Loin de susciter quelques intérêts auprès de l’opinion publique, beaucoup plus préoccupée par la hausse des prix, rejetée par l’opposition et dénoncée par la diaspora, la nouvelle Constitution que s’apprête à adopter le Parlement trouve cependant ses hérauts. C’est le cas de Souilah Boudjemaâ, docteur en droit et avocat agréé près la Cour suprême et le Conseil d’État, invité hier du Forum du quotidien gouvernemental El Moudjahid où, durant plus d’une heure, il s’est évertué à démontrer les bienfaits de la nouvelle mouture. À l’inverse d’une idée assez répandue, notamment auprès de l’opposition qui s’interroge sur l’opportunité de la révision, au regard des multiples défis qui se posent à l’Algérie, et dans laquelle elle y voit les balises pour la succession à Bouteflika, Boudjemaâ Souilah, en revanche, soutient que la nouvelle Constitution n’est pas “taillée sur mesure pour une personne”. “Cette Constitution n’est pas du Coran. Elle a beaucoup de bienfaits. S’il y a des choses à parfaire ou à changer, il y a le travail à l’avenir. Ce qui est valable aujourd’hui peut ne pas l’être demain. C’est une Constitution qui émane de la société, elle s’inscrit dans le cadre des réformes”, a-t-il plaidé lors d’une conférence sous le titre : “Le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire dans l’avant-projet de révision de la Constitution”. Même si la nouvelle mouture y fait référence, cet avocat estime que la séparation effective des pouvoirs relève d’abord des institutions elles-mêmes, lesquelles sont appelées à jouer leur rôle sans que l’une “n’obéisse à l’autre”, dans une allusion au rôle dévolu, jusque-là, à la Chambre basse du Parlement. “La séparation des pouvoirs, c’est aux institutions des les organiser. Chaque institution doit assumer ses prérogatives. Le Parlement doit utiliser ses prérogatives sans obéir à l’Exécutif”, soutient-il.
Selon lui, la parité de l’accès à l’emploi, la dépénalisation du délit de presse, de l’acte de gestion, les dispositions relatives à la justice sont des “acquis”. “Les droits des citoyens sont défendus dans la nouvelle Constitution”, dit-il. Aux contradicteurs et autres détracteurs du nouveau texte, Boudjemaâ Souilah estime “qu’on ne peut pas construire un État de droit en un temps court”. “C’est une question de pratiques, de culture et de respect de la loi. L’État de droit signifie que les gens sont égaux devant la loi”, assure-t-il. Alors qu’il a suscité un tollé, notamment auprès de notre communauté à l’étranger, l’article 51 qui stipule que “la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’État et aux fonctions politiques” ou encore l’article 73 qui fixe les critères pour être éligible à la présidence de la République constituent, selon l’avocat, “des balises”. “La situation du pays impose d’avoir une vision prospective. On n’a pas connu le Printemps arabe, mais on doit être vigilant”, dit-il, reprenant à son compte, à des nuances près, l’argument d’Ahmed Ouyahia.
“Celui qui ouvre sa gueule aujourd’hui est responsable”
Tout en défendant l’idée que la Constitution est amendable, à chaque fois que la conjoncture l’exige, Souilah Boudjemaâ, évoquant la “tragédie” (je refuse, dit-il, de parler de décennie noire), soutient que l’ouverture à la fin des années 80 n’était pas sur “une terre fertile”. C’est pourquoi, il critique ceux qui évoquent cette période, dans une allusion à peine voilée à l’ex-ministre de la Défense, Khaled Nezzar. “Ne grattez pas, laissez la situation… le peuple veut la paix. Celui qui ouvre aujourd’hui sa gueule est responsable au plan interne et externe.”