L’amiante est utilisée en particulier dans l’industrie de la sous-traitance automobile (plaquettes de frein), l’industrie du bâtiment (production de plaques en eternit pour les toitures, flocage des bâtiments) et l’hydraulique (buses et autres canalisations).
On l’utilise aussi dans l’industrie navale et pour la fabrication de produits ignifuges pour sa haute résistance à la chaleur. Mais ce matériau bon marché est un redoutable agent cancérigène.
Depuis les années 1970, on savait l’amiante hautement cancérigène, mais peu d’industriels nationaux en avaient tenu compte. Tous, pratiquement, ont continué à l’utiliser à grande échelle, sans précaution d’ailleurs, pour la fabrication de produits industriels divers.
Construites pour la plupart durant les années 1940-1950, les unités spécialisées dans la transformation de l’asbeste se caractérisaient par l’obsolescence de leurs outils de production et les méthodes de travail éculées.
Les espaces de travail étaient inadéquats, et il n’existait ni système de ventilation ni cheminées capables de capter les poussières dégagées par la manipulation du minéral et sa transformation. Plus grave, quelques industriels prétendaient, le plus sérieusement du monde, que l’amiante qu’ils utilisaient était «traitée» et qu’il n’y avait donc pas lieu de s’en inquiéter.
Des médias s’étaient même fait l’écho de quelques patrons qui s’étaient opposés bec et ongles à l’interdiction de l’amiante. Et ils ont presque réussi puisque, des années durant, ils ont fait croire au caractère inoffensif de l’amiante blanc et à nier la pollution atmosphérique provoquée par ses rejets.
Or, les études scientifiques ont démontré depuis très longtemps que les fibres d’amiante sont non seulement responsables de l’asbestose, maladie qui touche les poumons, mais qu’elles avaient aussi la redoutable particularité de provoquer des cancers de la plèvre dont le mésothéliome.
Le service de médecine du travail d’El Harrach, dirigé alors par feu la Pr R. Mokhtari, avait noté la contamination de plusieurs ouvriers d’une usine mitoyenne de l’unité de production de plaquettes de frein de Oued Smar, mais cette découverte est demeurée sans suite. Tout comme les constatations faites par les médecins
du travail dans les quelques usines d’amiante-ciment du pays où, manifestement, les employés souffraient de maladies professionnelles assez préoccupantes sans que ce problème de santé publique ne fasse réagir les services spécialisés des ministères de la santé, du travail et de l’environnement.
Les résistances ont été grandes quant à l’interdiction des activités industrielles utilisant l’amiante comme matière première, et le lobbying des pays producteurs ne semble pas étranger au refus des industriels de remplacer ce matériau par des matières sûres et en tout cas moins nocives. Le même phénomène a été vécu dans les pays développés où les entrepreneurs avaient réussi, pendant près de 35 ans, à berner l’opinion en faisant admettre aux pouvoirs publics la possibilité d’un «usage contrôlé» de l’amiante.
De 1960 à 1994, on a ainsi permis aux industriels d’utiliser l’amiante et de contaminer, dans le même temps, des milliers d’ouvriers qui, s’ils n’en sont pas morts, souffrent aujourd’hui de graves lésions aux poumons. Même s’ils s’en défendent, les industriels algériens, publics ou privés, sont coupables d’avoir mis en danger l’intégrité physique de nombreux travailleurs et d’avoir contribué, parfois sans le savoir, à contaminer l’environnement.
Car dans l’affaire de l’amiante, il s’agit aussi de trouver une solution pour se débarrasser de milliers de tonnes de déchets stockés à travers le pays. Le désamiantage – ou déflocage – des nombreux bâtiments hérités de la colonisation et de centaines d’autres construits entre les années 1970 et 1980, s’il a permis d’éviter une catastrophe de grande ampleur, n’a pas été sans poser aux collectivités une question quasi insoluble : où mettre les gravats toxiques ? En fait, la bataille de l’amiante ne fait que commencer.
Par Ali Laïb