Le brent dans le rouge

Le brent dans le rouge

Le brent poursuit sa dégringolade. Mardi matin, il flirtait avec les 45 dollars le baril sur les places boursières, alors que les monarchies du Golfe continuent de clamer qu’elles ne baisseront pas leur production et qu’elles continueront à inonder le marché par une offre quotidienne.

Des monarchies qui récusent le scénario du complot saoudo-américain pour affaiblir les économies russe, iranienne ou vénézuélienne, estimant qu’il s’agit d’une « bataille de part de marchés » depuis que les américains ont commencé à produire massivement le gaz du schiste et ses huiles.

Des experts financiers et des courtiers occidentaux spécialisés dans les questions énergétiques estiment que les prix vont encore baisser davantage jusqu’à flirter au seuil des 20 dollars le baril, soit presque à la valeur du coût de production. Une baisse qui pourrait s’étaler sur toute l’année.

Autrement dit, une baisse en forme de « macro », plus structurelle que mercuriale. Pour les experts, cette baisse est inscrite dans le durée (au moins deux ans si les économies des pays occidentaux ne réalisent pas des taux de croissance de plus de 3% et si celles des pays émergents ne réagissent pas mollement face à la crise).

Un constat qui semble avoir affolé certains gouvernements mono-producteurs, comme l’Algérie, qui n’arrive pas à trouver la parade pour réagir, sauf en cherchant de nouveaux gisements non conventionnels comme le gaz de schiste. Or, ce dernier fait polémique et ne semble pas faire l’unanimité. Les récentes manifestations quotidiennes dans les régions du sud du pays risquent de s’amplifier et de s’étendre aux villes du Nord, ce qui n’est pas opportun pour un pouvoir stressé par tant de questions délicates au niveau de ses frontières et de nombreux périls sociaux et politiques.

Au-delà de la crise des recettes pétrolières et des limites des manœuvres économiques, des observateurs s’interrogent sur les nouveaux défis, sur les capacités politiques et intellectuelles du cabinet actuel.

Des observateurs qui estiment que la situation actuelle exige non seulement une créativité et une imagination à la mesure des défis, mais aussi des hommes ou des femmes aux profils vrais, technocrates ou politiques capables de prendre en charge ces défis dans la transparence et de dire la vérité crue, qu’elle soit d’austérité ou de rigueur.

Rappelons que déjà, au début des années 1990, le pays vivait une crise économique terrible avec des conséquences politiques immédiates (montée du fondamentalisme salafiste). A cette époque, le pouvoir, qui suppliait le FMI et la Banque mondiale de lui accorder des crédits pour faire face aux besoins alimentaires de la population, a cherché auprès de son personnel des profils précis.

En le nommant chef du gouvernement, Bélaid Abdeslam, ancien ministre de l’Energie et des Industries au temps du règne du feu Boumedienne Houari, déclara lors de sa première conférence de presse qu’il va instituer une économie de guerre, ne cachant point la gravité de la situation. Inutile de retracer sa feuille de route et les nombreux mécanismes qu’il met au point pour réduire les tensions et les effets de la crise, mais l’exemple est là pour que le pouvoir se mette à retrousser les manches et à dire la stricte vérité avec courage.

Cela veut dire qu’il faudra trouver de nouvelles têtes, celles qui croient à la rigueur, à l’austérité, celles qui sont capables de produire un vrai projet de renaissance de notre économie, celles qui annonceront les mesures anti-populistes, qui réduiront la gabegie, qui lutteront contre la corruption, contre les détournements des deniers publics, contre les malversations, contre les déperditions de nos ressources.

Ce sont encore ces têtes nouvelles qui imposeront les vrais contrôles de nos budgets et de nos dépenses, qui moraliseront les comportements douteux de nos bureaucrates tapis dans nos administrations, nos organismes et dans nos collectivités locales qui accordent dans l’opacité, grâce à des commissions ou des pots-de-vin des marchés de gré à gré de plusieurs milliards de centimes. Ce sont ces têtes nouvelles qui seront capables de nous dire que l’Algérie a besoin d’une autre révolution économique, d’une autre forme de développement, d’une autre forme de croissance.

Or, tout cela exige une volonté politique qui n’existe pas actuellement dans le sérail. La dernière fois, un ministre nous disait qu’il « ne faut pas tomber dans la panique, qu’il ne faut pas jouer aux pyromanes pessimistes et qu’il ne faudra pas bâtir une doctrine économique sur la base de faux diagnostics », alors qu’un autre expliquait, off record, que « le pouvoir n’a jamais parlé d’austérité, mais de rationalisation des dépenses budgétaires ».

D’autres hauts fonctionnaires de l’Etat évoquent qu’il existe l’espoir que ce marché volatil du pétrole se mette en branle et réagisse d’ici peu, que des événements imprévisibles pourraient bien faire exploser les prix et augmenter nos recettes. Espoir que démentent la réalité des investissements dans l’exploration et l’exploitation et la prospective économique dans le secteur énergétique.