Larbi Ouahmad,Patron de Dekorex novoplast «Les salaires augmenteront parallèlement à la productivité»

Larbi Ouahmad,Patron de Dekorex novoplast «Les salaires augmenteront parallèlement à la productivité»
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«Les décisions prises sont insuffisantes pour relancer l’outil de production»

Larbi Ouahmad est le patron de Dekorex Novoplast situé à Rouiba. Il connaît bien le dossier de l’entreprise. Il pense que le climat des affaires a provoqué la fermeture d’environ 30.000 unités de production en 2011, engendrant la perte de milliers de postes de travail.



L’Expression: Le développement de la PME a été débattu lors de la dernière tripartite, estimez-vous que les décisions prises sont suffisantes pour booster cette composante de l’appareil de production?

Larbi Ouahmad: Les décisions prises sont, de mon point de vue, très insuffisantes pour espérer une véritable relance de l’outil de production et encore moins son développement alors que les problèmes de base constituant les fondements et la pérennité des PME n’ont pas été examinés, ni débattus en concertation avec les associations patronales. Les patrons des PME attendaient des solutions autrement plus énergiques sur le plan fiscal, social et économique. Sur le plan fiscal, il y a lieu de distingue les PME productives de celles activant dans l’importation. Le taux de la TVA devrait être réduit à 12% en faveur des entreprises créatrices d’emplois à l’effet d’améliorer la consommation, augmenter l’investissement et favoriser la création d’emplois. Aussi y a-t-il lieu d’aller vers la défiscalisation totale ou partielle, selon les régions, définir les activités à encourager par les pouvoirs public avec une feuille de route acceptée par tous les partenaires. Les autorités locales devraient, à ce titre, être davantage impliquées dans ce processus en promulguant, notamment, des textes de lois clairs et explicites. Un vrai dialogue social est de nature à déterminer les vraies bases de la redistribution de la richesse. Sur le plan social, il est à l’évidence, nécessaire de réaménager les textes législatifs du Code du travail permettant la création d’emplois par des facilitations, des conseils et la collaboration dans un cadre de complémentarité, le but étant d’accroître la production et de favoriser la stabilité qui constituent, vous en convenez, des facteurs incontournables de développement et de croissance. Dans ce cadre de complémentarité et de stabilité de l’emploi, découleront de fait des avantages en termes de formation et d’évolution de carrières. Dans ce contexte, la formation complémentaire est de nature à constituer un cadre d’encouragement pour l’intérêt économique national ainsi que la création d’unités de production adaptées aux différentes régions d’Algérie.

Et sur le plan économique?

Sur le plan économique on constate l’absence de visibilité essentiellement due à l’instabilité générée par les lois de finances complémentaires qui parfois se contredisent, nonobstant la mauvaise application des textes et les changements de décisions qui pénalisent forcément les PME et l’économie nationale. Les mesures prises lors de la dernière tripartite relatives au retraitement des dettes des entreprises en difficulté sur le long terme ne constituent pas une solution pour les PME concernées. Les conditions émises sont, de notre point de vue, draconiennes et le marché algérien devenu incertain du fait du régime économique actuel caractérisé, comme vous le savez, par beaucoup d’incohérences et l’existence d’un marché informel florissant avec tous les effets négatifs qu’il implique.

L’investissement dans un tel cadre n’est pas permis dix années durant, or, une entreprise qui n’investit pas ne peut être concurrentielle, ni se développer et encore moins assurer sa pérennité.

Les relations de partenariat avec l’étranger ne cessent de s’inviter au débat, comment évaluez-vous l’apport de ce segment dans la croissance de l’Algérie?

S’il y a visibilité économique, expansion et croissance des PME, le partenariat avec l’étranger sera demandeur, connaissant les atouts de l’Algérie, son large territoire, sa diversité et ses possibilités naturelles de développement. Pour ce faire, il est nécessaire de laisser entrevoir une lisibilité économique, de mettre en place des mesures fiscales et sociales attractives ainsi que des mesures fortes de nature à lever les obstacles bureaucratiques qui entravent le développement du partenariat. L’accès au crédit, la fluidité et la diligence dans les opérations bancaires, seraient de nature à encourager l’investissement sous toutes ses formes. Dans ce même esprit, la faisabilité de partenariat simple ou croisé serait un facteur de soutien à la formation et à l’accès aux nouvelles technologies.

Hormis l’économie, les employeurs publics et privés se penchent aussi régulièrement sur la situation du front social. Quel est votre point de vue sur ce sujet?

Il y a lieu de souligner un point fondamental: l’aspect social est prédominant dans la vie, le développement économique d’une entreprise et de son pays. Il passe, dans de nombreux cas, avant la ressource financière qui est aussi importante.

Malheureusement, certains textes d’ordre social n’offrent pas cette perception. Les textes régissant l’aspect social et économique n’encouragent pas la création d’emplois, pénalisent la production, l’économie nationale et, par conséquent, le travailleur. Cette situation s’explique en grande partie par l’absence de centres de formation professionnelle technique au moyen desquels les entreprises de production auraient pu, à mon sens, assurer des formations sur le tas autant que possible complétées par des stages à l’étranger. Créer des passerelles entres les universités et les entreprises serait également de nature à créer la stimulation, la stabilité et le dévouement à l’entreprise. Assurément, les salaires augmenteront du fait de l’augmentation de la productivité et de la qualité. Pour ce faire, il est évidemment attendu de l’Etat un geste favorable au moyen de réductions, ne serait-ce que d’une partie des charges patronales.

Le climat des affaires est souvent considéré comme inadéquat par les patrons. A quand une éclaircie?

Toute entreprise aspire à réaliser des bénéfices et à se développer, en espérant accroître ses parts de marché. La PME est confrontée à une multitude de contraintes tant fiscales, humaines, bureaucratiques, etc. qui rendent l’acte d’investir en Algérie aléatoire. Ce climat a provoqué la fermeture d’environ 30.000 unités de production en 2011, engendrant la perte de milliers de postes de travail. Ce séisme économique suivi d’un drame social a provoqué des inquiétudes légitimes pour le régime de croissance qui, aujourd’hui vous en convenez, ne va pas dans l’intérêt de l’économie nationale. A signaler le discours élitiste du Forum des chefs d’entreprise qui, faut-il le rappeler, ne représente en réalité que 250 adhérents sur 650.000 PME et s’éloigne des réalités existantes et de ses missions devant consister à défendre les intérêts moraux et matériels des entreprises de production génératrices de postes de travail et à prendre en charge les véritables problèmes posés, le but étant d’améliorer le climat économique qui prévaut dans notre pays et créer la confiance vis-à-vis des partenaires étrangers. L’Accord d’association avec l’Union européenne a montré ses limites après plusieurs années de mise en oeuvre qui n’a pas été, comme convenu, favorable aux entreprises de production nationales mais beaucoup plus à l’importation de produits finis.

Le Credoc a été allégé pour certaines opérations, quels effets attendez-vous de cette initiative?

Les entreprises productrices de valeur ajoutée et créatrices de postes de travail trouvent les dernières mesures relatives à l’allègement du Crédoc très insuffisantes pour le fonctionnement normal d’une activité et la LFC 2011 reste en deçà des préoccupations des opérateurs économiques, alors qu’il fallait rendre libres les transactions d’importation de matières premières, d’équipements et de pièces de rechange sans limite.

Aujourd’hui, on décide d’alléger le Crédoc par un différé de paiement à 59 jours de l’importation de matières premières limitée à 4 millions de DA par an. Cette limitation est à l’évidence insuffisante pour une entreprise qui dispose de plusieurs équipements, nonobstant la lourdeur des formalités et les délais de transit qui pénalisent les cycles de production. Je dirai qu’un système est un tout et non une partie d’un tout. Pour ne citer que ces raisons, nous préconisons un délai de 90 à 120 jours s’agissant de la formule de remise de crédit documentaire et une autorisation sans limite pour les importations de pièces détachées avec, si nécessaire, un contrôle a posteriori des services concernés.