Le chagrin des réfugiés syriens: Vivre loin de Damas

Le chagrin des réfugiés syriens: Vivre loin de Damas

Le visage rongé par la monotonie, le regard nostalgique et lointain, une maman éclate en sanglots à la première question.

Loin de leurs terres, de leurs familles, proches et amis, loin du ciel qui les a vu naître, loin de leurs vies laissées derrière eux pour fuir les drames d’une guerre atroce qui leur a été imposée, ces réfugiés sont loin de leur pays. Leur seul tort est d’être né syrien. Ne pouvant supporter les affres des violences d’une rare barbarie, ces invités spéciaux portent pourtant en eux l’espoir de pouvoir revivre chez eux. C’est avec amertume, larmes et tristesse qu’ils ont accepté de partager avec nous leur douleur, malgré, rassurent-ils que «les Algériens sont très accueillants, généreux et disponibles. Ils se montrent même protecteurs et se sentent concernés par nos chagrins et nos malheurs».

C’est une jeune maman que nous avons rencontrée à la station d’essence située au chalet. Le visage rongé par la monotonie, le regard nostalgique et lointain, elle éclate en sanglots à la première question. Les yeux baissés vers le sol, son bébé de deux ans à côté d’elle dans une poussette, elle n’arrive pas à prononcer un mot. C’est foudroyant comme émotion, surtout quand on ne trouve pas les termes qu’il faut pour soulager sa peine. Avec un peu d’effort elle finit par dire: «Que voulez-vous que je vous dise? Qu’auriez-vous senti si cela venait à vous frapper »?»

Je n’ai pas la force des mots pour extérioriser mon chagrin et mes re-grets, personne n’accepte de vivre dans des conditions aussi dures, non pas que je me sente mal à l’aise dans votre pays, c’est le fait que je sois loin de ma famille.» Ses larmes étaient encore plus fluides.

«Je n’ai pas vu les miens depuis trois ans, je n’ai aucune nouvelle, je ne sais pas s’ils sont morts ou vivants. La dernière fois que j’ai parlé à mon mari, un militaire au sein de l’Armée arabe syrienne qui a tenu à m’envoyer ici alors que j’étais encore enceinte et a choisi de rester combattre Daesh, remonte à 7 mois.» Difficile pour elle de continuer de parler, elle nous a priés de ne pas citer son nom et a refusé de se faire photographier. «J’ai une dignité madame, je ne veux pas être présentée comme une victime, je vends des mouchoirs pour subvenir à mes besoins, mais je ne peux pas le nier les Algériens sont très attentionnés, je ne manque de rien hamdoullah, je considère ce pays comme le mien, mais j’ai bien envie de partir en Syrie, découvrir de nouveau Damas, Homs et Alep.»

Elle marque un arrêt et poursuit «une fois cette guerre finie, je retournerai dans mon pays, je désire tant revivre parmi ma famille sur la terre de ma patrie». Nous avons quitté cette jeune maman avec le coeur gros pour rencontrer deux autres familles composées de plusieurs membres dont des bébés nés ici. Ceux-là occupent une petite place vers le Palais de la culture Malek Haddad. C’est encore une jeune maman au visage angélique d’une beauté remarquable qui proposait des accessoires pour véhicules, qui accepte sans gêne de répondre à nos questions.

«C’est sûr que les choses sont dures chez nous, on est là depuis quatre ans, on est venu très nom-breux, toute ma famille est là en Algérie, mais mon pays me manque, j’aimerai y retourner, mais j’avoue qu’on est bien ici on n’a aucun problème, je compte même inscrire mon enfant à l’école, il est né ici vous savez»? Mais cette joie de parler s’est vite transformée en douleur. «Vous auriez supporté tout ce mal à votre pays? Etre loin de Damas est une amertume. Pourquoi toute cette haine envers nous? Pourquoi l’Occident et Daesh nous ont-ils chassés de chez nous? Pourquoi je dois vendre ceci pour vivre?» Son frère au visage timide qui nous fixe avec des yeux qui en disent long enchaîne en nous interpellant. «On n’a rien à reprocher à l’Algérie, en venant ici ce fut un choix et pas une imposition, nous avons été très bien accueillis, mais on est mieux chez soi. On est tristes, vraiment tristes de vivre loin de chez nous.» Ce jeune homme aux grands yeux bleus ajoute une question: «Vous n’êtes pas obligé de mentionner notre identité?» La réponse est évidente. Les Syriens gardent quand même cette fierté pour laquelle ils sont connus et pour laquelle leurs soldats se battent. Mais une chose est sûre: vivre loin de Damas reste sans saveur pour les réfugiés syriens.