On n’hésite pas à taxer l’APN de chambre d’enregistrement
Le cadeau de fin de législature de 300 millions de centimes touchés par chaque député renforce le sentiment selon lequel plus de 300 individus ne sont venus à l’hémicycle que pour se servir.
La hausse des indemnités des députés et sénateurs a offusqué l’opinion, ce qui ne fait qu’aggraver le rejet des institutions élues. Quelques élus ont bien tenté de défendre le bilan de l’APN mais l’exercice ne s’est pas très bien déroulé. Même le président de l’APN, Abdelaziz Ziari, a vu dans les critiques adressées à son institution comme un procès intenté à la démocratie. D’autres remarquent que le Sénat a été relativement épargné par ces mêmes critiques.
Mais le ressentiment de la population n’a pas cessé de prendre le dessus. Le cadeau de fin de législature de 300 millions de centimes touché par chaque député renforce le sentiment selon lequel plus de 300 individus ne sont venus à l’hémicycle que pour se servir. Pour ceux d’entre eux qui cumulent deux mandats, leur retraite sera assurée à 100%. Ces montants n’ont aucune commune mesure avec le salaire minimum garanti de 18.000 dinars ni avec les pensions de retraite. On n’ose même pas évoquer la situation des chômeurs ou des travailleurs en situation de précarité. A ceux-là, les élus n’ont eu rien de mieux à proposer que de la friperie. Un article a été voté dans ce sens dans la loi de finances complémentaire avant que le gouvernement ne vienne mettre le holà à cette parodie. D’autres mascarades ont déjà eu lieu dans la même enceinte lorsque l’ancienne législature était encore aux commandes. A l’époque, c’était à la loi sur les hydrocarbures que les députés se sont attaqués au risque de livrer les richesses du sous-sol aux étrangers avec la bénédiction de l’ancien ministre en charge du secteur. C’est Boutefllika qui avait décidé que tout cela dépassait quand même un peu les bornes. Et il a tout de suite remis les pendules à l’heure. Toute cette série de d’évènements fâcheux a fini pas sceller définitivement le divorce de la population avec ses élus. Et quels élus? L’opprobre était jeté sur l’APN avant même ses premiers pas dans la vie politique. L’Assemblée était mal élue. C’est la réduction du taux de participation de l’électorat au scrutin qui a conduit les citoyens à affubler l’institution de tels maux. Cela engendre tout de suite un déficit de légitimité. Cette donne interpelle d’ailleurs les associations et les partis à la veille des élections de mai prochain. Encore une fois, le spectre de l’abstention plane. Un boycott du scrutin avantagerait sans aucun doute le courant islamiste. La participation massive à l’élection est une garantie pour un meilleur choix des représentants du peuple. En 1990 déjà, lors des premières élections libres qui ne sont pas arrivées à leur terme, c’était l’abstention qui avait permis à l’ex-FIS de rafler un grand nombre de sièges dès le premier tour. Si la donne change, ce sera aussi un gage pour faire évoluer les moeurs de la prochaine Assemblée. Les députés auront alors davantage de poigne pour jouer pleinement leur rôle qui n’est pas seulement celui de légiférer mais qui consiste aussi à contrôler l’action du gouvernement. Des députés ont d’ailleurs estimé qu’il était nécessaire que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, présente le bilan de son gouvernement devant l’APN avant la fin de leur mandat. Ce n’est qu’une injonction édictée par la Constitution. Si l’on continue à retirer aux élus leurs prérogatives, la manoeuvre ne fera que renforcer chez les électeurs, l’image d’un député béni-oui-oui. On n’hésite pas, non plus, à taxer l’APN de chambre d’enregistrement. Accusation qui n’est pas nouvelle puisque même à l’époque du parti unique, le reproche lui était adressé. La riposte était venue de Rabah Bitat qui avait rejeté cette manière de voir les choses. A coup sûr, les moeurs sont restées les mêmes depuis deux décennies. Mais attention! à force de taper sur les institutions élues, c’est tout l’édifice institutionnel qui risque d’être discrédité aux yeux de la population. Cette dernière se tournera alors vers d’autres formes de représentation. Ce sera le cas pour les confréries religieuses, les arouchs et autres appartenances tribales. C’est-à-dire tout ce qui dispute la légitimité à l’Etat-nation, symbole de la modernité politique selon les canons hérités de la civilisation des Lumières. Si le citoyen n’est pas séduit par des organisations locales, il le sera par des organisations globales comme la Oumma islamique ou la Nation arabe. Avec l’importation de nouvelles moeurs politiques qui viendraient se juxtaposer aux tares traînées déjà par la société.