L’Algérien excelle dans les interventions, Le piston érigé en culture nationale

L’Algérien excelle dans les interventions,  Le piston érigé en culture nationale
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Les APC sont les plus ciblées par le piston

«Je ne vais pas attendre que mon tour arrive, j’ai appelé un ami avant de venir, je ne veux pas perdre mon temps», nous dira un citoyen à sa sortie d’une APC.

Le phénomène a pris une telle ampleur au point de devenir une inquiétude sociale. Même pour acheter une baguette de pain, certains Algériens font intervenir une tierce personne. Aussi, M.Rouadjia, sociologue, nous explique que «le piston est une espèce de solidarité mécanique et tribale, qui s’installe au sein d’une société quand le rapport entre l’offre et la demande est déséquilibré et donne place à la rareté. Il est le résultat d’une désorganisation sociale soutenue par labsence d’un Etat de droit».

Le passe-droit, le piston, le «ben-aâmisme» est l’une des conséquences irréversibles de la bureaucratie en Algérie. L’Algérien ne conçoit donc plus de passer par la voie normale. Celle-ci, même dans les cas où elle fonctionne n’est pas empruntée.

Les Algériens voient dans l’intervention une assurance pour obtenir un résultat. Tant et si bien, qu’en Algérie actuellement tout le monde a un parent, un ami, une connaissance susceptible de lui rendre service dans tous les domaines et secteurs. «Je ne vais pas attendre que mon tour arrive, j’ai appelé un ami avant de venir, je ne veux pas perdre mon temps» nous dira un citoyen à sa sortie d’une APC. C’est devenu un réflexe, un mode de vie qui s’apparente plutôt à une pathologie de l’esprit. En réalité, c’est une déformation culturelle; le phénomène est tellement ancré dans les esprits, qu’il s’étend même aux plus simples tâches ou courses du quotidien.

Les moindres prestations de services domestiques ne se font que par le biais d’un réseau de connaissances.

Plus dangereusement, le piston a fini par atteindre les sphères les plus sensibles de la société. Dans les hôpitaux, le passe-droit est à l’origine de tous les dysfonctionnements administratifs ou techniques. Les fameuses pannes de scanners, les rendez-vous qui s’étalent sur des mois, l’irrégularité de la disponibilité des médicaments et des soins, sont les conséquences de ce système pernicieux qui ne répond à aucune moralité. Au contraire, il sert les appétits malhonnêtes de fonctionnaires et d’employés véreux.

Le secteur de l’éducation n’y échappe pas. Les admissions, les transferts et la relation professeur-élèves, se font au prorata du rang social, de la fonction des parents. De là commence la régression des compétences au profit des privilégiés. Elle étendra ses ramifications profondément dans le marché du travail.

Ainsi, le «ben-aâmisme» est devenu l’ossature de fonctionnement du marché du travail. Faisant fi des compétences censées être le critère principal du recrutement, ce dernier échappe complètement aux règles auxquelles il est normalement soumis et laisse place à l’arbitraire. Le nombre de jeunes diplômés qui finissent par amplifier le taux de chômage en Algérie, faute de ne pas avoir de piston pour trouver un travail, en est la triste preuve. Ils subissent une reconversion professionnelle forcée et se retrouvent à l’affût de petits boulots pour survivre: «Je ne vais pas attendre éternellement de trouver un travail a hauteur de mes diplômes, je ferai n’importe quel boulot pur vivre dignement» nous confie Sofiane diplômé en sciences politiques. Son ami Djamel, diplômé en architecture, a eu la chance de travailler pour subvenir à ses besoins, il est opérateur sur machine dans une usine de limonade.

Un effet, hautement néfaste pour la société, engendré par l’importance qu’a pris la bureaucratie en Algérie. Aucune institution n’y échappe, pour la simple raison que celle- ci est devenue le cheval de bataille, l’outil le plus important, l’éternel lit de la corruption.

Les efforts déployés par les pouvoirs publics pour endiguer ce phénomène sont incessants. A l’image des dernières mesures prises par le gouvernement. Notamment le nouveau découpage administratif prévu dans un premier temps aux régions du Sud et des Hauts-Plateaux, qui concernera les régions du Nord en 2017. Son but est essentiellement de rapprocher le citoyen de l’administration. et s’inscrit dans la lutte contre la bureaucratie.

Il fait état de 21 plans d’orientation sectoriels, 20 programmes d’activités régionales, neuf plans destinés aux espaces régionaux, quatre schémas d’orientation destinés aux grandes villes et 48 plans d’aménagement de wilayas.

A cela s’ajoute d’importants pas faits dans la lutte contre la bureaucratie. Notamment la modernisation de l’administration, la réductions des délais de retraits de documents d’état civil, le passage aux procédés biométriques, et le E. payement, pour ne citer que ceux-là. Même s’il a péché par le manque de communication et de sensibilisation, l’effort du gouvernement pour venir a bout de ce phénomène a toujours été consenti sans retenue. Il demeure cependant incomplet et insuffisant sans l’action citoyenne. Pour donner espoir et efficacité a cette lutte, le rôle et la contribution du citoyen s’avèrent déterminants. Le retour progressif à l’utilisation, à la confiance dans la voie normale, légale pourrait constituer l’un des axes redoutables de cette lutte. Au même titre, son abandon et son oubli seraient synonymes de sa disparition définitive, remettant en cause le principe et les fondements d’institutions de l’Etat.