C’est cela être parent. S’inquiéter pour ses enfants plus que pour soi-même
Pendant que les candidats au baccalauréat passent leurs épreuves, leurs parents passent l’épreuve du stress.
Il est 11h du matin. Aux abords du lycée Emir Abdelkader de Bab El Oued, on aperçoit un quinquagénaire qui depuis plus d’une heure fait les cent pas. Téléphone à la main, il grille cigarette après cigarette. Entre deux «clopes», il passe de cours appels et attend. Mais qu’attend t-il vraiment? Son enfant qui est en train de passer son épreuve de mathématiques en ce lundi 3 mai, deuxième jour du baccalauréat. Les mains frémissantes, la voix tremblante, Mustapha, de son nom, nous avoue qu’il a déposé ce matin son fils à son centre d’examen, qui est le lycée Emir Abdelkader, mais qu’il n’a pas pu retourner chez lui. «J’ai pris une tasse de café dans une cafétéria des environs et je suis revenu attendre que ma fille qui passe aujourd’hui (dimanche, Ndlr) la première épreuve importante du Bac qui est les maths», dit-il pour expliquer le fait qu’il «rode» devant ce lycée de la capitale. Mustapha, qui dit avoir pris un congé pour pouvoir être à la disponibilité de sa fille pendant le Bac, nous fait part de son angoisse. «Je suis stressé comme lorsque j’ai passé mon Baccalauréat», indique-t-il d’un air des plus inquiets, lui dont le téléphone ne cesse de sonner. Il avoue toutefois, que son état de stress n’est rien comparé à celui de sa femme. «C’est d’ailleurs, elle qui n’arrête pas de m’appeler pour savoir si notre fille était sortie, si j’avais eu des échos de l’examen», souligne t-il. «Elle est dans un état «post-traumatique «», plaisante t-il. «Elle ne mange pas, elle ne dort pas. Elle est plus stressée que notre fille qui se met à la rassurer au lieu que ce soit le contraire», affirme-t-il. «Ce qui nous inquiète aussi», ajoute t-il avec paradoxe. «On s’inquiète que notre fille ne soit pas autant que nous», assure-t-il d’un air perdu.
Fériel, une dame d’une quarantaine d’année, attend, elle son fils. Elle avoue être aussi très angoissée. Surtout qu’elle est seule à gérer la situation. Son mari est employé dans le Sud et n’a pu être présent pour épauler leurs fils aîné, qui est le premier d’une famille de trois enfants à passer le Bac. «Ce Bac est plus difficile que mon accouchement que j’ai aussi dû gérer toute seule. Je le qualifierai même d’accouchement avec siège», plaisante-t-elle pour atténuer son stress. Toutefois, elle indique que son mari appelle toutes les heures pour avoir des nouvelles de «leur Bac». «Cela énerve un peu notre fils qui se voit un peu déconcentré. Mais on fait avec», rapporte t-elle. Mustapaha et Fériel, ne sont pas des cas isolés. Ils sont des centaines, voir des milliers de «collègues» à travers le territoire national. Faites un tour devant un centre d’examen, et vous allez vite voir des parents cheveux grisonnants à attendre aux abords, tels des lycéens. On les voit également dévaliser les supermarchés, comme si c’était le jour du jugement dernier, pour trouver les aliments «miracles» qui aideront leurs enfants à tenir le coup. Dans les pharmacies, ils sont aussi présents, tels des «zombies» à chercher des flacons anti-stress pour leur progéniture et accessoirement pour eux. C’est cela être parent. S’inquiéter pour ses enfants plus que pour soi-même.Le Bac fait partie de ces inquiétudes. Il a toujours mobilisé les parents émotionnellement. En Algérie, c’est le seul gage de réussite future. Sans le Bac, les études supérieures sont très compliquées. Les enfants le savent eux-mêmes depuis l’école primaire, on n’arrête pas de leur répéter. Le «gentil» stress s’est chargé d’angoisses légitimes. Les parents passent ainsi eux aussi «leur» baccalauréat…