Massacre à huis clos. Le dernier bilan établi dimanche par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW), basée à New York, fait état de 104 personnes tuées par les forces de sécurité dans le cadre d’un mouvement de contestation sans précédent contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
Selon le quotidien britannique The Independent, deux cents personnes auraient trouvé la mort dans la capitale de la Cyrénaïque lors de la répression du mouvement de contestation qui s’inspire des récentes révolutions tunisienne et égyptienne.
Le gouvernement n’a fourni aucun bilan et n’a fait aucune déclaration officielle sur les manifestations.
Les journalistes interdits d’accès
Un médecin de Benghazi, cité par la chaîne de télévision Al Djazira, a indiqué que son hôpital avait reçu quinze cadavres et prodiguait des soins à des centaines de blessés. « Des dizaines de personnes ont été tuées (…) pas 15, des dizaines. Nous sommes au milieu d’un massacre ici », a déclaré pour sa part un témoin à Al Djazira, ajoutant qu’il avait aidé à transférer des victimes dans un hôpital local.
Il est difficile de confirmer de source indépendante les témoignages. Les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à se rendre dans le pays depuis le début des violences et les reporters libyens ne peuvent pas aller à Benghazi.
Internet coupé
Les liaisons téléphoniques sont fréquemment coupées et l’accès à Internet est bloqué, selon une société américaine de surveillance du réseau.
« Kadhafi va voir du mal à faire des concessions pour survivre. Je pense que l’attitude du régime libyen, c’est tout ou rien », a estimé Sir Richard Dalton, ancien ambassadeur britannique en Libye.
Selon le journal Kourina, proche d’un des fils de Kadhafi et dont le siège est à Benghazi, 24 personnes ont été tuées dans les violences de vendredi.
Le journal ajoute que les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur des manifestants qui attaquaient le quartier général de la police et une base militaire abritant un dépôt d’armes. « Les gardes ont été contraints de faire usage de leurs armes », écrit Kourina.
La situation hors de contrôle
Selon un témoin italien présent à Benghazi cité par l’agence de presse italienne Ansa, la situation « est complètement hors de contrôle ».
« Tous les bâtiments gouvernementaux et institutionnels et une banque ont été incendiés et des voyous saccagent et détruisent tout. Il n’y a personne dans les rues, pas même la police », a raconté le témoin qui a requis l’anonymat.
Le mouvement contre Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis septembre 1969, semble se transformer en véritable insurrection dans l’est du pays. Pour tenter de limiter les appels à la mobilisation via les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. Une vidéo d’un manifestant libyen qui se vidait de son sang, la cervelle éclatée, circule d’ailleurs à une vitesse vertigineuse sur le réseau Facebook.
Riposte foudroyante
Le procureur général a ordonné l’ouverture d’une «enquête» sur les violences et a appelé « à accélérer les procédures pour juger tous ceux qui sont coupables de mort ou de saccages».
Le colonel Kadhafi n’a toujours pas fait de déclaration officielle, mais les comités révolutionnaires, pilier du régime, ont promis vendredi aux «groupuscules» à l’origine des manifestations une riposte «foudroyante».
Parallèlement, les autorités libyennes ont annoncé avoir arrêté dans «certaines villes» des dizaines de ressortissants arabes appartenant à un «réseau» ayant pour mission de déstabiliser le pays, a rapporté l’agence de presse officielle libyenne Jana.
Les observateurs estiment que la situation en Libye est différente de celles en Tunisie et en Egypte. Kadhafi dispose d’une grande marge de manoeuvre financière pour répondre aux demandes des manifestants et son pouvoir est respecté dans l’ensemble du pays, à l’exception de la Cyrénaïque.