Le cartel de la drogue dicte sa loi

Le cartel de la drogue dicte sa loi

Le Maroc refuse de collaborer avec les partenaires internationaux pour faire la lumière sur l’état de la culture de cannabis sur son territoire.

Certains historiens, un peu trop conciliants avec le régime marocain, défendent la thèse du caractère ancestral de la culture du cannabis au Maroc. Les agriculteurs de la région du Rif pratiquent cette activité, dit-on, depuis plusieurs siècles. Cette approche plutôt «romantique» ne parvient pas à occulter la dure réalité d’un pays livré à un trafic d’une ampleur telle qu’il n’est pas interdit de penser à des collusions entre la sphère maffieuse et la sphère politique, voire sécuritaire. Et pour cause, les quantités astronomiques sont produites sur des dizaines de milliers d’hectares. Le Maroc ne reconnaissant que 47.000, alors que des organismes internationaux avancent des chiffres au moins deux fois plus importants.

Les «experts» proches du Palais royal parlent d’«activité économique qui s’est très largement développée au cours des deux dernières décennies». Et pour meubler le propos, on évoque le maintien d’ «un certain statu quo socio-économique et politique». En réalité, c’est un euphémisme pour qualifier une situation désastreuse où l’Etat marocain est totalement soumis au diktat des barons de la drogue.

Il faut bien souligner que les petits agriculteurs du Rif n’ont aucune espèce de pouvoir sur Rabat. Ils sont eux-mêmes victimes d’un cartel dont les ramifications dans les travers du système marocain et même européen sont insoupçonnables. Cette image du Maroc, très proche de la réalité, explique l’état de la production de la drogue et son commerce. En effet, on n’en est pas à quelques kilogrammes qui circuleraient à dos d’âne ou sous le manteau pour atterrir dans les poches de quelques «fils de…». Cette époque est révolue. Les tenants du trafic de drogue au Maroc sont passés au stade industriel, jusqu’à «démocratiser» la consommation du kif dans toute la région du Maghreb et en Europe. Peut-on raisonnablement parler d’«économie» et de «statu quo socio-économique et politique», à la lumière des saisies réalisées quotidiennement par les services de sécurité algériens à la frontière avec le Maroc? Il faut bien retenir que si tel était le cas, cela aurait été catastrophique pour le royaume. Or, le Maroc ne semble pas en souffrir. Il n’y a qu’une explication à cet état de fait, celle de dire que les trafiquants de drogue marocains ont intégré la donne des saisies d’une partie de leur produit en Algérie. C’est-à-dire que les quantités effectivement produites sont tellement énormes que ce qui tombe dans les filets des services algériens de sécurité relèvent des miettes.

LG Algérie

Peut-on penser un seul instant que des criminels qui disposent d’une telle puissance financière n’en usent pas pour acheter le silence, voire la complicité de centres de décision marocains? Pour nombre d’observateurs, la question ne se pose même pas. Ils en ont pour preuve, l’absence totale d’activité de police sérieuse autour de ce trafic. Pas d’arrestation de gros bonnets, pas de campagne d’arrachage de plants de cannabis. Il y a épisodiquement des saisies, mais c’est très loin de convaincre les plus convaincus parmi les amis du royaume. Dire que le cartel opère en terre conquise et qu’il dispose d’un lobby très influent qui parvient à s’assurer le silence des autorités marocaines et même de certains centres de décision à l’échelle de l’Europe, ne fait aucun doute. Sinon comment expliquer que le Maroc refuse de collaborer avec les partenaires internationaux pour faire la lumière sur l’état de la culture de cannabis sur son territoire, sans que l’on en fasse un scandale? «Depuis 2005, le Maroc ne se montre plus très disposé à coopérer avec l’Onudc (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) pour ouvrir des enquêtes permettant de faire l’état des lieux sur la culture de cannabis dans le pays. Les chiffres annoncés depuis, ne proviennent que des données des services de l’administration nationale. Même en 2010, le royaume s’est rétracté alors qu’il s’était déjà engagé avec l’organisme des Nations unies pour mener une nouvelle enquête.» Ces remarques contenues dans un rapport officiel font ressortir que le royaume, qui a pourtant bénéficié d’un programme européen destiné à lutter contre la culture du cannabis, est dans une logique diamétralement opposée. Il reste à savoir quelle responsablité ont les cartels marocains de la drogue dans le financement et le développement.