La déliquescence de la Libye, les tensions au Mali, le drame qui vient de toucher la Tunisie à nos frontières, la future carte géostratégique qui se dessine dans le monde, interpellent à plus d’un titre l’Algérie pour un front social interne et des stratégies d’adaptation, économiques, sociales et militaires. Les menaces qui pèsent sur les peuples et leurs Etats et les défis collectifs qui leur sont lancés doit donc amener l’Algérie à se doter d’une politique de défense, d’une politique extérieure et d’une politique socio-économique globale afin de répondre aux nouveaux enjeux.
Dans ce cadre, « l’Armée Nationale Populaire a pour mission permanente la sauvegarde de l’indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale. Elle est chargée d’assurer la défense de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays, ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine maritime ».(Article 25 de la Constitution algérienne). L’objet de cette contribution modeste que j’ai eu l’occasion de développer en détail dans des revues internationales est d’essayer brièvement d’y répondre en axant l’analyse sur les problèmes de défense et de sécurité
1. -Il en ressort que l’Algérie est une puissance militaire régionale et un pays incontournable dans la problématique de la sécurité au niveau du Sahel, du continent Afrique et d’une manière générale, un acteur important dans le contexte de la sécurité internationale en raison de son emplacement stratégique comme point de transit d’Afrique du Nord vers l’Europe. Les principaux moteurs de l’évolution du marché algérien de l’armement, de ces dernières années, sont la lutte contre le terrorisme. On ne doit pas oublier la récente attaque terroriste du complexe gazier d’In Amenas qui a contraint l’Etat algérien à des coûts additionnels en matière de sécurité. Cet accroissement de la dépense répond donc au souci de la professionnalisation autour des nouvelles technologies de ses effectifs en améliorant la formation selon les standards internationaux, la base étant la ressource humaine à l’instar de toute activité. Il est indéniable qu’un grand effort de formation est en train d’être réalisé au niveau tant de l’ANP, de la gendarmerie nationale que de la DGSN. Un exemple, outre l’Académie de Cherchell, l’Ecole militaire polytechnique (EMP) située dans la commune de Bordj El-Bahri, à une vingtaine de kilomètres à l’est d’Alger est un pôle d’excellence en matière des quatre disciplines scientifiques qui y sont enseignées et dans lesquelles des élèves en post-graduation mènent des travaux de recherche à la pointe de la technologie. Il est entendu que rentre dans ces dépenses surtout le remplacement de la plupart du matériel militaire obsolète pour l’acquisition de nouveaux équipements pour l’ armée de terre, la marine et les forces aériennes, sans compter des dépenses pour l’adaptation du renseignement aux nouvelles mutations tant internes que mondiales de ses forces de sécurité. Au niveau de la majorité des pays développés, il ne faut se faire d‘illusions, existe un réaménagement des forces armées face aux nouvelles exigences. Contrairement à certaines affirmations gratuites, il est reconnu que les grandes décisions tant politiques, économiques et militaires des grandes puissances, Barack Obama (USA), Vladimir Poutine (Russie), David Cameron (Grande bretagne), François Hollande France) se prennent suite aux rapports de la CIA, du FSB, du MI5 et de la DGSE. Le Ministry of State Security, en Chine, regroupant les missions de contre-espionnage et de renseignement extérieur a pour but affiché de soutenir l’effort économique du pays au sein de la Commission for Science, Technology and Industry for National Défense- COSTIND-mise en place dès 1982. Dans ce cadre, malgré la baisse relative des dépenses, il y a adaptation par le renforcement du renseignement, colonne vertébrale des corps armée, travaillant en symbiose, étant une même institution, tout pays détruisant ses services de renseignements ou ne les adaptant pas réduit ses capacités de faire face aux menaces. La récente expérience de écoutes téléphoniques des USA qui espionnent tout le monde (mais il ne faut pas s’en étonner, cela existe depuis que le monde est monde mais cette pratique connaît avec les nouvelles technologies une expansion planétaire), en est la démonstration. Aussi pour l’Algérie, il y a lieu de penser d’ores et déjà la cybercriminalité enjeu du XXème siècle. Certes, le risque des cyber-attaques en Algérie est actuellement minime car les services électroniques (e-commerce, e-santé et e-administration) sont encore quasiment inexistants, les institutions algériennes tant militaires que civiles n’étant pas encore orientées vers les transactions et autres services électroniques
2.-.L’Algérie qui partage des frontières terrestres avec ses 7 pays voisins : la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Maroc, le Niger, la Tunisie et le Sahara occidental pour un total de 6 343 km a déployé une véritable task-force pour sécuriser ses frontières pour faire face à l’instabilité chronique de l’autre côté des frontières et dont les événements récents confirment la continuelle aggravation et lui ont imposé des dépenses supplémentaires. A terme, avec la chute du cours des hydrocarbures, l’Algérie ne pourra supporter à elle seule toutes ces dépenses militaires, quitte à sacrifier son développement, devant aller impérativement vers une minimisation des coûts afin d ‘optimaliser l’effet dépense. Il existe un théorème en sciences politiques : 80% d’actions désordonnées que l’on voile souvent par de l’activisme source de surcoût ont un impact de 20% et 20% d’actions bien ciblées ont un impact sur 80%. L’analyse du professeur en stratégie à Harvard Michael Porter des « cinq forces », qui déterminent la structure concurrentielle d’une industrie de biens ou de services est source d’enseignement. Il distingue le pouvoir de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace des produits ou services de substitution, la menace d’entrants potentiels sur le marché et l’intensité de la rivalité entre les concurrents. Or en Algérie les différents acteurs ont un faible pouvoir de négociation du fournisseur et un fort pouvoir de négociation du client, alors que les barrières d’entrées sur le marché algérien tant des entreprises économiques que de l’armement sont élevées, pouvant occasionner des surcoûts et surtout des litiges internationaux du fait de la non maîtrise du droit des affaires. Devant distinguer stratégie et tactiques pour paraphraser le langage militaire, ces actions doivent donc s’inscrivent dans le cadre d’une organisation institutionnelle future en réseaux pour plus d’efficience, permise grâce aux nouvelles technologies. Aussi, les dépenses sécuritaires nécessaires, doivent être ciblées, devant distinguer le court et le moyen terme, optimalisées en termes d’efficience s’insérant dans le cadre d’une loi de programmation militaire sur cinq ans (y compris pour la DGSN). Mais si la sécurité est indispensable au développement, l’objectif est de ne pas réduire l’affectation des ressources financières au secteurs inducteurs de développement ce qui engendrerait inéluctablement un faible taux de croissance , donc un accroissement du taux de chômage et donc des tensions sociales internes facteur d’insécurité, devant donc trouver un équilibre entre les problèmes de sécurité et le développement interne. Dans ce cadre, l’industrie militaire à l’instar de ce qui se passe dans la majorité des pays développés peut contribuer au développement global. Des actions sont déjà lancées comme les projets de l’industrie mécanique lancés par l’Armée nationale populaire (ANP) en partenariat avec le géant allemand Daimler devant produire les premiers camions et bus Mercedes Benz de l’usine de Rouiba, le véhicule blindé “Nimr” pour le transport des troupes qui sera construit en Algérie, entre le Groupement pour la Promotion de l’Industrie Mécanique (GPIM) du ministère de la défense et le groupe émirati Tawazun dont on devra veiller à un taux d’intégration minimum 40/50%, n’existant nulle part dans le monde un taux d’intégration de 100%. Ces actions connues sous le nom « complexe militaro-industriel » ont dynamisé par le passé de l’économie sud coréenne et dynamise actuellement les firmes aux USA et de nombreux pays développés ou émergents mais rentrant dans le cadre des normes de rentabilité commerciale. Aussi l’objectif est de réduire cette importante dépense et donc la facture d’importation grâce à des co-partenariats internes ou des co-localisations, une balance devises positive et un transfert technologique et managérial revoyant toujours à la ressource humaine, pilier de tout processus de développement. Bon nombre de PMI-PME facteur de valeur ajoutée et de création d’emplois peuvent être créés. Selon un responsable militaire s’exprimant en marge de la deuxième édition de l’exposition « Mémoire et Réalisations », organisée par le ministère de la Défense nationale (propos rapporté par l’agence officielle APS du 05 juillet 2013), l’industrie militaire algérienne pourrait, dans un avenir proche, se substituer à l’importation.
En résumé, aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Les défis collectifs, anciens ou nouveaux sont également les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement, étant d’ordre local, régional et global. La résolution durable contre le terrorisme, menace planétaire, implique une refonte tant des relations internationales que de l’instauration d’un Etat de droit et de la démocratie tenant compte des anthropologies culturelles. L’Armée algérienne devra s’insérer dans le cadre de ce processus irréversible. Face à un monde en perpétuel mouvement, tant en matière de politique étrangère, économique que de défense, actions liées, avec les derniers événements aux frontières de l’Algérie, se posent l’urgence des stratégies d’adaptation et d’une coordination, internationale et régionale afin d’agir efficacement sur les événements majeurs. Ces nouveaux défis pour l’Algérie, sous segment du continent Afrique, dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eu à relever jusqu’à présent.
Par le Dr Abderrahmane MEBTOUL Professeur des universités, expert international- en management stratégique.