«L’Algérie n’a participé à la suspension d’aucun Etat africain passant par une situation d’instabilité politique. Ni la Mauritanie, ni le Mali, ni le Niger ni aucun autre, de même qu’elle n’a pas exclu l’Egypte ni demandé sa suspension de l’UA dont elle (Algérie) appuie fidèlement la doctrine et les textes», expliquera Ramtane Lamamra.
L’Algérie et l’Egypte sont les deux Etats les plus influents du monde arabe. La venue de Nabil Fahmi, ministre égyptien des Affaires étrangères, qui séjourne depuis hier à Alger dans le cadre d’une visite officielle, atteste incontestablement de l’excellence des rapports entre Alger et Le Caire. «L’Algérie traite avec les Etats et non pas avec les régimes.»
Le propos est de Ramtane Lamamra. Dans une conférence de presse qu’il a animée conjointement hier à Alger avec son homologue égyptien, Lamamra a tenu à préciser que l’Algérie «maintient ses relations avec des pays qui connaissent des problèmes internes». Le ministre algérien a tenu à rappeler que cette conduite ne signifiait nullement que l’Algérie «est indifférente ou qu’elle accorde peu d’intérêt aux situations instables que ces pays traversent».
La relation de l’Algérie avec l’Egypte s’inscrit dans ce cadre, a-t-il dit, avant d’ajouter que les deux pays «sont unis par des liens étroits». «Nous partageons ses joies et ses peines mais nous ne nous ingérons pas dans ses affaires internes et nous souhaitons que le peuple égyptien sorte plus fort que jamais de son épreuve», a encore insisté Lamamra.
En réponse à une question sur le refus de certains partis algériens de la «mouvance islamiste» de la visite du ministre égyptien suite à la qualification de la confrérie des Frères musulmans comme étant une «organisation terroriste», le chef de la diplomatie algérienne, qui a dit respecter les différentes opinions exprimées à ce propos, a soutenu que la politique étrangère de l’Algérie était conduite par le président de la République et qu’elle obéissait à des considérations stratégiques.
C’est le cas de la visite de Fahmi, prévue «de longue date», a-t-il ajouté. D’autre part, en réponse à une question d’un journaliste égyptien ayant soutenu que la conduite de l’UA avec l’Egypte suite à la destitution du président Mohamed Morsi constituait un «précédent» et que le gel de la participation de l’Egypte a eu lieu sous la présidence algérienne, le chef de la diplomatie algérienne a considéré que cette lecture était «erronée» et qu’il convenait de la «corriger».
«L’Algérie n’a aucune leçon à recevoir en la matière», a-t-il insisté, ajoutant que les décisions adoptées à l’égard de l’Egypte «relevaient d’une simple mesure préventive» dans l’objectif d’encourager le retour à la constitutionnalité. «L’Algérie n’a participé à la suspension d’aucun Etat africain passant par une situation d’instabilité politique.
Ni la Mauritanie, ni le Mali, ni le Niger, ni aucun autre Etat, de même qu’elle n’a pas exclu l’Egypte ni demandé sa suspension de l’UA dont elle (Algérie) appuie fidèlement la doctrine et les textes».
Il a encore rappelé que parallèlement à la suspension de ses activités dans les organes de l’UA, une commission conjointe présidée par l’ancien président malien, Oumar Alfa Konaré, a été chargée de suivre les efforts consentis par les Egyptiens en vue du rétablissement de la sécurité dans leur pays. Sur le dossier syrien, Lamamra a rappelé «l’attachement de l’Algérie à une solution pacifique qui garantisse la pérennité et l’unité de la Syrie» et son appel aux parties concernées «à s’en remettre à la volonté du peuple syrien».
Il a exprimé à cet égard «l’engagement de l’Algérie à prendre part à la conférence de Genève 2 et à faire ce qui est en son pouvoir pour le succès de cette initiative à travers une action bilatérale avec la Syrie et avec les pays influents en vue de faire avancer le processus de règlement pacifique».
Nabil Fahmi : «Ma visite a permis d’expliquer la situation en Egypte»
De son côté, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmi, a affirmé que sa visite en Algérie, «bien qu’elle ne soit pas liée à la situation interne en Egypte, a permis d’expliquer aux responsables algériens ce qui se passe actuellement» dans ce pays.
Evoquant la coopération algéro-égyptienne, Fahmi a tenu à préciser qu’il n’avait pas «sollicité de crédit auprès de l’Algérie» lors de cette visite, ajoutant avoir examiné avec les responsables algériens «les moyens à même de consolider la coopération bilatérale dans divers domaines».
Par ailleurs, Fahmi a souligné que la mouvance islamiste en Egypte ne se limitait pas au mouvement des Frères musulmans classé «organisation terroriste» par le gouvernement égyptien. «La décision de considérer le mouvement des Frères musulmans comme étant une organisation terroriste a été notifiée aux pays arabes et non-arabes», a-t-il poursuivi, soulignant la nécessité de «respecter les engagements et les conventions conclues» en matière de lutte antiterroriste.
A une question sur la partie qui se cache derrière le renversement du régime de Hosni Moubarak et de celui de Mohamed Morsi, le ministre égyptien a indiqué que le peuple égyptien «veut disposer de son avenir et les forces armées ont réagi pour protéger les revendications du peuple».
Concernant la suspension de l’Egypte des activités de l’Union africaine (UA), Fahmi a estimé que cette décision était «inappropriée, car ne tenant pas compte de la spécificité égyptienne», appelant le Conseil de paix et de sécurité à revoir «rapidement» sa décision.
K. A.