Les soirées ramadhanesques se suivent et se ressemblent sur les monts du Djurdjura. Quelques instants après la rupture du jeûne, les villageois des At Budrar n´ont vraiment pas d´autre choix que celui de jouer aux dominos ou au loto, ou d’accomplir la prière des Tarawih.
A peine le bol de chorba ingurgité, les jeunes villageois sont déjà à l’extérieur des maisons, histoire d’allumer une cigarette loin des regards des parents. Le plat de résistance sera pris après le retour de « la veillée ». Durant ce mois sacré, cette frange des habitants de Kabylie s’offre le plaisir de jouer au loto et aux dominos.
L’essentiel, pour eux, est de partager l’ambiance d’un jeu pas comme les autres, plein de suspense. Des dizaines de personnes se rassemblent généralement dans les cafés ou les garages, aménagés spécialement pour la circonstance.
Qu’est-ce que le loto ? De quoi s’agit-il au juste ? Le loto est un jeu de hasard qui demeure l’amusement le plus convoité, depuis de longues années, par les villageois durant le mois de Ramadhan, et ce, dans plusieurs villages de Kabylie. 90 pions en bois portant des chiffres de 1 à 90 que l’animateur du jeu tire un par un, au hasard, d’un sac après les avoir bien mélangés et dont il annonce les numéros à haute voix et parfois avec une pointe d’humour. Le responsable du jeu impose le silence.

Les garçons non accompagnés d’un tuteur ne sont pas les bienvenus. Les joueurs, quant à eux, se concentrent sur leurs cartons et écoutent attentivement l’animateur. Une cinquantaine de personnes, voire plus, s’efforcent de remplir les cases numérotées de leurs cartons correspondant à ceux qui sont annoncés par l’animateur. Un petit carton est composé de 15 numéros. Certains jouent plusieurs cartons, multipliant ainsi leurs chances de gagner.
Les plus accros parient toute une série de 6 cartons. 20 DA, 40 DA et 70 DA sont les prix à payer pour jouer respectivement un ou trois cartons ou la série de six. Au bout de trois à quatre minutes, la partie prend fin. Le joueur qui arrive à remplir son carton le premier se lève et clame « Stop », « C’est bon ». L’annonceur vérifie et contrôle le carton « gagnant ». Le propriétaire empoche 80 % de la « mise » pour chaque partie. La somme restante revient au propriétaire des lieux. Il arrive parfois d’avoir un carton « grillé » qui se fait passer pour gagnant alors qu’il lui manque un pion.
La mise de la partie se double et « l’indélicat » doit payer une pénalité de 100 DA s’il veut continuer le jeu. C’est ainsi ! La soirée peut s’étaler encore quelques heures. C’est selon l’envie des habitués des lieux. Une fois que le local commence à se vider, ils s’organisent en équipes pour jouer aux dominos. Si certains trouvent du plaisir dans ces jeux, histoire de passer le temps avec les amis et les proches, d’autres sont de véritables accros et dépensent des sommes importantes.
Dans ces villages de la Kabylie, il y a aussi les fidèles qui se rendent dans les mosquées pour Tarawih. Avant d’y aller, ils sirotent des tisanes au gingembre dans les cafés. A leur sortie, certains se permettent quelques parties de dominos, « pour le plaisir », avant d’aller se coucher.
A.A. H