Lancement officiel des consultations pour un nouveau gouvernement : Marge étroite pour le duo Bedoui-Lamamra, l’opposition en repli tactique

Lancement officiel des consultations pour un nouveau gouvernement : Marge étroite pour le duo Bedoui-Lamamra, l’opposition en repli tactique

Dans l’objectif de former un gouvernement de technocrates comme promis lors de la conférence de presse tenue jeudi dernier, Noureddine Bedoui vient d’entamer les consultations.

Par Houria Moula et Aziz Latreche

Le Premier ministre devra annoncer la composante du nouvel Exécutif « dans une semaine », avait-il déclaré. Avec le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, Noureddine Bedoui « a entamé des consultations tendant à la formation du nouveau gouvernement de compétences nationales avec ou sans affiliation politique», a rapporté, hier, l’agence officielle APS, citant «une source bien informée». La nouvelle équipe gouvernementale comporterait, précise la même source, «des compétences nationales avec ou sans affiliation politique et reflétant de manière significative les caractéristiques démographiques de la société algérienne », a-t-on précisé, ajoutant qu’« une séance de travail a été tenue».

Aussi, la même source indiquera que les« consultations en cours s’étendront aux représentants de la société civile et aux formations et personnalités politiques qui en exprimeraient le souhait» en vue d’aboutir à la mise en place d’un «gouvernement de large ouverture». Cependant, aucun détail n’a été avancé concernant l’identité des personnalités et des formations politiques ou des acteurs de la société civile consultés. Jusqu’à présent, la majorité des partis politiques de l’opposition ne veulent en aucun cas être associés à la feuille de route annoncée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et donc au gouvernement que veut former Noureddine Bedoui.

A moins que ce dernier regarde du côté des formations de l’Alliance présidentielle pour chercher de nouvelles figures au sein du FLN, du RND, de TAJ et du MPA. Mais sa démarche ne trouve pour l’heure aucun écho dans l’opposition. D’ailleurs, hier à la diffusion de cette information, certains représentants de partis n’ont pas tardé à la rejeter dans le fond et dans la forme. Dans une déclaration à une chaîne de télévision privée, Hakim Belahcel, fraîchement nommé premier secrétaire national du FFS, a non seulement rejeté la Conférence nationale proposée par le pouvoir, mais a déclaré que « le FFS ne participera pas au gouvernement qui sera formé par ce même pouvoir ». « La position du FFS est celle du peuple : non au prolongement du mandat du chef de l’Etat », a-t-il rappelé, appelant « au départ du système ».

« Accepter l’offre de Bedoui-Lamamra, c’est du suicide politique »

Même réaction du côté du RCD qui a commenté l’information par l’intermédiaire de son député Atmane Mazouz : « Malgré l’urgence d’une sortie de crise, le pouvoir, acculé, peine à trouver des interlocuteurs crédibles », a-t-il déclaré. Et de dénoncer « une dernière manœuvre» du pouvoir. « Pour eux, la solution est dans le régionalisme positif !», a encore ironisé Mazouz dans une allusion au respect des «caractéristiques démographiques de la société algérienne» pour former le gouvernement. A ceux-là, s’ajoute le PT qui a plaidé en faveur de la création de «comités populaires» pour en arriver à la mise en place d’une Assemblée constituante, seul salut à la crise que traverse le pays. Pour Ramdane Taâzibt, la nomination de Noureddine Bedoui « est un recyclage des personnages du système ». Comprendre que le parti ne veut pas intégrer le gouvernement qui se prépare. Même les syndicats autonomes sont du même avis. L’Intersyndicale de l’Education nationale a décliné, hier, une invitation du Premier ministre pour des «pourparlers».

Du côté de la mouvance islamiste, le constat d’une marge étroite pour le duo Bedoui-Lamamra est également partagé ainsi que le refus tactique d’aller à l’encontre des revendications populaires depuis la marche du vendredi 15 mars. Yazid Benaïcha, le secrétaire général d’Ennahdha, indique que son parti n’a reçu « aucun contact de la part des autorités et que même en cas de contacts, il y aura très peu de chance qu’elles aboutissent. Les propositions de l’opposition dans sa diversité et ses différences sont connues, il s’agit de les prendre en compte en adéquation avec la rue et ses revendications de changement. Le dialogue autour de la feuille de route proposée par le Premier ministre et le vice-Premier ministre, MM. Bedoui et Lamamra, est caduc». Il faut réfléchir aux moyens d’instaurer un processus de transition à l’issue du départ du chef de l’Etat à l’expiration de son mandat ».

Pour Nacer Hamdadouche, cadre dirigeant au MSP, « il n’y a pas dans l’étape actuelle de possibilité de répondre favorablement à l’appel des autorités de discuter d’un nouveau gouvernement. Toute initiative dans ce sens serait un dévoiement des revendications populaires. Les appels au changement sont clairs, il s’agit de bien les entendre et d’aller vers un scénario d’apaisement qui ne peut avoir lieu à l’heure actuelle, et au vu des indications accumulées après un mois de manifestations massives, qu’avec le départ du Président à la fin de son mandat actuel». Ahmed Adimi, porte-parole du parti Talaïe El Hourriyet, parie, lui, sur un «échec» des consultations menées par le Premier ministre.

Selon lui, même les personnalités n’ayant pas de profil politique stricto-sensu ne sont pas enthousiastes à l’idée de s’engager dans des actions menées» par l’Exécutif «pour constituer un gouvernement qui a très peu de chances d’être accepté par une opinion nationale qui veut le changement». «A ma connaissance, il y a deux professeurs d’université connus sur la scène médiatique qui ont été contactés en vue de participer éventuellement au nouveau gouvernement, mais ils ont tous les deux refusé l’offre». Et de conclure : «Accepter un poste de responsabilité dans la situation actuelle, marquée par un rejet massif de l’offre de Bouteflika, serait un suicide politique pour n’importe quel parti ou personnalité politiques ».