L’ambassadeur de France ,hier ,à Serkadji,Retour sur le lieu du crime

L’ambassadeur de France ,hier ,à Serkadji,Retour sur le lieu du crime

L’ambassadeur de France à Alger s’est rendu, hier, à la prison de Serkadji. Officiellement, la visite de Xavier Driencourt au sein de cet établissement chargé d’histoire entrait dans le cadre de la célébration de la «Journée mondiale contre la peine de mort».

La prison de Serkadji, ex-Barberousse, a accueilli, hier, l’ambassadeur de France à Alger. Sortie plutôt inattendue du premier représentant de l’Etat français en terre d’Algérie dont l’objectif premier était de célébrer la «Journée mondiale contre la peine de mort». Arrivé à 15 h 30, le diplomate a été reçu par le directeur général de l’administration pénitentiaire et un conseiller du ministre de la Justice. Le groupe s’est ensuite dirigé vers la stèle en marbre sur laquelle sont inscrits les noms des militants du FLN guillotinés par l’administration française. Une stèle érigée à l’endroit même où était disposée la guillotine. «Je voudrais vous dire que nous sommes honorés de la visite que vous effectuez dans l’établissement de Serkadji. Cette visite n’est pas ordinaire puisqu’elle se déroule dans un établissement qui n’est pas un lieu de détention ordinaire.

En effet, l’établissement de Serkadji est chargé d’histoire et symbolise le sacrifice suprême consenti par les meilleurs fils de l’Algérie au nom de la dignité de tous les algériens», souligne le directeur de la prison avant de demander à l’assistance d’observer une minute de silence. Moment solennel tout juste troublé par le crépitement des flashs. Sauf que les martyrs de Serkadji n’auront pas droit au traditionnel dépôt de gerbe, l’ambassadeur ayant «oublié» de ramener des fleurs.

Hugo, Camus et les autruches

La seconde phase de la visite s’est déroulée au salon d’honneur où l’ambassadeur a été invité à signer le livre d’or de la prison. Là encore, Xavier Driencourt fera en sorte de ne pas sortir de l’ordre du jour qu’il s’est imposé. A ce titre, il choisira de citer deux auteurs français. «Partout où la peine de mort existe, la barbarie domine ; partout où la peine de mort disparaît, la civilisation règne», a-t-il écrit en reprenant un passage du discours de Victor Hugo prononcé en 1848 devant l’Assemblée nationale française. L’Algérie, n’ayant pas aboli la peine de mort, reste donc un pays où «domine encore la barbarie». La seconde citation, empruntée à Albert Camus, peut, là aussi, prêter à équivoque : «Dans tout coupable, il y a une part d’innocence ; c’est la raison pour laquelle la condamnation à mort est révoltante (Albert Camus, Lettre à Jean Grenier, 1957)».

Car dans ce cas précis, qui est coupable, l’Etat français ou l’Algérien exécuté pour avoir défendu un idéal ? Interpellé sur le sens réel de ces mots, Xavier Driencourt tente de se justifier. «Je ne veux pas entrer dans des discussions de ce type. Je crois qu’il y a les faits, il y a les chiffres, il y a l’histoire. Nous reconnaissons les faits, nous reconnaissons l’histoire, nous reconnaissons votre histoire et je ne voudrais pas faire comme les autruches en mettant la tête dans le sable et ne pas reconnaître», affirme-t-il en montrant une cravate imprimée de petites autruches. Il est vrai que les effets vestimentaires sont souvent porteurs de messages. Mais le message essentiel à retenir de la visite du représentant de l’Etat français en Algérie ne concernait que le dossier de l’abolition de la peine de mort. Le reste n’est que de l’histoire ancienne.

T. H.