines personnes, qui sont encore aux responsabilités, avaient des charges politiques depuis 1962. S’il y avait eu la volonté de bien faire, pourquoi les réformes nécessaires n’auraient pas été faites depuis tout ce temps-là ? Hélas, bien que chaque Algérien veuille que son pays soit meilleur sur tous les plans, force est de reconnaitre que la gestion des affaires publiques, sans contre-pouvoirs pour les surveiller, a cloué le pays au sol. A ce titre, selon l’ancien ministre réformateur de l’ère hamrouchienne, Smail Goumeziane, les divers classements mondiaux relèguent l’Algérie à la queue du peloton. « Comment peut-on prétendre répondre aux besoins fondamentaux de la population quand la recherche est au point mort, et que le pays est le moins innovant au monde, ce que traduit la 125e et dernière place mondiale occupée en la matière ? Que dire, enfin, du climat général de travail quand on découvre la 148e place attribuée par Doing Business pour la facilité des affaires, la 127e place occupée en termes de liberté économique, la 112e position occupée en termes de corruption attribuée par Transparency International et, last but not least, le 122e rang obtenu en matière de liberté de la presse », écrit-il dans le journal la Nation. En tout état de cause, ce tableau peu reluisant de la situation du pays doit interpeller les Algériens afin que le pays ne sombre pas dans les profondes ténèbres. Pour le FFS, par la voix de son premier secrétaire national, « le rétablissement de la confiance dans le politique est une condition sine qua non. Sans cela, nous n’aurons pas de représentation incontestée et incontestable ».
Quoi qu’il en soit, bien que le FLN ait une majorité au parlement, il n’en reste pas moins que cette victoire ne se traduira nullement par une gestion transparente des affaires de l’État. En attendant les futures échéances, le FFS doit continuer sa mission consistant à conscientiser la société sur les véritables enjeux. En effet, l’élan de sympathie [il faut, par ailleurs, avoir l’honnêteté d’admettre qu’il n’était pas grandiose], dont a bénéficié le FFS lors de la campagne électorale, doit être davantage capitalisé. « Cela se matérialisera par des efforts d’organisation dans toutes les régions du pays », reconnait Ali Laskri. En somme, après la reconduction des mêmes personnes, il ne reste qu’une voie [étant donné qu’au FFS toute solution violente est écartée] pour parvenir au changement : répéter à l’envi le discours sur l’utilité d’un changement pacifique et ce, jusqu’à ce que l’Algérien reprenne gout à la compétition politique. En-tout-cas, condamné à compter que sur le vote refuge, puisque le vote d’adhésion n’est pas au rendez-vous, le pouvoir ne pourra pas mobiliser plus qu’il a obtenu le 10 mai. Du coup, les forces politiques, ne s’inscrivant pas dans la politique du FLN, devront imposer, lors des élections ultérieures, un contrôle sans faille conduisant à mettre en minorité le pouvoir dont le bilan, depuis 50 ans, ne plaide pas pour son maintien. Ce sera la coordination de tous les participants pour imposer un changement pacifique à laquelle appelle, d’ores et déjà, le FFS de si vœux.
Ait Benali Boubekeur