Même si Yasmina Khadra est le best-seller des ventes de livres en Algérie, la récolte des signatures risque d’être une vraie sinécure
La course à la présidentielle est généralement réservée aux chefs de parti, mais l’annonce de Yasmina Khadra a pris une telle ampleur, que la majorité des médias dans le monde ont repris l’information.
Son annonce n’a pas été prise au sérieux et a divisé même les internautes sur Facebook et pourtant, l’écrivain algérien Yasmina Khadra était bien sérieux en annonçant le 2 novembre, qu’il était candidat à l’élection présidentielle de 2014, confirmant une déclaration faite au forum du quotidien Liberté. «C’est officiel, je suis candidat à la présidentielle de 2014.»
De son vrai nom Mohammed Moulessehoul, l’écrivain de renom, qui est traduit dans 35 pays est lauréat de plusieurs prix internationaux pour ses nombreux romans et dirige actuellement le Centre culturel algérien (CCA) à Paris.
Son annonce a surpris plus d’un, car ce n’est pas dans les traditions politiques en Algérie qu’un intellectuel se présente comme candidat à la course pour l’élection présidentielle. Cette élection était généralement réservée aux chefs de parti, mais l’annonce de Yasmina Khadra a pris une telle ampleur que la majorité des médias dans le monde: français, européens arabes et américains ont repris l’information.
De plus, l’auteur de A quoi rêvent les loups et Ce que doit le jour à la nuit bénéficie d’un large soutien dans le monde de la culture, des médias et de la politique, que ce soit en Algérie ou ailleurs. L’écrivain bénéficie également du soutien d’importantes personnalités nationales et étrangères.
Sur le plan organisationnel, l’écrivain s’est déjà lancé dans la première bataille de la course à l’élection présidentielle 2014: décrocher les 75.000 signatures, qui offrent le ticket officiel de la candidature au poste de président de l’Algérie.
Pour ce faire, il possède déjà 13 bureaux à travers le pays, dont un bureau national à Alger. Des comités de soutien pour sa candidature ont été créés à Paris et Montréal, mais aussi aux Etats-Unis et au Mexique, là où il habitait pendant plusieurs années.
Même si Yasmina Khadra est le best-seller des ventes de livres en Algérie avec seulement 10.000 livres vendus à chaque sortie de roman, la récolte des signatures risque d’être une vraie sinécure.
Sur le plan politique, rien n’empêche sa candidature, voire même son élection.
Dans l’Histoire des pays, plusieurs écrivains sont devenus par des concours de circonstances particulières des présidents, c’est le cas notamment de Léopold Sédar Senghor, le premier président de la République du Sénégal et qui fut avec Césaire le défenseur de la négritude. Senghor était le seul chef d’Etat qui fut d’abord poète, agrégé de grammaire et formé au Lycée Louis-le-Grand, qui a vu passer plusieurs hauts responsables français, dont le président Pompidou. Elu à l’Académie française en 1983, c’est aujourd’hui Giscard qui le remplace au fauteuil 16.
Autre écrivain à devenir président, le dramaturge et essayiste Vaclav Havel, qui fut une des figures de proue de la révolution de velours, qui mit fin au régime communiste. Il a été élu président de la République fédérale tchèque et slovaque de 1989 à 1992, puis président de la République tchèque de 1993 à 2003. Politicien atypique, très estimé sur le plan international, il fut souvent appelé le «président-philosophe» et sa vie a été qualifiée d’«oeuvre d’art» par l’écrivain Milan Kundera.
D’autres personnalités avaient un passé d’écrivain avant d’épouser une carrière de politique, c’était le cas de François Mitterrand qui fut le plus lettré des hommes politiques français, puisqu’il était l’auteur d’une vingtaine de livres avant son élection en 1981: Le Coup d’Etat permanent (1964), La Paille et le Grain (1975).
Tous ses essais en politique ne signifient pas que la route de Yasmina Khadra sera de tout repos. Car ce qui manque à notre écrivain international, c’est le soutien d’un parti et le poids politique pour faire marcher la machine électorale. Face à des candidats qui bénéficient de machines médiatiques lourdes, notre écrivain candidat est désarmé.
Son annonce de candidature a été plus reprise par les médias français et internationaux que par les médias algériens, qui n’ont pas pris au sérieux sa candidature. Interrogé sur son programme électoral, M.Khadra a estimé qu’il viendra «quand [il aura] l’impression que [sa] proposition est bien accueillie».
Dans le cas contraire, «on ne peut aller contre la volonté d’un peuple», a-t-il précisé. M.Khadra a exclu tout éventuel parrainage d’un parti politique, et affirmé qu’il allait «récolter des signatures». C’est sans doute le challenge le plus important de sa vie…