La Tunisie au creux de la vague : prévues dans 2 mois, les élections ont été reportées à 6 mois, un gouvernement reconduit dans sa principale composante… la colère de la rue et de l’opposition s’estiment spoliées de leur victoire.
Un gouvernement d’union nationale, comprenant 24 membres, a été formé, lundi dernier, en Tunisie. Pas de grands bouleversements par rapport à l’ancien exécutif présidé par le même Premier ministre, Mohamed Ghannouchi en poste depuis 1999. Trois personnalités d’opposition se sont vu offrir des attributions dans le nouveau gouvernement qui aura à gérer les affaires de l’État et l’après Ben Ali. Najib Chebbi, fondateur du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition), devient ministre du Développement régional. Moustafa Ben Jaafar, président du Forum démocratique pour le travail et la liberté (FDTL), a eu droit au portefeuille de la Santé et Ahmed Ibrahim, du parti Ettajdid, a rejoint le poste de ministre de l’Enseignement supérieur. La «vieille garde» du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali, reste toujours aux commandes. Les ministres de la Défense, de l’Intérieur, des Finances et des Affaires étrangères conservent leurs attributions dans le nouveau gouvernement. Ce sont huit ministres de l’ancien gouvernement qui ont gardé leurs portefeuilles. Les autres postes ministériels sont revenus à des représentants de la société civile. Explications du Premier ministre sur le maintien de ces personnalités qui ont servi sous le régime du président déchu : Selon Mohamed Ghannouchi, ces ministres ont «les mains propres» et ont toujours agi pour «préserver l’intérêt national», a-t-il déclaré, hier, sur les ondes d’une radio française. La nécessité de garder ce personnel politique a été soulignée par Mohamed Ghannouchi. «Ils ont gardé leurs portefeuilles parce que nous avons besoin d’eux dans cette phase» de construction démocratique, avec la préparation d’élections dans les six mois, a affirmé le Chef du gouvernement, estimant que «tous ont les mains propres, doublés d’une grande compétence. Ils ont du mérite. Grâce à leur dévouement, ils ont réussi à réduire la capacité de nuisance de certains. Ils ont manœuvré, tergiversé, gagné du temps pour préserver l’intérêt national», a
t-il insisté, répondant aux critiques d’une partie de l’opposition. En outre, il a promis que «tous ceux qui ont été à l’origine de ce massacre rendront des comptes à la justice», assurant n’avoir, lui-même, jamais donné l’ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants, tout comme il a promis la libération de tous les prisonniers politiques et une enquête contre toutes les personnes soupçonnées de corruption. Des explications et des promesses qui n’ont pas soulevé l’enthousiasme d’une partie de l’opposition et de la rue qui s’est sacrifiée durant plus d’un mois pour obtenir le départ de celui qu’elle considérait comme un tyran. Des manifestations populaires, dispersées par les forces de sécurité, qui ont utilisé des canons à eau et des grenades lacrymogènes et effectué des tirs de sommation pour disperser ce rassemblement, ont eu lieu à Tunis et d’autres villes du pays, dès l’annonce, par le Premier ministre de la composante du nouvel exécutif.
Les protestataires exigeaient la mise au placard du parti de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) au pouvoir durant 23 longues années, rejetant ainsi, «le changement dans la continuité». La population tunisienne continuera-t-elle dans cette voie pour consacrer les idéaux pour lesquels elle s’est battue ? Toute la question et l’enjeu sont là. L’avenir de la Tunisie dépend de la solution apportée à cette équation.