C’est une visite et non des moindres qui contrarie tous les plans de Bouteflika sur la crise malienne. Alors que la France incite à une intervention militaire dans la région pour neutraliser Al Qaïda au Maghreb islamique, le locataire d’El Mouradia « dialogue » avec les islamistes armés d’Ansar Eddine et du Mouvement pour l’unité et le Jihad de l’Afrique de l’ouest (Mujao) affiliés à Al Qaïda, qualifiés de « barbares » par Laurent Fabius.
Laurent Fabius hier à Alger avec son homologue, Mourad Medelci
Le Président de la République française, François Hollande, n’a pas mâché ses mots sur le situation de tous les dangers qui prévaut actuellement au Mali : il faut neutraliser Al Qaïda au Maghreb islamique avant tout par une intervention armée d’abord africaine.
C’est instruit de ce principe, que Laurent Fabius, son ministre des Affaires étrangères, est arrivé à Alger pour cette délicate mais ferme mission : faire abandonner à Alger sa voie de dialogue engagée par Bouteflika en vue de trouver une voie politique « négociée » au Mali. Dès son arrivée à Alger ce dimanche, accueilli par son homologue algérien, Mourad Medelci, Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré : « (…) Nous allons mettre en application un mot qui est très important pour l’Algérie et la France, c’est l’amitié ». Cette visite, pourtant, intervient, dans des rapports tendus entre l’Algérie et la France en ce double cinquantenaire de la signature des accords d’Evian et de la proclamation de l’indépendance. La France n’a pas été invitée aux commémorations du cinquantenaire comme si sa présence, en tant qu’ex-puissance coloniale, allait compromettre cet anniversaire.
Ces tensions ont été également ravivées par une levée de boucliers des autorités algériennes contre la fameuse loi sur la « colonisation positive » sous le Président Sarkozy qui a soulevé un tollé d’indignation de par et d’autre des deux rives et mis Alger sur les dents, appelant la France à la repentance, à faire un mea culpa, condition préalable à tout dégel de ces tensions dues à un contentieux d’Histoire qui est pourtant aux antipodes des relations économiques privilégiées entre les deux pays.
A cette brouille du passé qui mine de manière épisodique les liens politiques algéro-français, s’ajoute, plus qu’en toile de fond, le dossier brûlant de la situation du Mali pour laquelle l’Algérie ne démord pas d’une solution par la voie diplomatique aux contours ambiguës. Sur ce sujet précis qui ne manquera pas d’être au centre de la discusion qu’aura, aujourd’hui, lundi, Laurent Fabius avec le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, François Hollande, dans son interview télévisée, tradition réhabilitée, marquant les festivités du 14 juillet, a donné le ton, un ton qui semble prendre de court toute la politique de recherche d’une solution politique « négociée » avec les « différentes parties » de la crise malienne. En effet, le président de la République française a été ferme sur un fait : Al Qaïda au Maghreb islamique ne saurait être un partenaire du dialogue via les deux groupes terroristes qui lui sont affiliés Ansar Eddine et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao). C’est, a insisté François Hollande, une menace qui risque d’embraser toute l’Afrique et le monde occidental et contre laquelle il n’y a pas d’autre choix que de la combattre, la neutraliser par les armes comme le fait, du reste l’ANP en Algérie ou les forces coalisées en Afghanistan.
Pour ce faire, a indiqué François Hollande, il revient avant tout à l’Afrique d’assumer cette réalité du danger du terrorisme islamiste, d’y faire face et de décider quand et comment engager une action militaire contre Al Qaïda au Maghreb islamique non seulement pour libérer le Nord du Mali mais aussi et surtout éviter que l’Afrique subsaharienne et le Maghreb dans leur ensemble ne deviennent des poudrières dans un contexte de révolutions arabes qui ont porté les islamistes au pouvoir. Laurent Fabius tentera donc avec toute la diplomatie qu’il veut asseoir sur ce maitre mot d’ »amitié » d’amener l’Algérie à cette exigence incontournable d’une intervention militaire au Mali. D’ailleurs, vendredi dernier, s’exprimant sur la situation chaotique qui prévaut au Nord du Mali, Laurent Fabius a eu ces propos sur Europe 1 : « Nous avons eu l’Afghanistan, il ne faut pas qu’il y ait de Sahelistan (…) Ça menace non seulement le Mali, qui doit retrouver toute son intégrité, mais toute la région (…) Il faut que la légalité constitutionnelle soit rétablie dans le Sud, il faut que les Africains se rassemblent pour préparer un certain nombre de forces de sécurité. Il faut que le moment venu au Nord on dégage Aqmi, d’autant que nous avons des otages (…) Nous voulons assurer l’intégrité du Mali et lutter contre le terrorisme » . Il a qualifié les islamistes d’Al Qaïda de « barbares » qui « décapitent des gens, violent des femmes, détruisent (…) des monuments, des mausolées ».
Ainsi, l’exigence de Paris neutralise la voie diplomatique réitérée par l’Algérie et cette visite de Laurent Fabius est sans doute un camouflet, voire un coup d’éventail pour Bouteflika qui a reçu le groupe terroriste « barbare » d’Ansar Eddine à Alger au mépris de la lutte antiterroriste engagée par son armée sur le « front intérieur ». Le dossier malien est en ce sens intimement lié à celui du contentieux historique dans la mesure où, la nécessité de neutraliser Al Qaïda au Maghreb islamique par une intervention militaire au Mali et dans toute la région du Sahel, de l’Afrique et de l’Occident est un gage d’avenir pour les deux pays et du monde moderne, le vrai « traité d’amitié » car, dans un nouveau contexte géopolitique dominé par la menace du terrorisme islamiste auquel la « guerre des mémoires » ouvre autant de brèches à Al Qaïda au Maghreb islamique.
R.N