L’article 87 bis de la loi 90-11 d’avril 1990 attend son abrogation depuis 2011, Le gouvernement a-t-il fait marche arrière ?

L’article 87 bis de la loi 90-11 d’avril 1990 attend son abrogation depuis 2011, Le gouvernement a-t-il fait marche arrière ?

L’abrogation de l’article 87 bis de la loi 90-11 d’avril 1990 relatif aux relations de travail annoncée depuis plus de deux années, aussi bien par le ministre du Travail que par le secrétaire général de l’UGTA, tarde à intervenir. La suppression de la disposition signifie tout simplement que le SNMG sera de 18 000 DA net sans les primes.

L’article 87 bis stipule que “le salaire national minimum garanti, prévu par l’article 87 ci-dessus, comprend le salaire de base, les indemnités et primes de toute nature, à l’exclusion des indemnités versées au titre de remboursement de frais engagés par le travailleur”. Et les travailleurs commencent à s’interroger sur les tergiversations des pouvoirs publics à appliquer cette décision entérinée lors de la dernière tripartite. Le groupe chargé de remettre un dossier sur les incidences financières a pourtant terminé ses travaux en présentant plusieurs variantes concernant la révision de cet article. À moins que l’impact financier estimé, selon des sources syndicales, à plus de 495 milliards de dinars et la peur que des entreprises ne peuvent supporter l’incident financier commencent à donner à réfléchir aux différents responsables concernés, qui parlent désormais de “révision” du 87 bis, ou encore de “variantes” et non de “suppression” du 87 bis. Pourtant le ministre du Travail,Tayeb Louh, a été le premier à annoncer “la fin du 87 bis”, synonyme “d’entassement des salaires”, suivi par le secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi-Saïd, qui avait affirmé, lui aussi, que le 87 bis “Allah yarhmou” (que Dieu ait son âme). Une année après ces déclarations, le 87 bis est toujours là vivant et il semble qu’il a encore de beaux jours devant lui. Où trouver l’argent pour compenser l’incident financier chez certaines entreprises publiques ? C’est le tracas du gouvernement qui sait très bien que de nombreuses entreprises sont incapables de dégager les sommes nécessaires pour assurer ces augmentations avec la disparition du 87 bis, d’où l’apparition d’autres variantes retenues par le groupe de travail pour alléger cet impact. Comme par exemple l’alignement du SNMG sur le traitement de base plus l’IEP (Indemnité d’expérience professionnelle). Une formule qui risque de compliquer plus la situation puisqu’elle va pénaliser les travailleurs qui cumulent plusieurs années d’expérience, selon M. Messaoudi, secrétaire général de l’union locale UGTA de Rouiba. Celui-ci s’interroge, par ailleurs, sur les atermoiements du gouvernement à abroger carrément le 87 bis et rendre justice à des milliers de travailleurs laminés par le pouvoir d’achat au lieu de nous parler de “variantes”, précise-t-il. “Le 87 bis va régler surtout le problème des travailleurs des corps communs et ceux du secteur privé qui souffrent de beaucoup d’injustice en matière de salaires”, affirme M. Messaoudi.

Selon nos informations, les conclusions rendues par le groupe de travail chargé de l’évaluation de l’impact financier n’auraient pas fait l’unanimité au sein de l’ancien gouvernement d’Ahmed Ouyahia. Certains ministres auraient même exprimé leurs doutes sur la capacité de certaines entreprises à supporter les coûts générés par cette abrogation, selon de sources syndicales. L’exemple de l’entreprise Cosider dont la masse salariale globale augmentera de plus de 38,69% avec l’abrogation du 87, selon un document de l’UGTA. Si, au niveau de cette importante entreprise publique, cet impact pourrait être supportable chez la plupart des autres entreprises, les choses seront compliquées si l’État n’intervient pas. Comme c’est le cas chez le groupe avicole de l’Ouest, Oravio, qui emploie plus de 2 000 travailleurs et dont la masse salariale augmentera de plus de 20%, soit

17 693 680 90 da en plus par rapport à la présente masse salariale si le 87 bis est abrogé. L’on sait que ce groupe n’arrive même pas à assurer la rénovation de ses équipements et installations.

Ce n’est que récemment qu’il a bénéficié d’une enveloppe de 324 milliards de centimes débloquée par le comité de participation de l’État pour assurer cette mise à niveau. À Sonelgaz, la masse salariale, qui est de 42 951 095 DA, passera à

52 829 846 DA, soit une augmentation de 23%, alors qu’à la SNVI la masse salariale augmentera de plus de 12%.

Au niveau du secteur privé, qui a toujours affiché une crainte pour revaloriser les salaires et où la plupart des travailleurs perçoivent de bas salaires, l’abrogation du 87 bis sera considérée comme “un rétablissement d’un droit” pour les travailleurs de ce secteur, estime M. Messaoudi. Dans le secteur de la Fonction publique, l’indexation du SNMG sur le traitement de base induira une incidence financière évaluée à plus de 40 milliards de DA et concernerait plus de 668 894 fonctionnaires.

“Il demeure évident que toute évolution du SNMG induirait une augmentation des effectifs des fonctionnaires et agents contractuels concernés ainsi qu’une incidence financière en résultant”, note un rapport de l’UGTA. Pour ce qui est de l’autre hypothèse retenue, soit l’alignement du salaire de base plus l’IEP, l’incidence financière annuelle serait de 48 290 755 599 da, soit une augmentation de 36% et elle concernerait plus de 700 000 fonctionnaires. Évidemment, cette hypothèse est d’ores et déjà rejetée par les syndicalistes de la base. Reste à savoir quelle sera la position de la Centrale syndicale face aux différentes variantes proposées par le groupe de travail. “Nous sommes à la phase technique de l’opération car elle nécessite du temps et de l’argent”, a indiqué, il y a quelques mois, Sidi-Saïd donnant l’exemple du cas des 65 000 travailleurs des corps communs dont les salaires vont passer de 9 000 DA à 18 000 DA. “Il n’y a pas de blocage de la part des autorités, mais il faut évaluer le coût de l’opération qui va avoir sûrement des retombées financières”, expliqué le responsable de l’UGTA. Ce n’est pas l’avis du ministre du Travail qui parle de “redéfinition” du contenu du SNMG et non de son abrogation. “Il faut attendre l’achèvement des travaux du groupe de travail pour évaluer l’impact de chaque variante et retenir la mieux indiquée à la situation économique et sociale du pays”, a répondu, il y a quelques mois, Tayeb Louh à nos confrères de la Chaîne III. En clair, le ministre n’écarte pas la possibilité de retenir la variante la plus redoutée par les syndicalistes et les travailleurs qui consiste à aligner le SNMG sur le traitement de base plus l’IEP. “Si cette proposition est acceptée, la mort (le 87 bis) sera ressuscitée avec, en plus, beaucoup de discrimination entre nouveaux et anciens travailleurs”, estime le SG de l’union locale de Rouiba qui ne croit pas à une importante incidence financière. “D’autant plus que les dernières augmentations des salaires du secteur de la Fonction publique et du secteur économique public sont devenues caduques à cause de l’inflation importée et des spéculations sur le marché”, ajoute-t-il.

Autre mesure qui tarde à intervenir pour soulager le pouvoir d’achat des travailleurs et des retraités concernent l’IRG dont la disposition actuelle du barème de cet impôt est incohérente du fait que les écarts de tranches et de taux ne sont pas harmonieux. Bien qu’elle ne coûte rien aux entreprises ni au budget de l’État, aucune mesure n’a été prise en ce qui concerne le réaménagement de cet impôt. Les propositions faites par l’UGTA lors de la dernière tripartite sont restées lettre morte, malgré les assurances faites par ses représentants qui avaient souligné dans leur rapport que “l’impact financier sur le budget de l’état qui sera induit par ce réaménagement, il est de nul effet sur les augmentations de salaires qui ont occasionné un rendement supplémentaire de l’IRG, sera neutralisé”.

Le même rapport note qu’“il est inadmissible qu’un commerçant, professionnel, artisan, ou petit industriel, réalisant des revenus nettement supérieurs aux salariés, payent un impôt égal, voire parfois moins que le salarié”.

M T