Après une assez longue période de repli, les commerçants informels réussissent à investir, par-ci par-là, les trottoirs et les espaces publics d’où on les a chassés non sans peine. A Bab El-Oued, des jeunes et moins jeunes, jouent au chat et à la souris avec les forces de l’ordre qui, de l’avis même de ces commerçants anarchiques, lâchent du lest.
Si, durant la journée, les ruelles et les espaces publics sont plus au moins «aérés», dans la soirée, des marchandises sont étalées à même le sol faisant renouer les villes avec le vacarme d’il y a quelques mois. A Bachdjerah la situation n’est pas différente.
Dès 17 heures, divers articles, comme surgissant de sous terre, jonchent les bordures des rues et les espaces publics. En somme, tous les sites réputés naguère pour une activité informelle intense sont de nouveau envahis par les vendeurs à la sauvette, notamment dans la soirée.
C’est le cas notamment à Gué de Constantine, la place des Martyrs, le marché Clauzel, Kouba… Les jeunes rencontrés dans divers points de ventes informels, avouent ne pas avoir le choix, puisque les espaces légaux promis tardent à voir le jour. «Ils nous tolèrent (les autorités ndlr) parce qu’ils savent qu’ils n’ont rien à nous offrir en contrepartie», lance un jeune penché sur quelques pantalons turcs étalés sur des cartons vides.
Mais les raisons de cette «tolérance» de la part des autorités, sont à chercher ailleurs, selon Hadj Tahar Boulenouar, porte-parole de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA).
«Cela se comprend : les autorités ne veulent pas perturber les élections locales du 29 novembre», dit-il, déplorant le fait que les candidats tentent de séduire les commerçants informels avec la promesse de leur octroyer des locaux dans des marchés «fictifs».
L’incrédulité de notre interlocuteur vient du fait que la réalisation des espaces commerciaux prévue par le programme quinquennal 2009/2014, avance mal. A quelques mois de la fin dudit quinquennat, le projet des 30 marchés de gros, 800 de détail et 1 000 de proximité est seulement à 20%. Ce déplorable état d’avancement ne peut permettre aux autorités de prétendre à l’éradication des marchés informels, comme déjà promis, après le mois de carême prochain.
A cela s’ajoutent les calculs du ministère du Commerce qui peuvent être faussés par la dure réalité. En effet, les services de la tutelle n’ont recensé que quelque 70 000 Algériens exerçant illégalement une activité commerciale au moment où des organisations à caractère commercial parlent de plus d’un million dont les trottoirs constituent leur seul gagne-pain.
Une autre réalité qui peut, elle aussi, être un frein aux «aspirations» du gouvernement actuel de mettre fin à une forme de commerce qui nuit non seulement à l’économie, mais amoche les villes et les quartiers, et vole leurs espaces aux piétons : la non- coordination entre les divers ministères concernés. Il s’agit, selon le porte-parole de l’UGCAA de ceux du Commerce, de l’Intérieur, des Finances et même d’ailleurs de l’Agriculture.
Pour que les tentatives d’éradiquer l’informel ne soient pas conjoncturelles et qu’elles ne soient pas des coups d’épée dans l’eau, il faut, dit-il, réunir trois conditions. «En premier, il nous faut un réseau national fiable de distribution. Puis une fiscalité à même d’encourager l’acticité légale. Et enfin, l’implication des autorités locales dans l’organisation du commerce», conclut M. Boulenouar.
Hamid Fekhart