Le calvaire des voyageurs de la ligne Oran-Arzew par une journée de jeûne De la marchandise et rien d‘autre…

Le calvaire des voyageurs de la ligne Oran-Arzew par une journée de jeûne De la marchandise et rien d‘autre…

Les scènes vécues en ces jours de Ramadhan dans le transport collectif desservant la ligne Oran/Arzew sont dignes des scénarios de feu Yahia Benmabrouk (l’apprenti) dans «le taxi clandestin» ou de feu El Anka dans «Daim Allah».

Ces scènes ne relèvent pas de la fiction, mais bel et bien de la réalité. Elles sont souvent cocasses et loufoques, mais parfois, elles prennent des tournures assez graves en raison des conflits donnant lieu à des rixes en ce mois sacré de jeûne et de piété ,où les nerfs sont à fleur de peau.

Le bus bondé, plein à craquer, a pris le départ clandestinement à partir des environs de l’agence des «Castors», où il y avait une grande foule qui attendait pour prendre un transport salutaire dans les quais de l’agence. Le chauffeur, la quarantaine bien tassée, se faufilait en slalomant à travers les bouchons de véhicules en empruntant les petites ruelles et en évitant les grandes artères.

Par boutades et répliques assez sèches, il descendit en flammes tout chauffeur gênant et roulant à une vitesse raisonnable. Il lui suggérait «gentiment» d’aller apprendre à conduire dans son douar.

Arrivé à la sortie de la ville, c’est-à-dire au niveau du rond-point de la cité AADL, il informa, avec un rictus de gladiateur vainqueur, son receveur, un jeune adolescent pas encore sorti de la puberté qu’il a réalisé un temps record à partir du point de départ.

LE CLIENT, QUI A DIT QU’IL EST ROI ?

Une fois dépassant le barrage fixe de la gendarmerie, il appuya sur l’accélérateur avec un objectif bien déterminé : arriver à temps pour le ramassage du personnel de la Sonatrach, car il était rudement en retard.

Et tant pis pour le ballottage des passagers ! C’est à partir de cet instant que le film commence à se dérouler. Un voyageur barbu, en kamis, demanda au conducteur d’arrêter la musique en lui remettant un CD de prêche religieux en remplacement.

Le chauffeur hésita un moment, mais devant l’insistance de ce dernier, il obtempéra. Nous eûmes droits, pendant un moment, à écouter des prêches incendiaires dans un silence total interrompu de temps à autres, par les cris agités d’un enfant que sa mère n’arrivait pas à maîtriser.

Après un moment, l’ambiance tomba d’un cran et les discussions reprennent de vive voix pour devenir un grand brouhaha. Le chauffeur était obligé d’éteindre le poste radio.

Le jeune receveur, en claquant les pièces de monnaie dans sa paume en signe d’acquittement des places car il ne lui restait plus de tickets. Pour preuve, il montra un carnet ne comportant que des souches. Il marmonna, au passage, une réplique désagréable à l’encontre d’un vieux passager qui lui a remis un billet de 2000 DA.

Entre-temps, tout en lorgnant dans sa montre, le chauffeur accélérait de peur de laisser les travailleurs de la zone industrielle en rade. Le vieux des 2000 DA, soutenu par d’autres passagers, lui demanda de réduire la vitesse car, d’après lui, on n’est pas dans une course de formule 1 et que, malgré son âge avancé, il lui reste encore de beaux jours à vivre devant lui.

Le conducteur, en ciblant le «rebelle» dans le rétroviseur, lui répondit sèchement «li fatou yamou ma yatmaa fi yamat ennas».

Là, c’est le branle-bas de combat, la femme qui n’arrivait pas à faire taire son bambin, lui balança «Espèce d’effronté, comment oses-tu répondre de la sorte à un vieux qui a l’âge de ton père?». Ajoutant, «il n’y a pas d’hommes dans ce maudit bus pour le corriger, les hommes, hélas, ne courent plus les rues de nos jours».

Devant cette remarque déplacée, certains voyageurs commençaient à crier et à revendiquer, alors que le gosse pleurait à chaudes larmes voulant à tout prix ouvrir la vitre de la fenêtre et faire sortir sa tête à l’extérieur. Il était en continuel duel avec sa mère très remontée contre le peu de «courage» des hommes. Une jeune fille, excédée par le dandinement de son jeune voisin en plein sommeil, le réveilla pour lui faire la remarque tout en rougissant.

Ce dernier, réveillé sûrement en plein délice d’un rêve, marmonna en s’excusant. Mais après un laps de temps, très exténué, il a été rappelé par les doux bras de Morphée et la frêle épaule de sa voisine.

Au fond du bus, on entendit la sonnette d’alarme d’un portable, un jeune, en répondant, a appris à toute l’assistance que son dossier a été déposé à la mairie, qu’il a emprunté de l’argent et qu’il a oublié d’acheter les épices commandées par sa mère.

Arrivé à la l’entrée d’Arzew, le chauffeur, tout heureux, a fait comprendre à son jeune receveur qu’il a bien fait de ne pas prendre de passagers voulant descendre dans les villages qui sont inclus dans son itinéraire réglementaire, car il serait en retard. Une fois arrivé à la soi- disant gare routière de Benboulaid d’Arzew, Le conducteur, en bon prince, s’excusa auprès du vieux aux 2000 DA.

La vieille dame, se sentant trahie par celui auquel elle a pris sa défense, tirait son môme par la main en lançant des regards perçants en direction de son « ex-protégé». Le gosse, dans un dernier sursaut et d’un coup sec, fit claquer la vitre la brisant en petits morceaux. Fatigué et sonné, on a pas eu le courage d’assister au round suivant entre la mère et le chauffeur.

Déjà, le receveur commençait à héler d’éventuels passagers pour le retour sans faire de chaîne avec les autres bus stationnés. Le conducteur lui rappela qu’il doit transporter les travailleurs de Sonatrach et qu’il doit cesser de s’égosiller inutilement.

D Cherif.