Ce qui fait monter, depuis quelques semaines, la tension entre la direction de l’école et le collectif des enseignants.
En effet, l’annonce, début janvier dernier, de la création de l’Ecole préparatoire en sciences et techniques a soulevé une vive polémique.
Les enseignants affirment qu’il y a volonté de fermer le département des sciences fondamentales et crient au scandale. La direction, quant elle, tente de rassurer.
Mais le ministère de l’Enseignement supérieur semble aller résolument vers la mise en œuvre du projet. En tout cas, le lancement de l’Ecole préparatoire en sciences et techniques est prévu pour la rentrée prochaine (2009-2010).
L’avenir du département des sciences fondamentales (le tronc commun) de l’ENP demeure incertain. Ce dernier continuera-t-il à exister ? Sera-t-il supprimé ?
Il est aujourd’hui quasi certain que le département en question ne survivra pas pour longtemps. « A la rentrée universitaire prochaine, il y aura ouverture de l’Ecole préparatoire.
De ce fait, le département des sciences fondamentales fonctionnera pendant deux années supplémentaires avant sa fermeture.
Pour l’année 2009-2010, le département accueillera deux sections de 2e année et une section de 1re année de 100 étudiants au maximum ; cette dernière sera réservée uniquement aux recalés de l’année qui vient de s’achever.
A la rentrée de l’exercice 2010-2011, le département n’accueillera qu’une section des étudiants en 2e année.
En d’autres termes, à l’issue de ces deux années, le département serait tout simplement mis à mort », précise le collectif des enseignants. Les nouveaux bacheliers, ajoute-t-on, ne seront plus accueillis dans l’école.
« Un projet ficelé en catimini »
Les enseignants semblent surpris par la décision de la suppression dudit département. Ils affirment qu’ils ne l’ont appris que récemment, après la publication de la circulaire ministérielle du 8 juin 2009.
Cette dernière confirme clairement l’intention de supprimer le tronc commun au niveau de l’ENP.
Dans la page 2 de ce document, il est précisé que les nouveaux bacheliers ne peuvent plus choisir l’ENP dans leur fiche de vœux. L’école n’y figurera pas.
« Au titre de la rentrée universitaire 2009-2010, les titulaires du baccalauréat souhaitant poursuivre leurs études dans une école nationale supérieure doivent : postuler à une réinscription en classes préparatoires ; être sélectionnés parmi les candidats aux classes préparatoires et avoir réussi au concours d’accès aux grandes écoles après deux années d’études préparatoires », lit-on dans ladite circulaire.
La démarche ne veut pas dire autre chose que la boucle est donc bouclée et que le sort du département de sciences fondamentales est définitivement scellé. Les enseignants sont abasourdis.
Ils n’arrivent pas à comprendre comment une telle décision a été prise sans leur avis sur le sujet.
Pourtant, le ministère de l’Enseignement supérieur les avait sollicités pour élaborer les programmes des écoles préparatoires qui devaient être créées. C’était en 2005.
« Nous avons contribué à l’élaboration des programmes des écoles préparatoires. Nous pensions que celles-ci viendraient pour soutenir les écoles existantes. Personne ne nous a informés de cette décision de suppression du cycle préparatoire au niveau de l’ENP », précise le collectif des enseignants.
Selon eux, ce n’est qu’en 2007 que les objectifs ont été précisés. Alors que les enseignants croyaient que les écoles préparatoires fonctionneraient en parallèle avec les cycles préparatoires intégrés existants, ils ont été surpris d’entendre que ces derniers allaient disparaître.
« Au début, on s’est dit que c’étaient de simples rumeurs. Mais nous nous sommes trompés, car en juillet 2007, la tutelle nous a convoqués à une réunion d’urgence pour nous parler du projet et nous demander de faire des propositions », disent-ils.
Une année plus tard, en juin 2008, les choses ont commencé à se préciser. « La directrice de l’école nous a réunis pour nous nous dire : je milite et je soutiens votre proposition concernant le maintien du cycle préparatoire », ajoutent-ils.
Les contestataires accusent également la directrice de l’ENP d’entretenir le flou autour de cette décision. « Elle nous disait tantôt « rien n’est officiel », tantôt « votre inquiétude est démesurée » », lancent-ils.
Ce n’était finalement qu’une diversion. Et ce qui devait arriver arriva. Depuis mars dernier, la situation est devenue de plus en plus claire pour les enseignants.
Les réunions successives auxquelles ils ont été conviés par des représentants du ministère leur ont permis de comprendre que la vie du département était en sursis.
Il sera sacrifié sur l’autel de la coopération algéro-française, puisque les écoles préparatoires vont être créées dans ce cadre.
« Les représentants du ministère faisaient l’éloge des écoles préparatoires et nous parlaient du sujet comme si nous étions au courant de tout ce qui se préparait. Nous ne savions pas grand-chose », enchaînent-ils.
Sera-t-elle fermée ou pas ?
Alors que la circulaire ministérielle est plus explicite, la direction de l’ENP tente toujours de rassurer.
Rencontrés mardi 30 juillet 2009 au niveau de l’école, la directrice et deux responsables rejettent, en bloc, tout ce qui a été soulevé par les enseignants.
« Il n’existe aucun texte qui dit que le département des sciences fondamentales va disparaître », tranche la directrice. La circulaire qui fait peur aux enseignants, ajoute-t-elle, est annuelle.
« Elle peut être modifiée et améliorée », explique-t-elle. A la question de savoir si l’ENP recevra l’année prochaine des nouveaux bacheliers, elle répond qu’elle « n’en sait rien pour le moment ».
Revenant sur la levée des boucliers survenue suite à l’annonce de la création d’une école préparatoire, les responsables de la direction soulignent qu’ils ne comprennent pas l’inquiétude des enseignants.
L’Ecole polytechnique, indiquent-ils, a toujours reçu des étudiants en troisième année dans le cadre du régime mixte.
« Nous recevons des étudiants de l’ENPEI en troisième année. Cela n’a jamais posé problème », soutiennent-ils. Précisant que les décisions relatives à la création des écoles préparatoires relève du ressort de la tutelle, la directrice tient à rassurer que « l’Ecole polytechnique ne disparaîtra pas ».
Notre interlocutrice a également à précisé que les enseignants, contrairement à leurs affirmations, étaient au courant de tous les détails de ce projet.
« Le lancement de l’Ecole préparatoire était prévu en 2007 avant d’être reporté. En 2008 également, le projet a été ajourné. Les enseignants ne peuvent pas prétendre qu’ils n’étaient pas au courant de l’ouverture de cette école », rétorque-t-elle.
Les enseignants affirment, eux, qu’outre les rumeurs qui circulaient sur ladite « réforme », ils ont eu connaissance de tous les détails sur le site internet de l’ambassade de France à Alger avant que les services de celle-ci ne retirent les documents en question.
Silence officiel !
Considérant que la suppression du département des sciences fondamentales constitue une menace pour la qualité de la formation et de l’encadrement, le collectif des enseignants a saisi les hautes autorités.
Une première lettre a été envoyée, le 17 mars 2009, au ministre de l’Enseignement supérieur. Mais ce dernier n’a donné aucune réponse à leurs doléances.
Les contestataires ont été contraints de taper à la porte d’en haut ; ils ont adressé alors un volumineux dossier au chef de l’Etat.
C’était le 26 avril 2009. Depuis, ils n’ont reçu aucune réponse. Une façon de leur signifier que la caravane passera quand même…
Aujourd’hui, les enseignants se montrent déterminés à poursuivre la mobilisation. Ils refusent toujours de délibérer.
« Hier (mardi, ndlr) la direction a convoqué un conseil d’école et a commencé à délibérer à la place des enseignants. C’est une première dans l’histoire », s’indigne une enseignante.
L’Ecole polytechnique est à la croisée des chemins. Quel sera son avenir ?