L’après-Ben Ali a concrètement commencé en Tunisie

L’après-Ben Ali a concrètement commencé en Tunisie
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La décision d’amnistie générale fait débat chez les élites, certaines voix s’étant élevées pour souligner le risque d’une dérive islamiste de la scène politique tunisienne.

Le gouvernement tunisien d’union nationale, formé dans l’urgence après la fuite de l’ancien président Benali, s’est réuni, jeudi, en Conseil des ministres. Une loi d’amnistie générale a été adoptée et sera soumise prochainement au Parlement. Contrairement à ce qui a pu être dit ici et là, cette loi concerne tous les détenus d’opinion, y compris les militants islamistes. D’ailleurs, le gouvernement avait fait un premier pas la veille en libérant quelque 1 800 prisonniers politiques, dont des islamistes.



La décision fait débat chez les élites, certaines voix s’étant élevées pour souligner le risque d’une dérive islamiste de la scène politique tunisienne. L’autre décision qui aura retenu l’attention par sa portée politique concerne l’adoption d’une loi consacrant le principe de la séparation de l’État des partis politiques. De fait, “il a été décidé de restituer à l’État les biens mobiliers et immobiliers du RCD”, a affirmé le porte-parole du gouvernement, Taïeb Baccouche.

De même, les ministres siégeant au gouvernement d’union nationale et issus du RCD ont officiellement démissionné du parti du président déchu qui, de son côté, a dissous son bureau politique. Cette décision n’a néanmoins pas suffi à calmer la fronde provoquée par leur présence massive — huit au total — à des postes de souveraineté. La composition du gouvernement d’union nationale a déjà été à l’origine de la démission de quatre ministres issus du syndicat et de l’ancienne opposition.

Plus d’un millier de personnes a encore manifesté, jeudi matin, devant le siège du RCD, dont ils ont abattu l’enseigne et ont demandé le départ du gouvernement. L’armée a été contrainte à effectuer des tirs de sommation pour disperser la foule qui s’apprêtait à escalader les murs d’enceinte en vue d’investir le siège du parti de Ben Ali et, sans doute, le saccager.

Sous la pression de la rue, un des ministres issus du régime Benali, Zouheir M’dhaffer, chargé du Développement administratif, a démissionné du gouvernement pour “préserver l’intérêt suprême de la nation et favoriser la transformation démocratique du pays”, selon ses propres propos. La veille, ce sont des milliers de manifestants qui demandaient la dissolution pure et simple du RCD.

Ils brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : “RCD out !” ou encore : “Nous n’avons plus peur de vous, traîtres !” Le Conseil des ministres a, en outre, décrété un deuil national de trois jours à la mémoire des martyrs de la révolte populaire et a recommandé que toutes les dispositions soient prises pour assurer la reprise des cours dans les écoles et les universités à partir de lundi prochain. Le Conseil des ministres de jeudi dernier, malgré la fragilité du gouvernement et la contestation dont il est l’objet, constitue le premier acte de souveraineté de la Tunisie post-Benali. Les importantes décisions qui en sont sorties confortent l’idée que le processus engagé en Tunisie est irréversible, même si le pays reste à reconstruire et à réinventer. Certaines sources font d’ailleurs état d’un appel téléphonique de Ben Ali au Premier ministre Ghannouchi, depuis l’Arabie Saoudite où il s’est réfugié, pour évoquer l’éventualité de son retour. Ce à quoi il lui aurait été

répondu que la chose est tout

simplement “inenvisageable”. La page Benali et de son régime est définitivement tournée et c’est un succès historique des Tunisiens.

Reste maintenant à instaurer la démocratie et construire un État de droit. Les Tunisiens trouveront sans doute l’intelligence et le ressort nécessaires pour y arriver. Ce ne sera pourtant pas simple, tant les adversités sont grandes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.