«La révolution consiste à retourner le sablier», disait le plasticien français, Jean Dubuffet. Il n’a pas été retourné à Tripoli, jugent les Libyens qui menacent de se soulever après-demain, à l’occasion du deuxième anniversaire de l’insurrection contre le régime de Maamar Kadhafi, pour remettre le train de la révolution sur ses rails, affirment-ils dans des tracts distribués et dans les réseaux sociaux, appelant à manifester.
De crainte que ces manifestations ne dégénèrent en violence et n’entraînent des infiltrations de groupes extérieurs, les autorités libyennes qui se préparent à l’affrontement ont décidé de fermer leurs frontières, du 14 février à minuit jusqu’au 18 février, avec la Tunisie et l’Egypte, eux-mêmes en situation de déstabilisation et d’agitation. « Par mesure de sécurité, nul ne sera autorisé à franchir les frontières [avec ces deux pays] », a annoncé, lundi dernier, le Premier ministre libyen, Ali Zeidan qui a, en même temps, confirmé la présence de son pays à la réunion ministérielle internationale de soutien à la Libye tenue, hier, à Paris.
Les frontières libyennes avec l’Algérie, le Niger, le Tchad et le Soudan sont déclarées fermées depuis la mi-décembre 2012, le temps, dit Tripoli qui en a pris l’initiative, de sécuriser la région. Ce n’est pas demain la veille qu’elle le sera.
Les derniers événements qui ont marqué cet espace n’y encouragent pas. L’attaque du complexe gazier de Teguentourine, à In Amenas, le 16 janvier dernier, par un commando venu de Libye, démontrerait, à elle seule, l’incapacité des services de sécurité libyens à surveiller et à contrôler des milliers de kilomètres de frontières désertiques livrées au trafic d’armes, de drogue, d’êtres humains et au terrorisme. Le ministre de l’Intérieur libyen, Achour Shwayel, redoute cette journée du 15 février, d’autant que le gouvernement fait déjà face au chaos et à une guerre qui n’en finit pas. Plus d’un an après la mort de Maamar Kadhafi, la Libye n’a toujours pas d’Etat, les milices, officiellement dissoutes, continuent d’imposer leur loi dans le pays et les tribus de l’exposer au morcellement. Dans les réseaux sociaux en effervescence ces derniers jours, les jeunes libyens exhortent leurs compatriotes à la « désobéissance civile » et à « faire tomber le régime » pour « réaliser la deuxième révolution », disent-ils. Selon eux, de hauts responsables libyens dont les noms n’ont pas été donnés auraient démissionné avant que cette « deuxième révolution » ne se produise, et d’autres dirigeants, comme Moustapha Abdeljalil, l’ancien président du CNT, auraient quitté la Libye pour la Grande-Bretagne, la France et l’Italie. Une confusion totale règne sur ces prochaines manifestations où chacun y va de son mot d’ordre et de ses revendications, les uns contestant les décisions et des choix de l’Assemblée nationale et du gouvernement, les autres voulant « bannir les responsables de l’ancien régime et faire tomber le nouveau » ou encore imposer le fédéralisme. Deux ans après la « fausse révolution », affirment les opposants, le temps serait venu pour le peuple libyen de prendre son destin en main.
Brahim Younessi