L’ancien patron de la DST, se confie au Jeune Indépendant : Yves Bonnet : « Le pouvoir politique français grossit le terrorisme pour des raisons électorales »

L’ancien patron de la DST, se confie au Jeune Indépendant : Yves Bonnet : « Le pouvoir politique français grossit le terrorisme pour des raisons électorales »
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Yves Bonnet, ancien patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage français), ancien préfet et membre de la Commission parlementaire nationale française de réforme des services de renseignements revient dans cet entretien sur les récents attentats de Bruxelles, la menace de Daech sur l’Europe, l’absence d’une coopération entre les services de renseignements européens et la Syrie, mais aussi sur la reprise de la ville historique de Palmyre par l’armée syrienne aux mains de l’Etat islamique.

Les attentats terroristes de Bruxelles étaient-ils prévisibles ?

Par définition, un attentat n’est jamais prévisible et dans un tel cas, l’effet de surprise est primordial.

L’Europe est-elle désormais ciblée par Daech, organisation autoproclamée « Etat islamique » ?

Il est possible sinon probable que les attentats aveugles en Europe traduisent un certain affaiblissement de l’EI. Par ailleurs, les pays d’Europe offrent des potentialités plus grandes en raison de leur densité de population et de la présence d’une forte immigration dans laquelle peuvent se glisser plus facilement des éléments perturbateurs.

Aucune menace particulière ne pèse sur la France. La situation n’est pas plus mauvaise que durant les années 1990. Mais le pouvoir politique grossit le trait pour des raisons électorales.

La rupture des relations diplomatiques entre l’Occident et la Syrie n’a-t-elle pas favorisé ces attentats ?

Evidemment. Cette décision absurde a distendu le peu de liens existants entre Damas et les capitales européennes en même temps qu’elle précipitait Bachar el Assad dans les bras des mollahs iraniens.

Nombre de députés français appellent à la reprise des relations diplomatiques avec Damas. Êtes-vous d’accord ?

Oui. Nous avons bien des relations avec la Corée du Nord.

L’absence de coopération entre les services de renseignements des pays occidentaux et ceux de la Syrie, en l’absence de relations diplomatiques, ne pénalise-t-elle pas la lutte contre le terrorisme ?

Effectivement. J’avais, dans les années 1980, établi des relations avec les services syriens et cela fonctionnait. Quand j’ai été « remercié » par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Pierre Joxe, je me souviens de lui en avoir fait la remarque. D’une manière générale, la DST puis la DGSI doivent travailler avec les services du Moyen-Orient. Elles le font avec le VEVAK iranien. Alors pourquoi pas avec la Syrie ?

Comment la France compte-t-elle agir envers ses « djihadistes » partis en Syrie ?

Dans les faits, ces personnes sont appréhendées et déférées devant la justice. la France est un Etat de droit qui ne peut agir que judiciairement à l’encontre des personnes qui tombent sous le coup d’une mise en examen pour « participation à une entreprise terroriste ». Mais il faut aussi assurer le suivi de ces procédures et cela implique la mise en œuvre de moyens importants.

Le ministre français des Affaires étrangères s’est déplacé en Algérie. Paris pourrait-elle solliciter la médiation algérienne avec Damas pour l’obtention, au bénéfice de la France, de renseignements sur ces djihadistes ? *

Il vaut mieux que le dialogue se situe au niveau des services que des diplomates. Du moins pour l’échange de renseignements opérationnels.

Quelle serait la suite des événements sécuritaires en Syrie après la reprise de Palmyre par l’armée syrienne ?

Indiscutablement la reprise de Palmyre porte un coup sévère à l’EI et constitue pour la Syrie un formidable encouragement.

L’Europe ne devrait-elle pas coopérer avec la Russie en matière de lutte contre le terrorisme ?

C’est déjà le cas.

Quelle serait la répercussion des réussites enregistrées par l’armée gouvernementale syrienne sur les négociations avec les organisations d’opposition ?

Dans une négociation, il faut être en position de force. Donc la reprise en main de territoires significatifs par l’armée syrienne place Damas en meilleure position erga omne