La crise irakienne est entrée dans une nouvelle phase, vendredi, avec l’implication militaire directe des États-Unis, qui ont effectué des frappes contre les positions des terroristes de l’État islamique (Daesh). Deux chasseurs bombardiers ont frappé en effet, vendredi vers 13h45 (10h45 GMT), une pièce d’artillerie mobile de l’Etat islamique (EI) qui avait visé des forces kurdes à Erbil.
Quelques heures plus tard, d’autres raids ont visé “des terroristes”, puis un convoi et un mortier près d’Erbil. Dans la nuit, l’aviation américaine a commencé par parachuter des vivres et de l’eau à destination des civils piégés dans les montagnes de Sinjar.
Cette opération a été poursuivie dans la nuit de vendredi à samedi en larguant à nouveau des vivres et de l’eau depuis trois avions-cargos escortés par deux chasseurs F/A-18, a annoncé le Pentagone. Mais la Maison-Blanche précise toutefois que cette opération était illimitée dans le temps, et exclut également tout envoi de troupes au sol ou d’engager “un conflit militaire prolongé”.
Cette intervention -la première depuis le retrait des troupes US d’Irak, en 2011-, qui intervient à la demande du Premier ministre irakien Nouri el Maliki, est de nature à opérer aux moins deux changements. A commencer par le sauvetage de plus de 200 000 Irakiens, issus des minorités yazidis et chrétiennes, poussés à l’exode car menacés d’un génocide certain, et de là, le stoppage de l’inexorable avancée des terroristes islamistes de l’EI, qui n’a cessé de gagner du terrain aux dépens de l’autorité centrale irakienne et du Kurdistan irakien. Elle est en outre favorablement accueillie par le chef de l’armée irakienne, Babaker Zebari, qui a d’ailleurs estimé que cet appui aérien allait permettre d’obtenir rapidement “d’énormes changements” sur le terrain.

Les officiers de l’armée irakienne, les peshmergas (Kurdes) et des experts américains travaillent ensemble pour déterminer les cibles qui seront appelées à s’étendre vers la région de Sinjar, à l’ouest de Mossoul et des opérations prévues dans “des villes irakiennes contrôlées par l’EI”. Plusieurs organisations et pays ont annoncé leur soutien à l’opération, notamment l’ONU qui cherche de son côté à établir un “corridor humanitaire” dans le nord de l’Irak pour permettre d’évacuer les civils menacés. La France s’est dit “prête à prendre toute sa part” dans l’aide aux populations civiles victimes des “exactions intolérables” de l’EI, tandis que le Royaume- Uni a annoncé des parachutages de vivres dans les prochaines 48 heures.
Sur le terrain, les terroristes de l’EI avaient encore enregistré une notable progression avec la prise de Qaraqosh, la plus grande ville chrétienne d’Irak, suivie de celle du barrage de Mossoul, le plus grand du pays, qui contrôle l’alimentation en eau et en électricité de toute la région. Les résultats ne se sont pas fait attendre, depuis dimanche, puisque des dizaines de milliers de personnes ont fui face à l’avancée des djihadistes, qui ne sont désormais qu’à une quarantaine de km d’Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan, allié de Washington. Une journaliste kurde de l’agence de presse Firat a, en outre, été tuée vendredi dans des combats dans le nord de l’Irak, ont rapporté des médias.
A.R./Agences
LE PRÉSIDENT OBAMA L’A DÉCLARÉ HIER: “L’opération militaire prendra du temps”
Le président américain, Barack Obama, n’a avancé, hier, aucun calendrier sur la durée des frappes aériennes américaines en Irak pour enrayer l’avancée des terroristes islamistes, soulignant qu’il faudrait du temps pour que le gouvernement irakien soit en mesure de faire face à la menace.
“Je ne vais pas donner de calendrier précis”, a lancé M. Obama au lendemain des premiers bombardements américains dans le nord du pays contre les combattants de l’État islamique (EI), réaffirmant une nouvelle fois que la mise en place d’un gouvernement crédible à Bagdad était un impératif. Il s’est dit confiant “dans le fait que nous pourrons empêcher l’État islamique d’aller dans les montagnes et de massacrer les gens qui se sont réfugiés là-bas”, même si mettre ensuite ces dizaines de milliers de personnes dans un endroit sûr sera compliqué d’un point de vue logistique.
“Le calendrier le plus important à mes yeux est celui qui permettra au gouvernement irakien d’être finalisé, car sans gouvernement irakien, il est très difficile pour les Irakiens de lutter contre l’EI”, a-t-il affirmé.
“Nous n’allons pas régler le problème en quelques semaines. Je pense que cela va prendre un certain temps”, a-t-il poursuivi, insistant sur la nécessité d’aboutir à un gouvernement “dans lequel le peuple irakien et l’armée irakienne ont confiance”. “Nous pouvons apporter notre aide sur ce point. Pour partie, ce que nous faisons en ce moment est de leur préserver un espace pour mener à bien ce nécessaire travail”, a-t-il expliqué. “Mais cela va être un projet à long terme”, a-t-il poursuivi. M. Obama, qui s’exprimait depuis la Maison-Blanche avant son départ en vacances dans le Massachusetts, a, une nouvelle fois, exclu l’envoi de troupes américaines au sol, évoquant “les leçons apprises” durant la “longue et coûteuse” guerre en Irak.
Le Conseil de sécurité a demandé à la communauté internationale de “soutenir le gouvernement irakien” face à la menace que fait peser l’avancée des terroristes dans le nord du pays. Mais combien de temps durera cette intervention militaire aérienne et quelles conséquences aura-t-elle sur la situation dans un Irak déstructuré et livré aux bandes rivales ?
Les Américains ont ouvert la boîte de Pandore en 1990, lorsqu’ils sont intervenus militairement pour libérer le Koweït des mains d’un Saddam Hussein trop envahissant dans une région qu’ils voulaient désormais redessiner à leur façon et en fonction des nouveaux intérêts que commandait l’après-guerre froide. L’Irak n’est plus ce qu’il était. Le Moyen- Orient aussi. Le Liban n’a pas d’État, la Syrie est réduite en cendres, l’Égypte est diminuée par l’effet d’un Qatar arriviste et Israël agit en colonisateur et exterminateur du peuple palestinien. C’est une situation des plus chaotiques qui annonce des lendemains très incertains dans la poudrière du Moyen-Orient.
Y. S.