Les autorités préparent la saison estivale uniquement au niveau des plages.
En dehors de la mer, où vont les Algériens pendant les vacances d’été? La question est pertinente et banale en même temps! Pertinente, parce qu’elle se pose ailleurs, sous d’au-tres cieux et appelle des réponses. Banale, parce que les réponses pour le cas des Algériens sont évidentes!.
En effet, il est presque rare d’entendre un Algérien dire «mes vacances ou une partie de mes vacances je les passerai en visitant les musées et en se rendant du côté de la montagne pour me réconcilier avec la nature. Pour certains Algériens, disons-le, l’idée de visiter les musées est encore une idée exotique, tandis que celle de se rendre en montagne ne vaut pas le coup.
Les propos sont graves, mais ne sont nullement exagérés. En atteste le manque d’engouement pour les musées et le boycott des montagnes. Cette situation est -elle le résultat du hasard ou bien une conséquence liée à une causalité? Due à un hasard, n’est pas convaincant, puisque les Algériens en comparaison avec les autres peuples d’autres pays n’ont aucune différence ou absence de prédisposition pour aimer ce genre d’endroits. Ainsi, les véritables raisons de cet état de fait devraient avoir certainement un rapport avec l’absence d’une politique et d’une stratégie devant promouvoir ce genre de destinations.

Vous avez dit musées?
Les exemples confirmant ce raisonnement ne manquent pas. En fait, en Algérie, on a entendu les autorités parler de la préparation de la saison estivale, en mettant le paquet quant à l’aménagement des plages, leur gratuité et la mise en place d’un dispositif sécuritaire spécial autour de ces lieux, ainsi que l’organisation, de jour comme de nuit, de plusieurs spectacles de musique sur les plages. Tout cela pour attirer les citoyens et les pousser à sortir, mais on ne les a jamais entendus parler un jour d’un budget spécial quant à la promotion de la destination des musées ou des régions montagneuses telles que Tikjda ou Chréa, pour ne citer que celles-ci. Dans certaines régions côtières où se côtoient la mer et des sites archéologiques ainsi que des Musées nationaux, comme c’est le cas par exemple à Tipasa, Béjaïa et Tizi Ouzou, la politique «discriminatoire» des pouvoirs publics est criante.
En effet, au moment où les plages sont bondées de monde au point de ne pas trouver le moindre espace où mettre les pieds, qui pour se baigner, qui pour assister aux spectacles de musique et de divertissements organisés, les musées et les sites archéologiques sont boudés quand ils ne sont pas totalement fermés! C’est ce que nous avons vérifié le week-end dernier dans la ville de Cherchell, (wilaya de Tipasa), à 80 km à l’ouest d’Alger.
Les estivants traversent la cour du musée de la ville pour se rendre à la plage d’à côté, sans penser à y mettre les pieds, ne serait-ce que pour satisfaire leur curiosité. Interrogés par nos soins, quelques estivants nous ont déclaré froidement que la visite des musées n’est pas du tout leur dada. «Que faire à l’intérieur d’un musée? Si c’est pour voir des squelettes d’hommes et de femmes d’un autre âge, cela ne m’enchante guère et je n’ai pas envie de le savoir», nous dira Chafik, étudiant de son état en génie civil, venu de la wilaya de M’sila, avant d’ajouter: «Ne voyez-vous pas que l’entrée au musée est payante?», regrette-t-il. A notre question sur son avis quant à l’absence d’engouement des Algériens pour les musées, notre interlocuteur nous explique sans prétendre être un expert que «la culture de la visite des musées et des sites archéologiques s’enseigne et se promeut à travers les médias. Or, chez nous ni les programmes scolaires ne l’abordent ni les médias n’en parlent». Selon Chafik, il est temps pour les autorités algériennes de repenser la politique de la promotion du tourisme local et plus particulièrement celle des musées et des sites archéologiques. «Je ne dis pas qu’il ne faut pas appliquer un tarif symbolique pour l’accès aux musées, mais je demande à ce que les autorités fassent un peu d’effort dans le sens de rendre attractifs ces endroits.
Un peu d’animation à l’intérieur des salles de conférences de ces lieux n’en sera que bénéfique.»
Et puis, ajoute notre interlocuteur, «dites-moi combien de musées vous avez visités et si vous avez trouvé des guides à l’intérieur pour vous expliquer l’histoire des objets exposés?»
A ce propos, il y a lieu de souligner qu’hormis quelques musées, à l’image de celui du Bardo, et du Moudjahid à Riadh el Feth à Alger, la quasi-totalité des musées ne dispose pas de guides et ce sont généralement des «plantons» qui reçoivent les visiteurs et ce n’est qu’après un interrogatoire qu’ils les laissent entrer. C’est le cas aussi pour les sites archéologiques. Celui de Timgad s’étendant sur une superficie rivalisant avec les villes actuelles de l’Algérie, en le visitant personne ne vous prendra la main pour vous indiquer les lieux ou vous parler de l’histoire de cette cité millénaire.
Au sujet des sites de Timgad, Djemila et Sidi Fredj à Alger, il y a lieu de souligner, que le ministère de la Culture ayant tenté d’y programmer des festivals de musique dans le but d’initier les citoyens à la visite de ces lieux, a échoué pour la simple raison que les visiteurs se rendant à ces lieux le font la nuit, car les galas se tiennent la nuit. On a vu des cortèges de voitures défiler sur les lieux la nuit, pas une seule fois durant la journée.
Promouvoir la montagne
Dans ce sens, nous apprenons de Rachid, âgé d’une quarantaine d’années, l’un des rares visiteurs qu’on a rencontrés à l’intérieur du musée de Cherchell, que dans certains pays européens comme la Grèce où il était en visite récemment, «les guides chargés d’accompagner les touristes étrangers vous feront visiter des sites archéologiques qui se trouvent à des centaines de kilomètres de la capitale, mais une fois sur place vous ne trouverez qu’un rocher ou une simple pierre d’une ancienne cité ou d’une ancienne forteresse, toutefois, ils vous raconteront l’histoire des lieux durant des heures», nous-a-t-il précisé, appelant les autorités algériennes à s’en inspirer. Quant à la promotion des régions montagneuses, il n’est pas utile de chercher plus profondément pour se rendre compte que les autorités ne dépensent pas un seul centime pour rendre ces lieux accessibles.
La station climatique de Tikjda dont l’écho a dépassé de loin les frontières du pays si bien que même des touristes du Canada viennent la visiter, ne dispose pas à ce jour d’une ligne de transport qui puisse permettre aux visiteurs de s’y rendre et y passer une journée sous l’ombre de ses cédraies. Pour les visiteurs disposant de véhicules, en arrivant à la destination, c’est la monotonie dans toute sa signification qui les attend, étant donné qu’en dehors de la beauté des lieux, il y a zéro animation.
Cet état de fait est valable aussi pour la région de Chréa, dans la wilaya de Blida, qui est complètement abandonnée durant l’été.
Après ce constat sombre, est-ce qu’il est trop tard pour remédier à cette situation? M.Okbi Kheireddine, expert en tourisme, contacté par nos soins pour donner son avis sur la chose, nous expliquera au sujet des musées, que ces derniers ne sont pas nombreux et il est urgent justement d’en doter chaque commune s’il le faut.
«Les musées existants sont mal gérés. Un musée ne se gère pas comme une administration. Un musée doit être accessible et géré de préférence à titre bénévole par des personnes natives des régions où ils sont implantés. C’est le cas dans beaucoup de pays à forte affluence touristique», a-t-il indiqué, précisant que l’Algérie gagnera beaucoup en développant ce créneau. Ainsi, il s’avère que les Algériens en se rendant en masse aux plages, ce n’est finalement pas un choix judicieux qu’ils ont fait, mais plutôt la conséquence de l’absence d’alternative. A ce titre, le défi est lancé par les autorités en charge de la promotion du tourisme et de la culture pour concrétiser le tourisme national, afin que les Algériens jouissent d’ores et déjà au même titre que les autres peuples, des bienfaits culturels de leurs vacances.