C’est lors de la tripartite tenue les 3 et 4 mars 2005 que les partenaires sociaux ont décidé de revisiter le code du travail, celui en vigueur étant jugé quelque peu obsolète dans certaines de ses dispositions. Aussi, une commission tripartite (gouvernement, UGTA, patronat) a été mise en place avec pour missions de faire des propositions d’amendements tout en assemblant les quatre lois (relations de travail, exercice du droit syndical, règlement des conflits collectifs et l’exercice du droit de grève, règlement des conflits individuels de travail) en un seul texte qui portera l’appellation de « Code du travail ».
L’ex-ministre du Travail, de la sécurité sociale et de l’emploi, Tayeb Louh avait alors affirmé à la presse, à chaque fois qu’il en avait l’occasion que le texte allait être présenté au Parlement au plus tard en décembre 2006. Mais il n’en fut rien. Des désaccords de fond sont apparus entre les partenaires sociaux à propos de certaines dispositions. Ce n’est que huit ans plus tard que l’avant-projet de loi a été sorti des tiroirs du ministère dirigé présentement par Mohamed El Ghazi.
L’Éconews a obtenu une copie du document qui, faut-il le souligner, n’a pas encore fait l’objet d’examen ni par le conseil du gouvernement ni par le conseil des ministres. Il livre à ses lecteurs, en exclusivité l’essentiel des changements proposés. Avec cette précision que d’ores et déjà la Centrale syndicale grince des dents et a l’intention d’exprimer ses réserves sur certaines parties du code, ses propositions n’ayant pas été prises en considération.
Le document se décline en 8 livres avec 630 articles, 26 titres, 66 chapitres et 79 sections. Selon la note de présentation, l’avant-projet « répond aux évolutions économiques (…) et vise comme objectifs d’assurer aux partenaires sociaux, au niveau de l’entreprise ou en dehors de celle-ci, plus de transparence dans la prise en charge des problèmes socioprofessionnels dans un climat plus serein tout en assurant un équilibre entre les intérêts des travailleurs et ceux des employeurs (…).
Pas plus de 3 CDD successifs
Quant au fond, l’avant-projet de code du travail, prévoit dans le volet « contrat» que la relation de travail « prend naissance par le contrat de travail écrit ou non écrit conclu par les deux parties (…). En tout état de cause, elle existe du seul fait de travailler pour le compte d’un employeur ». C’est cette dernière phrase qui a été introduite dans l’article 19. Avec en prime l’introduction de l’obligation de rédiger le contrat de travail en langue arabe.
Le document envisage de limiter le recours abusif aux contrats à durée déterminée (CDD) dans les cas déjà prévus par la loi. Ainsi ils ne sauraient dépasser plus de trois renouvellements successifs. Dans ce sens le texte élargit le champ des cas concerné par les CDD. Comme l’exécution d’un contrat lié à des contrats de travaux ou de prestations non renouvelables, le démarrage d’activités nouvelles de production de biens ou de services, l’accomplissement de travaux urgents nécessités par des opérations de sauvetage, de réparation ou pour prévenir des risques potentiels dans l’entreprise.
Concernant le travail de nuit la nouveauté consiste en son interdiction pour les travailleurs et apprentis de l’un ou de l’autre sexe âgés de moins de 18 ans. Alors que dans loi en vigueur l’âge est limité à ceux de moins de 19 ans.
Le travail des enfants encadré
Beaucoup d’encre et de salive ont coulé à propos de l’utilisation des enfants de moins de 16 ans dans des spots publicitaires, des films, enregistrements sonores, etc. Toutefois, le vide juridique aidant aucune mesure n’a été prise pour encadrer ce genre d’activités. L’avant-projet de loi fait obligation à l’employeur exerçant ce genre d’activité d’obtenir l’autorisation « écrite dument certifiée des parents ou à défaut du tuteur légal. Cela en sus de celle qu’il devra demander au wali territorialement compétent avec la transmission d’une copie à l’inspection du travail.
En revanche la nouvelle mouture autorise l’occupation pour ces activités des enfants de moins de six ans, même si cette occupation est limitée à deux jours par semaine. Quant aux revenus perçus au titre des dites activités ils sont versés pour 60% aux parents et pour 40% versés dans le compte épargne bloqué ouvert au nom de l’enfant.
Le harcèlement sexuel réprimé comme délit par l’article 341 bis du code pénal amendé en décembre 2006 fait son entrée dans l’avant-projet du code du travail. Ainsi est considéré comme nulle et sans effet aucun « toute mesure disciplinaire prononcée par un employeur en infraction liée au harcèlement sexuel. Toutefois, le texte ne fait pas mention du harcèlement moral.
Le droit de grève mieux contenu
Dans le volet obligations des travailleurs, outre celles déjà prévues par la législation en vigueur, l’accent est particulièrement mis, dans cet avant-projet, sur l’exercice du droit de grève qui devient de plus en plus canalisé. Ainsi, il sera désormais fait obligation aux travailleurs observant un mouvement de grève d’assurer le service minimum, de se soumettre à toute réquisition des autorités compétentes, de ne pas entraver la liberté de travail (qui sera considérée comme une faute professionnelle grave) pour les employés qui ne sont pas à l’arrêt.
Par ailleurs, les procédures de licenciement sont mieux encadrées en ce sens et à titre d’exemple, lorsque le travailleur est congédié alors qu’il n’a pas commis de faute grave, la révocation est considérée comme abusive et donne droit à une indemnité décidée par le juge allant de 6 à 24 mois. Lorsqu’il s’agit de la rupture anticipée du CDD par le fait du seul employeur et non justifiée par une faute grave, le travailleur bénéficie du paiement d’une compensation pécuniaire équivalente au salaire correspondant à la période de travail allant de la date de la rupture au terme du contrat.
D’autre part, la rupture unilatérale du contrat de travail est soumise à un préavis qui est d’un mois pour le personnel d’exécution, de deux mois pour les agents de maîtrise, techniciens et assimilés et de trois mois pour les cadres.
Au titre des devoirs des employeurs, il est envisagé qu’ils sont tenus de prendre toutes les mesures visant la préservation de la sécurité et la santé des travailleurs. Aux termes du document, d’autres obligations sont faites aux employeurs, à l’image de l’affichage, outre le règlement intérieur déjà prévu, des horaires de travail, des périodes de fermeture pour congé et les consignes de sécurité.
Les employeurs sont également tenus, dans le cas d’ouverture, fermeture ou de transfert d’entreprise, de chantier ou de tout lieu de travail, d’en informer dans un délai de quinze jours par voie d’une déclaration écrite l’inspection du travail.
Le contrat de sous-traitance règlementé
Aux termes d’un nouvel article (110) introduit dans l’avant-projet de code du travail, « un employeur dénommé entrepreneur principal peut conclure un contrat par écrit en vue de l’exécution de certains travaux ou de la fourniture de certains services avec un sous-traitant qui recrute lui-même la main-d’œuvre nécessaire à la réalisation desdits travaux ou prestations ».
Ce sous-traitant est tenu de respecter l’ensemble des dispositions du code du travail, mais aussi celles relatives à la sécurité sociale. Dans le cas de son insolvabilité, c’est la responsabilité de l’entrepreneur principal qui est engagée, particulièrement lorsqu’il s’agit du paiement des salaires, les congés payés, les indemnisations relatives aux accidents de travail et aux maladies professionnelles ainsi que les charges liées à la sécurité sociale. Le cas échéant, les employés et la CNAS seront en droit d’intenter une action à l’encontre de l’entrepreneur principal. La responsabilité de ce dernier est partagée avec le sous-traitant en matière de respect des dispositions règlementaires relatives aux conditions de travail, au travail des femmes et des enfants, au travail de nuit et à la sécurité sociale.
La charrue avant les bœufs ?
Le 24 février dernier, et dans un message adressé aux travailleurs à l’occasion de la double commémoration de la création de l’UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, le président de la République a annoncé sa décision d’abroger l’article 87 bis qui définit le calcul du SNMG. Il a été également décidé que ce sera la loi de finances pour 2015 qui prendra en charge cette préoccupation à travers l’introduction d’une disposition.
Une commission tripartite devra par la suite se pencher sur la redéfinition du salaire national minimum garanti qui, dans l’esprit de l’UGTA n’a pas d’autre définition que celle du salaire de base. Mais à aucun moment il n’était question que la détermination du SNMG ne soit pris en charge dans le code du travail.
Pourtant, dans l’avant-projet dont L’Éconews a obtenu une copie, il est clairement stipulé dans l’article 130 que « le salaire national minimum garanti comprend le salaire de base ainsi que les primes liées à la productivité, au rendement et aux résultats du travail. Les primes et indemnités exclues du contenu du salaire national minimum garanti seront définies par voie règlementaire. » Le ministère du Travail a-t-il mis la charrue avant les bœufs ?
Faouzia Ababsa