Le 1er mai de chaque année, journée chômée et payée, baptisée « fête du travail » commémore le 1er mai de 1886 où les syndicats américains appelèrent plus de 400 000 travailleurs à manifester pour l’obtention de la journée de huit heures sachant que jusque-là, il était habituel de travailler dix ou douze heures par jour.
La date du 1er mai avait été choisie car beaucoup d’entreprises américaines entamèrent ce jour-là leur année comptable. Depuis, le premier mai est devenu le jour international des revendications ouvrières, donnant lieu à des défilés de travailleurs. Si la journée de 8 heures a été acquise déjà au 19ème siècle ; le premier mai a continué cependant, d’être la journée des revendications salariales. Depuis 1941, c’est un jour chômé et depuis 1947, ce jour férié est payé pour tous les travailleurs. En Algérie, les acquis des travailleurs sont concrétisés par un pluralisme syndical. L’UGTA n’est plus la seule entité syndicale sur le terrain, ce qui multiplie les chances des travailleurs de différentes catégories professionnelles de faire entendre leurs voix. Et pour cause, les dernières paroles d’Augustin Spies, exécuté au début du 20ième siècle pour avoir manifesté pour le droit des travailleurs étaient : «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui». le pluralisme syndical acquis constitutionnel datant de 1989, est bel et bien, consacré par la loi en Algérie.
Le pluralisme syndical, aboutissement d’un combat au quotidien
Les syndicats autonomes sont devenus en Algérie une réalité bien assise dans la vie sociale et politique malgré certaines lacunes. Le bref aperçu historique reflète l’aboutissement d’un combat au quotidien de tous les secteurs confondus. Les syndicats autonomes en Algérie ont vu le jour, après l’amendement de la Constitution en 1989 et les lois promulguées en 1990: la loi 90-14 portant modalités du libre exercice du droit syndical, et la loi 90-02 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève. Après 30 ans d’unicité syndicale, sous la bannière de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), des syndicats autonomes (Au nombre de 88) ont vu le jour au sein de la corporation des fonctionnaires de l’administration, des enseignants, médecins, pilotes, officiers de la marine marchande, techniciens de la maintenance aérienne, contrôleurs de la navigation aérienne, comptables, inspecteurs de travail, inspecteurs des impôts, contrôleurs des prix et bien d’autres. Ces syndicats autonomes s’imposent de plus en plus socialement et politiquement, d’où les mouvements sociaux constatés dans la fonction publique, notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Les mouvements de grève lancés par les syndicats autonomes s’étaient mobilisés dès l’année 2003-2004, essentiellement pour des revendications salariales.
Néanmoins, ces derniers œuvrent à se hisser au rang de partenaire à part entière avec les pouvoirs publics et d’être parties prenantes dans toutes les négociations relatives au monde du travail telles les tripartites qu’ils pourraient enrichir par leur participation et leur représentativité.
A ce propos les syndicats font souvent prévaloir, la loi 90-14, dans son article 35, qui considère représentatives les organisations syndicales de travailleurs, regroupant au moins 20% de l’effectif total des salariés ou au moins 20% au sein du comité de participation, si celui-ci existe dans l’organisme employeur. D’autres entraves se dressent parfois face à l’action syndicale telle les retenues sur salaire, en 2009 et en 2010, à l’encontre de plus de 15.000 grévistes du secteur de l’enseignement. Pour certains il y a lieu de refaire l’apprentissage dans le syndicalisme et revoir les bases de l’activité syndicale. La reconnaissance légale du pluralisme syndical ne se reflète pas sur l’activité syndicale qui elle, connaitrait beaucoup d’entraves selon des syndicalistes
Consécration de la journée des huit heures, fruit de moultes sacrifices
L’augmentation des salaires et toutes les réformes visant l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés et un minimum de bien être social sont intervenues dans un contexte géopolitique particulier. Avant cela la révision du code du travail n’est que l’adaptation des lois au nouveau contexte économique et social du pays dont les pouvoirs publics par la force du contexte régional, veulent promouvoir l’emploi et la création d’entreprises.
Face au bouillonnement du front social reflétant les difficiles conditions sociales des travailleurs algériens, le chômage, la précarité et les inégalités entre les différentes couches de la société, ces pouvoirs publics ont eu recours à certaines dispositifs sociaux de solidarité nationale via le Filet social, l’Emploi de jeunes, la création de la Caisse de chômage (CNAC), le Pré-emploi et toutes formes de solutions de bricolage pour tenter d’absorber le chômage en constante ascension.
Ces mesures se sont avérées insuffisantes et face à l’acharnement des travailleurs à exiger plus de dignité, et plus de considérations, les syndicats n’avaient plus le choix que d’exiger la révision du SNMG et de revendiquer l’abrogation de l’article 87 bis du Code du travail. En effet des augmentations substantielles des salaires dans tous les secteurs ont été concrétisées avec effet rétroactif prenant comme date d’effet l’année 2008. Une extraordinaire victoire des salariés, consacrée par des réformes entreprises par le président de la république ont fait du mois d’avril 2011, le mois des changements radicaux de la majorité de la réglementation régissant le monde du travail. La concrétisation s’est faite crescendo. ce bouleversement positifs a donné l’opportunité à l’UGTA de dresser un rapport en guise de bilan dans lequel elle a consigné tous les acquis des travailleurs.
Ainsi, pour reprendre des chiffres avancés dans un bilan réalisé par l’UGTA et publié en février 2012, sur les réalisations sociales des salariés et des retraités (2000-2012), plus de 5,6 millions de salariés ont bénéficié d’augmentations depuis l’année 2000, 5.644.798 salariés ont bénéficié d’augmentations durant les années allant de 2000 à 2012, alors que seulement 2.213.000 salariés ont bénéficié d’augmentations entre 1990 et 1999 Depuis 2000, les augmentations successives dans le secteur de la Fonction publique ont touché 1,8 million de fonctionnaires, générant en matière de salaires et d’indemnités, une hausse moyenne de 65%, alors que les accords intervenus dans le secteur économique ont touché un effectif de 3.844.798 salariés, dont 2.582.462 dans le secteur public et 1.262.336 dans le privé, générant un taux moyen d’augmentation des salaires, primes et indemnités de 54%.
L’UGTA souligne que durant les 12 dernières années, 252 conventions collectives de branches, 1.830 conventions collectives d’entreprises et 7.813 accords salariaux ont été conclus dans le secteur économique public et 2 conventions cadres en plus de 11.793 accords salariaux dans le secteur économique privé. Concernant le salaire national minimum garanti, l’UGTA précise qu’il a été revalorisé de 300% depuis le 1er septembre 1998, rappelant que le SNMG, qui était de 6.000 DA au 1er septembre 1998, a été revalorisé avec une moyenne de deux années d’intervalles, pour atteindre les 18.000 DA au 1er janvier 2012. Sachant que ces réalisations sont le fruit de longues négociations et de pressions syndicales. Le bilan rappelle que 60 statuts particuliers et 60 régimes indemnitaires ont été promulgués en faveur des salariés du secteur de la Fonction publique. Notons que depuis la promulgation du premier statut particulier en janvier 2008, la revalorisation des rémunérations dans le secteur de la Fonction publique a touché 1,8 million de fonctionnaires et agents publics. Les revalorisations dans le secteur de l’éducation nationale, pour les différents grades s’élèvent entre 5.904 DA et 22567 DA, de l’Enseignement supérieur (entre 21.234 DA et 169.344 DA) et de la Jeunesse et des Sports (5.807 DA et 19.290 DA).
Concernant les retraités, les revalorisations annuelles des pensions et allocations de retraites ont permis une augmentation globale des pensions de l’ordre de 55% durant la période 2000-2010. En 2011, le taux de revalorisation, qui a été fixé à 10%, a concerné 2.019.848 retraités bénéficiaires pour un impact financier global de l’ordre de 23 milliards de DA à la charge de la caisse nationale des retraites. Le bilan note, entre autres, un relèvement du seuil de la pension minimum (75% du SNMG) en 2011 et une revalorisation des pensions et allocations de retraite selon un taux dégressif variant entre 30% et 15%, à compter du 1er janvier 2012. La joie des salariés n’a pas fait long feu cependant puisque tout le monde sait que cette revalorisation des salaires a été accompagnée une flambée des prix des fruits et légumes et des produits de première nécessité.
Ceci dit l’action syndicale est perpétuelle car le pouvoir d’achat des travailleurs a été de nouveau entamé. Le premier mai 2012, est ainsi marqué par une phase de transition importante, voire radicale qui rappelle que le monde du travail a devant lui encore des défis à relever à l’heure de la mondialisation et des printemps arabes où les mutations socio-économico-politiques se réalisent à une vitesse vertigineuse.
Pour l’Algérie qui compte 70% de jeunes parmi sa population, la création d’emploi devrait constituer le cheval de bataille de la lutte syndicale sur laquelle pèse aussi le devoir d’œuvrer contre la précarité, le chômage, la harga vers des contrées incertaines et d’autres maux dont le dénominateur commun reste l’absence d’emplois décents. La lutte ouvrière entamée un certain 1er mai 1886 reste donc d’actualité
Allaa.A