Le refus de payement des factures de l’eau devient un comportement qui se généralise, au fil des années, chez beaucoup d’Algériens. Depuis les événements du printemps noir de 2001 en Kabylie, où des villages entiers ont été exonérés du payement, ce comportement est devenu une habitude chez les ménages qui contestent des lacunes dans les services.
Si certains, les organismes étatiques notamment, échappent au payement pour des raisons liées généralement au manque de moyens financiers et des lacunes dans la gestion, les citoyens y recourent pour exprimer souvent leurs mécontentements quant à la pénurie et la qualité de l’eau.
En plus du refus de payement desdites factures, les habitants de plusieurs communes reculées remettent les compteurs aux agences locales, pour exprimer leur rasle- bol, notamment en été. Par ces actions, qui s’ajoutent aux manifestations et coupures de routes pour la circulation, les récidivants dénoncent aussi le malaise social sur plusieurs plans. Selon son directeur, Abdennour Aït Mansour, le montant de créances enregistré par l’Algérienne des eaux (ADE) est estimé à plus de 35 milliards DA. Un chiffre qui met en danger l’avenir de cette entreprise qui fonctionne grâce aux subventions de l’État.
Quant aux catégories des usagers non payeurs, la même personne fait remarquer que les ménages forment le plus gros débiteur, suivis des administrations puis des unités industrielles. Selon lui, sur les 35,8 milliards de DA des créances détenues par l’ADE sur ses abonnés, un montant de 23,5 milliards de DA concerne les ménages, soit 65,5% des créances globales. Concernant le montant des créances détenues sur les administrations, il représente 10,8 milliards de DA, soit 30,3% du montant global, et dont 8,9 milliards de DA, sont dues par les seules collectivités locales.
Les unités industrielles sont redevables, quant à elles, d’un montant de 1,3 milliard de DA, soit 3,8%. Mais pourquoi des mesures rigoureuses ne sont pas souvent prises, sinon en retard, pour redresser les récalcitrants ? Cette entreprise a lancé, récemment, une campagne de sensibilisation à l’adresse de ses clients, sur le payement des créances. Par cette action, elle vise à amener ses abonnés débiteurs à régler les consommations d’eau impayées depuis des mois, voire des années, sous peine de mesures coercitives prévues par la loi. Abdenour Aït Mansour a expliqué que l’entreprise se trouve dans une situation financière difficile qui fait qu’en valeur absolue, elle est déficitaire si ce n’était l’aide des pouvoirs publics.
La procédure de recouvrement prévoit que les usagers concernés disposent d’un délai de quinze (15) jours pour s’acquitter des factures impayées. Questionné sur les mesures qui seront prises une fois ce délai expiré et que les usagers concernés n’auront toujours pas réglé leurs factures, le même responsable prévient qu’ils s’exposeront à des mesures coercitives prévues par la loi, qui vont jusqu’à la coupure de l’alimentation en eau et à la saisine des instances judiciaires.
Mais avant de prendre de telles mesures, précise-til, l’entreprise accorde un autre délai durant lequel elle doit s’assurer notamment que le client ait effectivement reçu sa facture d’impayés et qu’il n’ait pas introduit de réclamation. Au bout de ce deuxième délai d’une semaine qui s’ajoutera aux 15 jours, l’ADE engagera effectivement la procédure de suspension par le centre de distribution à l’encontre des clients récalcitrants, soulignet- il, en tenant à faire savoir que son entreprise assouplit les conditions de paiement des créances en accordant des échéanciers à ses abonnés.
Mais si la suspension de l’alimentation en eau potable pour défaut de paiement ne parvient pas à soumettre le client à son acquittement de sa facture impayée, l’entreprise engagera, alors, la procédure judiciaire nécessaire au recouvrement de la créance. Par ailleurs, Aït Mansour souligne que le coût réel de l’eau est évalué, en moyenne, à 60 DA/m3 à sa sortie de la station de dessalement alors que le consommateur paie sa facture à 6,2 DA/m3. En dépit de cette importante subvention, l’ADE estime qu’elle n’a pas encore réussi à juguler l’augmentation du nombre de dossiers des mauvaises créances.
Si le ministère des Ressources en eau veille à l’amélioration du service public de l’eau, il s’inquiète de cette masse d’argent importante non récupérée qui pourrait nous permettre de financer la réalisation d’autres projets, mais, malheureusement, on n’arrive toujours pas à recouvrer une bonne partie des créances impayées, souligne-t-il. L’ADE dessert en eau potable un nombre de 3,1 millions de clients, soit 21,5 millions d’habitants répartis sur 42 wilayas.
Salim Nasri