L’ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, revient sur l’affaire Sonatrach 2 et Chakib Khelil.
Dans une lettre ouverte rendue publique, hier, il l’accuse de l’avoir menacé de perdre son poste de ministre de la Justice s’il ne consentait pas à dédouaner l’ex-ministre de l’Énergie et des Mines, Chakib Khelil, des accusations portées à son encontre dans le cadre de Sonatrach 2. “N’est-ce pas, Si Amar, vous qui êtes venu, le jour même de votre installation à la tête du FLN, me proposer amicalement de préserver mon poste de ministre de la Justice en m’engageant à extirper Chakib Khelil de l’affaire Sonatrach 2 ‘comme on extirpe un cheveu de la pâte’ (selon votre expression). Ma réponse fut, vous le savez, de fermer mon portable jusqu’après la fête de l’Aïd El-Adha, c’est-à-dire bien longtemps après le remaniement ministériel.”
Cette révélation de Charfi achève le SG du FLN qui, tout en ayant été parachuté à la tête du parti au mépris d’une décision du Conseil d’État, pousse l’effronterie jusqu’à s’indigner contre les “méthodes antidémocratiques” qui
ont cours dans ce pays ! N’est-il pas
antidémocratique d’entraver l’action de la justice ? Mohamed Charfi, limogé quelques jours après sa discussion avec Amar Saâdani, a-t-il payé pour son refus d’obtempérer à cette injonction ? Dans tous les cas, en venant au secours de Chakib Khelil, Saâdani n’a fait que l’enfoncer davantage. Ce coup de main sonne comme un aveu de culpabilité de l’ex-ministre de l’Énergie. Que Chakib Khelil soit demandeur ou pas. L’ancien ministre de la Justice s’est dit convaincu qu’en agissant ainsi, le SG du FLN n’était pas mandaté par le chef de l’État qui, rappelle-t-il, avait “solennellement et publiquement apporté son soutien à l’action de la justice dans l’affaire Sonatrach 2 en affirmant sa totale confiance en elle”. Le SG du FLN se présente chaque jour, davantage comme “un ami qui ne vous veut pas du bien”, comme le note si bien l’ex-ministre de la Justice en ces termes : “Si Amar, vous êtes en train de tirer au jugé, au risque de toucher des cibles amies. Alors, de grâce, arrêtez les dégâts. Le président Bouteflika mérite une solidarité d’une autre dimension. D’ailleurs, il est légitime dans ce cas de s’interroger si réellement votre but est de servir Bouteflika ou même l’Algérie”.
En d’autres occasions, le SG du FLN a également affirmé qu’Interpol a refusé d’exécuter les mandats de justice décernés dans l’affaire Sonatrach 2, à cause des erreurs de procédures. Il s’agit pour Charfi d’une contre-vérité. Il explique : “Par courrier du 3 août 2013, la DGSN avait informé officiellement le ministre de la Justice de l’exécution de tous les mandats sans exception transmis par la justice ; ensuite et surtout, il s’agit d’une ignorance, car tous les juristes du monde savent qu’Interpol, sous réserve de s’assurer de la qualité de l’autorité émettrice du mandat, n’a pas de prérogatives de censurer les décisions de justice des pays membres, sauf si les autorités du pays émetteur des mandats refusent de donner la garantie que l’extradition sera bien demandée en cas d’arrestation de la personne objet de mandat.” Charfi conclut : “Ainsi, en affirmant que le BCN Algérie refusait de transmettre les mandats d’arrêt, vous mettez en cause, implicitement et juridiquement, les autorités politiques du pays et non sa justice.”
Dans un entretien accordé à TSA, Amar Saâdani a soutenu que l’Algérie a agi en dehors du cadre fixé par la loi dans le cas de Sonatrach 2, accusant le DRS d’avoir géré cette affaire et celle de Khalifa de manière à contrecarrer la candidature de Bouteflika. À cela, Charfi répond : “Vous vous interrogez sur le timing de l’extradition de Khalifa qui aurait pu gêner le président de la République, alors que celle-ci n’aurait pas pu être obtenue sans son investissement personnel.” Un cumul de tant de bévues laisse transparaître, selon l’ex-ministre de la Justice,“l’existence d’un mobile caché qui dépasse celui du soutien à un autre mandat pour le Président et laisse place à toute interrogation quant aux véritables motivations”. Alors, pour qui roule Saâdani ?
La question mérite d’être posée, car ce dernier est allé plus loin en se lançant dans des attaques frontales contre les services qui, selon lui, ont failli dans la protection et la sécurité du président Mohamed Boudiaf, Abdelhak Benhamouda, les moines de Tibhirine et les bases de pétrole dans le Sud. Ce genre de propos sont susceptibles de tomber sous la qualification de l’article 75 du code pénal, avertit Charfi, en raison des fonctions influentes de Saâdani à la tête du FLN. L’article en question stipule : “Est puni de réclusion à temps, de cinq à dix ans, quiconque en temps de paix a participé en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation de l’armée, ayant pour objet de nuire à la défense nationale.” Ne dit-on pas que le silence vaut parfois son pesant d’or.
N. H