L’Égypte a vécu hier une journée historique : de gigantesques marées humaines ont répondu à l’appel de l’opposition, à travers tout le pays, pour réclamer le départ de Hosni Moubarak. Une sorte de référendum «grandeur nature» qui a définitivement mis fin à la légitimité du Raïs.
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Au Caire, ce sont des centaines de milliers d’Égyptiens — deux millions, iront jusqu’à avancer certaines chaînes de télévision — ont pris possession de la place de la Libération, au cœur de la capitale. Leur mot d’ordre est unique, exclusif et unanimement partagé dans toutes les autres villes d’Égypte : le départ du président Moubarak. Une mobilisation d’autant plus réussie que le régime a tout mis en œuvre pour faire avorter ces manifestations : arrêt total, dès lundi, des réseaux de téléphonie mobile, de l’internet et tous les transports en commun.
Or, non seulement les manifestations seront grandioses, mais draineront toutes les franges de la société et toutes tranches d’ages confondus et ont lieu sans le moindre incident notable. Il faut dire que la position exprimée par l’armée, lundi soir en affirmant «que les revendications du peuple égyptien sont légitimes» a fini par isoler, complètement, Moubarak. Ce dernier, qui avait chargé le nouveau vice-président, Omar Souleymane, d’inviter «les forces de l’opposition à l’ouverture d’un dialogue», obtient immédiatement un autre camouflet : «Oui au dialogue, répondent les partis d’opposition et les initiateurs du mouvement, mais une fois Moubarak parti.»
Désigné par l’opposition comme son représentant, Mohamed El-Baradei a tout simplement invité Hosni Moubarak à quitter son poste, «au plus tard vendredi prochain». Dans la journée, le chef de file de l’opposition a eu un premier contact avec l’ambassadrice des Etats- Unis au Caire, Margaret Scobey, tandis que Barack Obama a, dans la même journée d’hier, dépêché un ancien ambassadeur américain au Caire, pour rencontrer «les hauts responsables égyptiens», dont Moubarak bien sûr. La Maison Blanche finira- t-elle par pousser Moubarak à lâcher le pouvoir ? Le président de la Commission des affaires étrangères au Sénat, présenté par les agences de presse comme un proche d’Obama, a, dans une déclaration à Al Jazeera, parlé «de l’après- Moubarak qui n’a plus de légitimité». Un après-Moubarak qui ne faisait plus de doute dans plusieurs capitales, hier. Le Premier ministre israélien, jusque-là très prudent dans ses déclarations, a lancé un pressant appel «à la communauté internationale pour exiger du prochain pouvoir en Égypte à respecter les accords de paix», à savoir les accords de Camp David de 1978. Jusqu’au début de la soirée d’hier, tous les indices plaidaient pour la fin de règne de Hosni Moubarak. Reste à savoir la forme que cette chute prendra. Se dirige-t-on vers une «sortie honorable», suggérée par le chef de l’opposition, Mohamed Al Baradei ? A n’en pas douter, la réponse est certainement dans les bagages de l’émissaire d’Obama…
K. A.