L’ancien ministre ne voulait pas de rencontres à Alger en raison de la surveillance du DRS
C’est un article à charge contre le PDG du groupe italien ENI, Paolo Scaroni, dans le journal Il Fatto Quotidiano que publie le journaliste Gianni Barbacetto avec des «références» algériennes très fortes et notamment au duo Farid Bedjaoui- Chakib Khelil.
Le ton de l’article est volontiers persifleur avec un rappel que la charge de PDG d’Eni, poste où Paolo Scaroni est sur le point d’être reconduit, est «plus importante que celle d’un ministère». Ce poste le place à l’intersection de la politique étrangère, de l’économie et des finances.
Et le journaliste de rappeler que Paolo Scaroni, patron d’Eni depuis 9 ans et l’un des hommes les plus puissants d’Italie et le «garant d’équilibres délicats avec un réseau de bonnes relations à droite et à gauche». Paolo Scaroni a déjà été arrêté en 1992 dans le cadre de l’opération «mains propres » (Mani pulite), alors qu’il dirigeait la Techint, pour avoir versé des pots-de-vin à des parties pour obtenir des contrats avec Enel.
De manière ironique, note le Financial Times, il sera désigné, en 2002, par Berlsuconi à la tête d’Enel. Il s’était expliqué de cette arrestation au journal britannique en déclarant que dans un pays «où les entreprises et le gouvernement étaient si étroitement imbriqués, où les institutions sont contrôlées par les politiciens, était-il possible de faire autrement ? La réponse est simple: non, ce n’était pas possible». Et le journaliste de se demander, perfidement, si «cela ne vaut pas également pour l’affaire algérienne ?».
Il rappelle les éléments de l’affaire révélée à la suite de perquisitions dans les bureaux d’Eni et de Saipem ainsi que dans le domicile de Paolo Scaroni à Milan avec la découverte de l’existence de pots-de-vin de 198 millions d’euros versés «au ministre algérien de l’Energie, Chakib Khelil, et à son entourage dans le cadre de huit contrats pétroliers d’une valeur totale de 11 milliards d’euros».
LA COUR DES MIRACLES
Des commissions versées par Saipem, à la compagnie Pearle Partners, basée à Hong- Kong, dirigée par le pimpant Farid Bedjaoui, aujourd’hui un «fugitif». Avant le scandale, Farid Bedjaoui faisait partie de la «cour des miracles», il est «l’homme de confiance du ministre Khelil», «l’intermédiaire entre les Algériens et les dirigeants de Saipem». Mais dans ces cas, note le journaliste, il arrive souvent que le pot-de-vin versé à l’étranger revienne en Italie, sous la forme d’un «merci» aux dirigeants qui ont conclu l’accord.
Pour l’instant, l’enquête a identifié des «rétrocommissions» de 10 millions d’euros dont 5,29 dans les comptes de Pietro Varone, ancien directeur de la division ingénierie et construction de Saipem et 5,17 millions dans les comptes du ’ancien PDG de Saipem Algérie, Tullio Orsi. Le journaliste relève que le système de défense de Paolo Scaroni est que Saipem est totalement indépendante d’Eni. Mais les enquêtes avec les dirigeants de Saipem affirment le contraire ? Scaroni a participé à une réunion à Paris avec Khelil et Bedjaoui, affirme Tullio Orsi, tandis que Pietro Varone est catégorique: «Scaroni savait tout». Pour Pietro Varone, il y a des situations où «il faut payer» pour faire des affaires et «l’Algérie est l’une de ces situations».
LOIN DES SERVICES ALGÉRIENS
Il a rencontré l’intermédiaire Farid Bedjaoui en 2005 à l’hôtel George V et une autre l’année suivante où Chakib Khelil leur a déclaré que «Farid Bedjaoui était une personne qui avait sa confiance». Cela débloque la situation, les Italiens sont informés qu’ils peuvent réaliser des affaires en Algérie. «Bedjaoui est clair. Il nous dit: vous pouvez le faire, mais nous avons besoin de fixer clairement les frais. Nous allons devoir payer des commissions ». Le patron de Saipem, Franco Tali, approuve.
Scaroni a rencontré Khelil à Paris et a pris part à une autre rencontre avec Bedjaoui, à l’hôtel Bulgari à Milan. Dans le récit, on apprend que Scaroni a également rencontré Chakib Khelil à Vienne. Le ministre algérien, lit-on, «n’a pas voulu donner de rendez-vous à ses partenaires internationaux en Algérie, où ses mouvements étaient contrôlés par les services secrets de son pays».
Pour les communications confidentielles, on utilisait des téléphones mobiles distribués à Dubaï. L’article est très largement basé sur les déclarations de Pietro Varone qui se plaint d’être un «bouc émissaire » et qui charge totalement Paolo Scaroni. Pour les Algériens Khelil et Bedjaoui, la cause est entendue dans l’article. Ils ont reçu des commissions… et ils ont versé des rétrocommissions pour dire «merci».
Salem Ferdi