Au théâtre régional, Mahieddine Bachtarzi, la pièce théâtrale Law kounta falestinian (Si tu étais Palestinien) de Abbas Mohamed Islam n’a pas échappé à cette tendance prétentieuse à vouloir « mouler » l’esprit des spectateurs dans un bocal où l’ont veut tout mettre.
La morale pousse la politique et la politique donne des coups de pied à la morale et ainsi de suite. Du déjà entendu, vu, corrigé et consommé ! Rien de nouveau. Le prospectus gris-souris censé présenter la pièce suffit à lui seul à couper l’appétit au plus avide des spectateurs. Pièce mise sous le « patronage » de M’hamed Benguettaf, directeur du TNA. « Nous sommes avec la cause palestinienne. Un groupe de comédiens dans cette pièce confirme qu’il faut résister et ne jamais se livrer », écrit-il dans ce prospectus à la conception curieuse. Et ce n’est pas un manifeste idéologique, mais c’est tout comme. Le jeune metteur en scène, Abbas Mohamed Islam, en rajoute une couche : « Nous avons foi en la légitimité de la résistance pour défendre notre terre pure. » Aucune liberté ni aucune imagination ne sont laissées au public pour apprécier un travail supposé être artistique. On vous conditionne dès le départ !
Comme dans les anciennes écoles soviétiques, si vous n’êtes pas d’accord, quittez la salle. Inspiré d’un texte du dramaturge syrien, Mamdouh Oudouane, la pièce narre l’histoire d’une prise d’assaut par un groupe de résistants palestiniens d’un site archéologique où se trouve un chercheur israélien, Moshe, et sa compagne Sara. Les assaillants veulent obtenir la libération de détenus palestiniens en échange de la libération de leurs captifs. La scénographie, assurée par Hamza Djabballah, est réduite à sa plus simple expression : une maison en forme de grotte, un arbre qui ressemble à un olivier et des pierres. La discussion entre les uns et les autres tourne autour de la question palestinienne, de l’occupation israélienne et des souffrances des réfugiés palestiniens depuis 1948. Fatma et les deux autres résistants se déchirent parfois, symbolisant les divisions actuelles entre le Hamas et le Fatah. Dans la pièce, la cause du Hamas est plus défendue. A cause de l’agression de janvier 2009 contre Ghaza et son lot de victimes ? Possible.
Les régimes arabes sont critiqués pour leur lâcheté. Fatma meurt et dit : « N’oubliez pas l’arabité d’El Qods. » Mais El Qods n’est-elle pas une ville symbole pour tous les musulmans y compris les non-Arabes ? « Si tu étais palestinien qu’aurais-tu fait ? S’ils t’auraient vendu et offert, chassé et exilé, forcé d’embrasser la main du tueur, celui qui a dépecé le corps de tes enfants… », dit le chef des résistants. Mais qui ne connaît pas cette situation ? Et pourquoi cette inclinaison à vouloir tout justifier ? Est-ce là le rôle du théâtre contemporain ? Les comédiens ont été presque forcés à hausser la voix en tirant un peu trop sur les cordes.
Il est peut-être bon de crier sur les planches, mais il faut le faire quand le jeu de scène l’exige. Pourtant, la pièce a été soumise à une lecture critique de Ibrahim Noual et de Mohamed Boukras, des connaisseurs du 4e art. N’ont-ils pas détecté les failles ? Côté musique, l’air de la neuvième symphonie de Beethoven cadrait mal avec le récit fait par Sara sur le siège de Stalingrade de 1942. Cela dit, les jeunes comédiens Khalil Aoun, Wael Bouzida, Imane Zimani, Souad Cheikh Djaousti, Amir Frik, Toufik Rabhi et Yessad Abdelnour se sont débrouillés, comme ils le pouvaient, pour sauver la pièce du naufrage. Ils méritaient les applaudissements assez nourris du public à la fin du spectacle.