L’ambassadeur Bendjama, Canal + et les facéties de Hollande !

L’ambassadeur Bendjama, Canal + et les facéties de Hollande !
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François Hollande est reparti en laissant un message : « Algériens, Algériennes, ne changez pas de président ! » Il aurait pu ajouter : « …pour l’intérêt de la France ! ». Paris s’accroche depuis 16 ans à ce président capricieux dont nul n’ignore la vieille fascination pour la France.

Par Mohamed Benchicou

Sa désignation à la place du général Zéroual, en 1999, avait constitué un tournant providentiel pour l’Elysée. Avec Bouteflika, l’Algérie changeait, enfin, de carapace. Cet homme à l’égo démesuré, et qui aime s’entendre parler, constituait une rupture avec les colonels qui l’avaient précédé au gouvernail algérien, Boumediène, qui n’avait jamais mis les pieds en France, ou Zéroual qui avait refusé de serrer la main de Chirac. Avec Bouteflika, c’était l’Algérie domestiquée, pratique pour les desseins économiques mais aussi politiques et stratégiques, qui refaisait surface. Bouteflika, désormais, c’est l’affaire de Paris.

Les propos de Hollande ont un sens : plus question de revenir en arrière ! Un Bouteflika impotent vaut infiniment mieux qu’un successeur inconnu, surtout un successeur en bonne santé. Tel était le message, rôdé, parmi les membres de la délégation qui accompagnait Hollande. Bouteflika, c’est l’affaire de la France. C’est ce qu’a signifié Chirac, en 2004, en s’empressant de rendre visite à Bouteflika fraîchement réélu pour son deuxième mandat, avant même la confirmation du scrutin par le Conseil constitutionnel. Démarche payante : les ventes françaises en Algérie augmentèrent de 700 % en l’espace de 6 ans ! Mieux : Jacques Chirac a même réussi à imposer, en 2003, une commémoration du débarquement de Sidi-Ferruch par le président Chirac. Le général de Bourmont fêté en Algérie, sous le regard béat d’Abdelaziz Bouteflika !

LG Algérie

Mais cet homme peut-il encore gouverner ? L’intérêt de l’Algérie importe peu. Ce dont il est question, ici, c’est de la stratégie française et de l’avenir de quelques-uns, les amis du clan présidentiel. Du reste, au journaliste de Canal + a posé la question «Pensez-vous que Bouteflika dirige toujours l’Algérie ? », réponse unanime de nos hôtes français : le Bouteflika malade ? Connais pas ! En revanche, on peut vous entretenir de l’autre Bouteflika, le Bouteflika à la « grande maîtrise intellectuelle », et dont on peut vous garantir les « capacités pour apporter sa sagesse et son jugement pour régler les crises du monde ».

Notre pauvre Président, cloué sur son fauteuil roulant, inspirant énergie, vivacité, activité, vigueur, à l’image de Montrose, ce personnage de Michelet, «si belle de jeunesse, de force, de grâce, de plénitude et d’alacrité militaire» ? Convenons-en : il faut autant de génie, de cynisme, d’imagination que de sens patriotique pour oser décrire l’impotent Bouteflika par ce vocable, «alacrité» dont le trésor de la langue française nous apprend qu’il est emprunté au latin alacritas, terme « exprimant à la fois l’idée de rapidité, de vivacité physique ou morale et celle de gaîté débordante, voire excessive » et qu’il définit comme un «état de vigueur et de vitalité corporelle, souvent mêlé de bonne humeur et d’entrain».

Et voilà notre pauvre Bouteflika, dont chacun a pu réaliser l’incapacité de se mouvoir, de parler et, probablement, d’entendre, promu symbole de « vigueur et de vitalité corporelle » dans la bouche de Hollande, telle Réjane, « toute tourbillonnante dans une pelisse rose », sous la plume d’Edmont et Jules de Goncourt !

Oui, c’est bien ainsi que la France officielle, pour ses intérêts, a décidé de voir le chef de l’État algérien, en Réjane, en créature emplie d’enthousiasme, quitte à passer par le « mensonge utile », celui dont se servent les hommes politiques pour des raisons qu’ils croient supérieures.

Les Français avaient un plan de communication sur Bouteflika. Pas les Algériens. La seule personnalité locale à avoir été approchée par le journaliste de Canal +, en l’occurrence l’ambassadeur Bendjama, a superbement raté l’occasion de parler à ses compatriotes… De parler ou de se taire. Notre homme, avec morgue et mépris, n’a fait ni l’un ni l’autre. Il a maugréé ! « C’est indécent ! », a-t-il jeté au visage du journaliste. Autrement dit, il est indécent de se poser des questions sur l’indécence, la grande indécence, celle qui consiste à farder un chef de l’État pour duper le peuple.

L’ambassadeur était dans son rôle de représentant d’une République bananière : il est dispensé de la dure mission d’éclairer l’opinion, puisque, ici, les dirigeants, illégitimes, ne dépendant pas du choix électoral, n’ont aucun compte à rendre à la population, ni sur la bonne santé du Président, ni sur sa maladie, ni sur l’argent du pétrole.

Ainsi s’est terminé le vaudeville d’Alger.