Le barreau d’Alger a décidé samedi à Alger d’organiser une journée de protestation mercredi prochain, pour exprimer son « mécontentement » du contenu du projet de loi portant organisation de la profession d’avocat.
Lors d’une assemblée générale extraordinaire présidée par le bâtonnier Abdelmadjid Sellini, le barreau d’Alger a décidé une série de mesures, pour exprimer son rejet du contenu du projet de loi, déposé par le ministère de la justice auprès de la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l’Assemblée populaire nationale (APN), pour examen avant de le soumettre au parlement pour adoption.
Les avocats, estimés à près de 1500, ont convenu d’organiser une journée de protestation pour exprimer « leur mécontentement de la situation générale de la justice notamment en matière de droits de la défense », lit-on dans les recommandations de l’Assemblée.
Le barreau a appelé au retrait de la mouture actuelle de ce projet de loi, pour réviser certains de ses articles, appelant le président de la République à intervenir « pour préserver les droits des citoyens et réunir des conditions objectives et acceptables afin de bénéficier du droit à la défense, garanti et consacré par la constitution », car le projet, selon lui, « va à l’encontre des instructions du président de la République pour l’édification d’un Etat de droit ».
Les avocats ont convenu d’informer et de sensibiliser l’opinion publique à « l’atteinte des droits fondamentaux de défense des droits de citoyens », affirmant qu’ils exerceront « des pressions », en cas de non révision du projet avant sa présentation au parlement.
Le bâtonnier Sellini a souligné, lors de l’Assemblée générale, « la nécessité d’assurer la protection de l’avocat des pouvoirs exécutif et judiciaire, en veillant à son indépendance et à sa liberté lors de l’exercice de ses fonctions, loin de toutes pressions ».
Le bâtonnier a présenté un exposé exhaustif sur certains articles contenus dans le projet de loi rejetés par les avocats, car « ils dénuent la défense de la qualité d’indépendance et l’assujettit, à tous ses niveaux, (avocats, organisations, syndicats, conseil de l’Union nationale des barreaux d’Algérie (UNBA) et son assemblée générale) à l’autorité exécutive ».
Il s’agit en outre des articles 9 et 24 du projet, qualifié par le bâtonnier et la majorité des avocats intervenants « de défi à la liberté et aux droits de défense ainsi que de défi aux droits des justiciables ».
Selon l’article 9 du projet de loi portant organisation de la profession d’avocat, « l’avocat doit prendre les mesures légales nécessaires pour protéger, respecter et mettre en oeuvre les droits et intérêts de ses clients. Toute entrave au cours normal de l’administration de la justice engage la responsabilité de l’avocat ».
L’article 24 prévoit que « lorsque l’avocat commet un incident d’audience, le juge en fait dresse un procès verbal par le greffier qu’il transmet au président de la cour. L’avocat se retire de l’audience avec possibilité pour le président de la cour de saisir le conseil de discipline. L’avocat ne sera plus autorisé à plaider jusqu’à ce que le bâtonnier ait statué sur la saisine » Pour les avocats, ces deux articles « restreignent la liberté de l’avocat et le placent sous le coup d’une suspension disciplinaire immédiate ne lui accordant même pas le droit de se défendre ni celui de protester contre la démarche du tribunal même si cette dernière s’avérait inconvenante ».
Cette procédure qui ne figurait pas dans la précédente loi constitue « une régression et une atteinte au droit de la défense », ont-ils déploré. De leur coté, les magistrats ont émis des objections sur les articles relatifs à la carrière d’avocat, « qui est désormais interdit de plaidoyer dans les cours de justice s’il ne compte pas à son actif 11 ans d’expérience ».
Il s’agit « d’une grave atteinte au principe d’égalité des chances », a martelé M. Sellini.
Le bâtonnier national a également critiqué le contenu des articles 99 et 131 « qui font obligation au barreau, assemblée générale et conseil de l’UNBA compris, de présenter une copie de leurs PV et décisions au ministre de la Justice qui est en droit de les contester et au bâtonnier d’informer le ministre de certaines de ses activités telle la désignation du rapporteur ».
« C’est là une volonté manifeste de vouloir placer le barreau sous la tutelle du ministère de la Justice », a-t-il souligné.
Pour sa part, Me Miloud Brahimi qualifie le projet de loi de « texte à risque qui conforte la bureaucratie et les pratiques négatives et va à l’encontre de la tendance internationale consacrant les droits de l’homme ».
Pour Me Mustapha Bouchachi, l’avocat « a une responsabilité juridique lorsque le droit de la défense est violé et à travers lui sont violés les droits des citoyens ».
Le contenu du projet de loi « ne dénote d’aucune volonté politique de la part du système de s’ouvrir aux réformes et à la liberté », a-t-il ajouté. A cette occasion, M. Sellini a souligné que « la majorité des barreaux régionaux ont convenu de s’opposer au projet de loi excepté le bâtonnier national Mustapha Lenouar et ceux de Blida et de Batna ».
« Les avocats organiseront une marche en cas de non retrait du projet de loi », a-t-il ajouté. L’Assemblée générale a chargé le conseil du barreau d’élaborer un rapport sur les mesures et procédures qu’il jugerait nécessaires en vue de contrecarrer l’adoption de ce projet de loi.
Un groupe d’avocats avait participé le 9 juin dernier à une réunion organisée par la Commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l’Assemblée populaire nationale (APN) dans le cadre de l’examen et de l’enrichissement du projet de loi portant organisation de la profession d’avocat.
Le ministre de la Justice, Garde des sceaux, M. Tayeb Belaiz avait répondu jeudi à une question à ce sujet, en affirmant que « tout projet de loi pourrait faire objet d’objection de la part de certaines parties et souvent il n’ y a pas unanimité ».