La délivrance des différents documents administratifs est devenu un réel casse-tête pour les citoyens. Dans certaines structures communales d’état-civil, la délivrance du moindre » document » relève du parcours du combattant. La tendance s’est davantage généralisée ces dernières années. Cette année, vu le taux de réussite historiquement élevé à l’examen du baccalauréat, les guichets sont pris d’assaut par les bacheliers pour les besoins de leurs inscriptions à l’université. Ce qui donne lieu à une ruée indescriptible.
Les préposés aux guichets, eux, ajoutent leur grain de sel à l’anarchie qui s’est installée dans les bureaux de l’état-civil. A la commune de Kouba sur les hauteurs de la capitale, le service d’état-civil est pris d’assaut.
Si les guichets réservés aux documents usuels, à l’instar des extraits de naissance, des certificats de résidence et de la légalisation de documents, sont comparativement «calmes», le bureau réservé à la délivrance du fameux acte de naissance «12» est bondé de monde.
En effet, ledit bureau aménagé à l’extérieur de l’enceinte de la mairie de Kouba était pris d’assaut, à telle enseigne qu’il était difficile d’y accéder. Exigu, suffocant, et avec un seul préposé au guichet, l’anarchie y règne en maître absolu.
Aléatoirement agglutinés à l’intérieur du bureau, les citoyens ne savent plus à quel saint se vouer. En l’absence d’une campagne d’information adéquate envers les usagers, l’octroi de ce fameux «sésame» pièce maîtresse dans le dossier pour la carte nationale d’identité et le passeport biométriques électroniques, est devenu un cauchemar pour l’ensemble des postulants.
La tension est à son comble en ces journées caniculaires devant ce siège de mairie. Des citoyens, jeunes et moins jeunes, des parents accompagnés de leur progéniture, des vieux et des vieilles se pointent chaque jour que Dieu fait devant le bureau sus-indiqué pour se voir délivrer ledit document.
On retient les livrets de famille !
A l’instar de plusieurs services d’état-civil de la capitale et dans plusieurs wilayas du pays, celle de l’APC de Kouba illustre parfaitement l’anarchie et les grandes difficultés retrouvées pour l’octroi du fameux acte de naissance «12 S».
Les préposés aux guichets n’ont trouvé d’autre alternative pour faire face au déferlement des citoyens que de retenir les livrets de famille, le temps de remplir les formulaires de demande, dont certains ont été carrément égarés. Et puis, la demande n’aboutit généralement pas avant une semaine d’attente.
Cette procédure n’est pas légale, puisque le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales a adressé de strictes instructions dans ce sens. En d’autres termes, l’acte de naissance de type «12 S» est délivré dans la même journée sur demande des citoyens, donc il n’est pas question de «déposséder» les familles de leurs livrets de famille, qui sont des documents strictement familiaux.
Une jeune fille interrogée hier devant le siège de mairie de Kouba, nous a précisé que sa demande datait d’une semaine et n’aboutissait toujours pas. «J’ai dû me déplacer au moins cinq fois pour retirer ce document», nous dit-elle, pour illustrer la bureaucratie qui caractérise l’opération.
Un «émigré» rencontré sur les lieux n’a pas caché son mécontentement face à cette situation. «Ici, je suis censé être en vacances avec ma famille, et voilà que je rode chaque jour pour me prémunir de certains documents, c’est stressant !», a-t-il regretté, non sans pointer du doigt les responsables de ladite mairie qui «ne font rien pour faciliter la tâche aux citoyens».
Des agents de sécurité, censés orienter les citoyens, se contentent d’ouvrir et de fermer les portes et intervenir en cas d’affrontements entre les usagers et les préposés aux guichets, chose courante dans les services d’état-civil.
Sinon, les citoyens sont livrés à eux-mêmes, en l’absence d’informations et de conseils pratiques. Certaines personnes, excédées par cette situation, où la longue attente s’ajoute à l’exiguïté des lieux, se mettent à vociférer traitant l’administration de tous les noms d’oiseaux. Ce qui n’est pas, bien entendu, pour dénouer la situation, puisque la chaîne humaine s’allonge davantage et les horaires de prestations s’amenuisent.
Autre décor à Bachdjerrah
Si la situation est insoutenable à l’état-civil de Kouba, il n’en est pas de même à la municipalité de Bachdjerrah. La vétusté des locaux ne reflète nullement la qualité des prestations dans cette enceinte. C’est devant des guichets quasiment vides que nous nous sommes présentés hier pour des renseignements. Un seul agent de sécurité veille sur la salle réservée à la délivrance de documents d’état-civil. Il régne un silence d’église et la situation semble plutôt organisée.
Loin des flux interminables des citoyens, le service d’état-civil de l’APC de Bachdjerrah fonctionne dans la sérénité la plus totale. Un mouvement humain très organisé se voit au bureau réservé à la délivrance de l’acte de naissance «12 S». Les citoyens sont machinalement orientés vers ledit bureau, où le chef de la cellule informatique reçoit les postulants, prend les renseignements nécessaires et délivre ledit document à peine trois heures après.
Le service d’état-civil de Bachdjerrah est peut-être l’exception qui confirme la règle. Dans la quasi-totalité des mairies, les citoyens déplorent la bureaucratie et autres agissements qui font que l’octroi de certains documents administratifs relèverait d’un exploit. Des phénomènes connexes ont proliféré face à la proportion des contraintes. Passe-droits, pots-de-vin, vente de documents vierges et autres agissements illicites gangrènent certaines administrations de l’intérieur du pays.
Les lenteurs indisposant certains postulants à des documents urgents ne trouverait son salut qu’en passant par les réseaux «spécialisés», moyennant bien entendu des sommes conséquentes. Les citoyens se retrouvent ainsi contraints d’emprunter les chemins sinueux de la corruption pour pouvoir se voir délivrer, dans certains cas, un simple extrait de naissance. Dans les structures d’état-civil de certaines wilayas, ces pratiques se sont érigées en mode d’emploi.
Les opérants dans cette «besogne» assez rentable ont généralement des accointances avec des agents administratifs avec qui ils partagent les «bénéfices». Ces réseaux sont encouragés par l’anarchie qui prévaut dans plusieurs mairies, ce qui rend l’octroi des documents administratifs très éprouvant.
700 actes de naissance «12 S» délivrés à Bachdjerrah
Le service d’état-civil de la commune de Bachdjerrah a délivré pas moins de 700 actes de naissance de type « 12 S », selon le chef de la cellule informatique de ladite municipalité. Ce service chargé de délivrer le fameux document, indispensable pour l’octroi de cartes nationales d’identité et de passeports biométriques électroniques, travaille dans un esprit d’organisation impeccable.
Ainsi, le postulant, qui se présente à ce bureau, est immédiatement enregistré. Le chef de la cellule informatique se charge de remplir les renseignements nécessaires, se fiant au registre original du postulant. Suite à quoi, le document atterrit chez l’agent de saisie, avant que l’agent validateur ne revoive les informations portées sur le document et un autre de revoir la confirmation toujours à partir du registre.
Ces trois opérations finalisées le document est directement posé sur le bureau du P/APC pour la signature finale, ce qui prend généralement une ou deux heures. Ainsi, l’acte de naissance de type « 12 S » est délivré dans la même journée, selon les consignes mêmes du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales. Ce dernier a également autorisé les secrétaires généraux et autres directeurs d’APC à signer le document en cas d’absence du P/APC.
Mokrane Chebbine